Le marché étatsunien, par sa taille et le triomphe du roi dollar « as good as gold », avait une aptitude d’absorption de tout ce que la planète automobile savait produire de bon goût. Au moment où le marché de l’art avait basculé de Paris à New York, les grands marchands n’y étaient pas pour peu, tout ce que l’Europe de l’Ouest construisait d’efficace et de l’ordre de la distinction automobile trouvait dès les Pier new yorkais, territoire d’élection. Les bons faiseurs, Mercedes Benz et Porsche, Aston Martin et Jaguar, Ferrari pour s’en tenir à ce quintet, relayés par des importateurs avisés pourvoyaient ce marché extensible à l’infini. Une automobile européenne sophistiquée et adaptée aux conditions d’usage nord-américaines, lointain écho aux origines migratoires, trouvait sa place dans l’élite économique et The Society. Á croire que l’Amérique avait été une invention européenne pour y faire rouler ses plus belles voitures tandis que son industrie y instillait en retour un tant soit peu d’américanité. Il arrivait même que l’automobile européenne fasse son intéressante, sa belle américaine, juste ce qu’il faut d’ailerons, de pare-brise panoramiques, de chromes, de dagmars, de couleurs et parfois de V8. La Jaguar XK 140 occupe le tiers central de la décennie 50, étape soignée d’un modèle à trois états sans rupture, en métamorphoses. XK 120 fut produite de 1948 à 1954, XK 140 la relayait jusqu’en 1957 et XK150 ferma la marche en 1961. Elle croisa sur sa route américaine le roadster Corvette C1 1953 (L 6 3,9 litres 160 ch), la Ford T-Bird I 1955 V8 245 ch et d’autres européennes bien plus dispendieuses et prestigieuses.
Jean-Jacques Lucas - 18/02/2021