Cadillac Cimarron : la fausse bonne idée
Ce qui est bien avec un groupe comme General Motors, c’est que la multitude de ses marques et des marchés sur lesquels il opère offrent un panel d’échecs et d’erreurs marketing assez conséquent. La Cadillac Cimarron fait partie de ces fausses bonnes idées qui, au lieu d’élargir la clientèle et d’améliorer l’image de marque, ont plombé encore un peu plus le groupe à l’heure où la concurrence sur le marché américain devenait de plus en plus relevée et nombreuse. La Cimarron devait cartonner, à l’image des berlines compactes (à l’échelle des USA) européennes ou japonaises, de plus en plus prisées. Elle restera l’un des échecs les plus retentissants pour Cadillac.
Il est devenu presque trop facile de se moquer de GM et de ses multiples erreurs, mais la décision de lancer cette “petite” Cimarron part d’un constat correct : après être une première fois descendu en gamme avec la Seville (et avec brio), et face à la déferlante de berlines compactes européennes puis japonaises, l’idée de poursuivre encore un peu plus et d’élargir la gamme à un modèle encore plus petit n’était pas idiote, a priori. A posteriori bien entendu, il est facile de qualifier cela d’erreur marketing. Mais à bien y regarder, le constat était juste. C’est la réalisation du projet qui transformera la Cimarron en fiasco.
À l’attaque des européennes
À cette époque, et à ce niveau de gamme, le luxe ne se matérialisait pas par une débauche d’équipements, de cuir et de boiseries, mais plutôt par une certaine sportivité et un plaisir de conduite avéré, expliquant en cela le succès des BMW Série 3 (E21 puis E30), pourtant avares en signes extérieurs de richesse. Le blason et la noblesse mécanique suffisaient à vous donner une certaine image. Pour contrer habilement l’offensive européenne (complétée par l’imminente Mercedes 190 E), il aurait fallu jouer sur le même tableau : un châssis affûté et des moteurs brillants. Pourtant, Cadillac n’en fit qu’à sa tête, considérant que son blason suffirait à convaincre la clientèle américaine et à la détourner de ces satanées Allemandes (ou Suédoises, la Saab 900 comme la Volvo 240 rencontrant elles aussi un certain succès).
C’est sans doute avec une certaine suffisance que Cadillac s’engagea dans cette voie. Au lieu de prendre le temps de bien différencier sa nouvelle berline compacte de ses sœurs, la Cimarron s’en alla dans la mauvaise direction : celle de la standardisation. Reprenant la nouvelle plate-forme mondiale “J-Cars” (commune à l’Opel Ascona, la Chevrolet Cavalier, l’Oldsmobile Firenza, la Buick Skyhawk ou la Pontiac J2000), la Cimarron ne reçut aucune amélioration spécifique lui permettant un toucher de route plus précis. Pour ce qui est du style, il tenta de se grimer en Cadillac, mais restait finalement très proche de la Chevrolet Cavalier, bien plus abordable.
Des 4 cylindres anémiques, une plateforme banale
Certes, l’intérieur était particulièrement cossu, à la manière des modèles supérieurs (et comme a pu le faire, plus tard, une Supercinq Baccara dans un autre segment) mais était-ce suffisant ? D’autant que, côté moteurs, rien ne fut fait pour offrir le peps nécessaire : à son lancement en 1981, la Cimarron se contentait de 4 cylindres (une première pour une Cadillac depuis 1914) ; un 1.8 litre de 88 chevaux d’abord puis, en 1983, un 2 litres de 86 chevaux. Autant dire qu’avec sa presque 1,2 tonne, la Cimarron ne risquait pas d’aller titiller les Allemandes, ni même les Suédoises. Pire, elle n’offrait qu’une boîte manuelle 4 rapports, l’automatique à 3 vitesses restant une option, et l’on sait le goût des Américains pour les transmissions manuelles !
Heureusement, en 1985, on ajouta un V6 à la gamme, de 2.8 litres et 130 chevaux. Ce V6 devint l’offre moteur unique à partir de 1987 tandis que la boîte manuelle était passée, entre temps, à 5 vitesses ! Pas suffisant cependant pour inverser une tendance de fond : la voiture ne se vendait pas ! Certes, Cadillac avait des ambitions mesurées : 15 000 exemplaires par an. En réalité, les cadres du groupe en attendaient beaucoup plus et furent déçus des résultats : 25 968 unités la première année, 19 194 la deuxième puis aux alentours de 20 000 par an. En 1986, à la faveur d’un restylage (et de l’apparition du V6), les ventes remontèrent à 24 534 exemplaires, mais les dés étaient déjà jetés : à terme, la Cimarron serait retirée du catalogue. Dès lors, elle fut un peu laissée à l’abandon, tirant sa révérence début 1989 après une dernière année à 6 454 exemplaires seulement.
Un échec trop rapidement oublié
La Cimarron a longtemps été présentée (au sein même de GM) comme l’erreur à ne plus commettre ; mais chassez le naturel, il revient au galop : rien que chez Cadillac, on commit la même faute plusieurs fois, notamment dans les années 90 avec une Opel Omega B transformée en Cadillac Catera : un bide. Dans les années 2000, rebelote avec une Cadillac BLS fabriquée chez Saab et reprenant les dessous d’une 9-3 : là encore, la clientèle préféra fuir ces produits bâtards !
Pourtant, avec le recul, cette Cimarron (produite au total à 132 499 unités) a quelque chose de séduisant. L’échec d’antan offre une certaine jouissance, et puis elle rappelle (avec beaucoup de maladresse) un autre échec de l’époque, la Cadillac Allanté. Certes, les versions 4 cylindres sont à fuir mais avec le V6, sans être un foudre de guerre, on peut sûrement cruiser de façon originale, à condition d’en dénicher une aux USA, où le parc continue de fondre comme neige au soleil. Mais au moins profiterez-vous d’une certaine idée du luxe américain façon low-cost ! Et puis, on ne se refait pas, mais le nom Cimarron me rappelle mon adolescence et les jeans du même nom !