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Le plus bel âge de la Fiat Croma 8ttoV

Par Nicolas Fourny - 15/04/2025

« La Croma 8ttoV, si elle avait été industrialisée, n’aurait de toute façon conquis que quelques hurluberlus en mal d’exotisme »

Échec commercial cuisant et – à ce jour – dernière tentative de Fiat dans le domaine des berlines et breaks haut de gamme, c’est peu dire que la Croma de seconde génération n’a ni marqué son époque, ni même trouvé son public. Crossover à l’identité floue, à la croisée des chemins entre la berline, le break et le monospace, le modèle a raté sa cible en s’avérant incapable de faire mieux que les propositions plus traditionnelles qui pullulaient alors. Sans défaut particulier mais sans qualité réellement marquante, l’auto aurait pu disparaître des mémoires dans l’indifférence la plus cruelle si, poussant encore plus loin l’incongruité, Fiat et Giugiaro n’avaient décidé de la valoriser par le truchement d’un concept car présenté simultanément et dont les caractéristiques ont, aujourd’hui encore, de quoi allécher les amateurs de bizarreries les plus échevelées – nous avons nommé la Croma 8ttoV !

L’échec en héritage

Vous êtes sans doute peu nombreux à vous rappeler la première Fiat Croma. Lancée il y a exactement quarante ans, l’auto fut sans conteste l’interprétation la moins charismatique du fameux projet Tipo 4, lequel donna également naissance aux Lancia Thema, Alfa Romeo 164 et Saab 9000. Cette grosse berline à cinq portes, aux prestations honnêtes mais sans éclat particulier, souffrit avant tout du manque de prestige de son blason et de la malédiction qui frappa bon nombre de constructeurs généralistes européens, à l’époque où ceux-ci s’efforçaient encore de s’attaquer à l’imprenable citadelle germanique. Moyennant quoi, la Croma s’écoula honorablement en Italie et fort mal partout ailleurs, avant de disparaître sans être remplacée (ni regrettée) au mitan des années 90. C’est la raison pour laquelle l’annonce d’une nouvelle Croma, au début de 2005, surprit les observateurs – d’abord parce que personne ne s’attendait au retour de Fiat dans la catégorie des routières, ensuite parce que le réemploi de cette appellation n’avait rien de spécialement attirant et, enfin, parce que les concepteurs de l’engin avaient manifestement abusé de substances illicites !

Un invraisemblable patchwork

En ce temps-là, Fiat Auto et la General Motors s’étaient lancés dans un fructueux flirt technique initié au début de ce siècle – et qui faillit d’ailleurs s’achever par le rachat d’Opel par les Italiens, avant qu’Angela Merkel n’y oppose son veto, ce qui est assez savoureux quand on connaît la suite de l’histoire… La Croma est l’un des rejetons de ce partenariat ; élaboré à partir de la plateforme GM Epsilon (également utilisée par les Saab 9-3 ainsi que les Opel Vectra C et Signum), le modèle entendait vaguement restaurer la légitimité de Fiat dans un segment qui, depuis la décennie 70, n’avait jamais vraiment permis à la firme de Turin de s’y ébattre avec succès. Les choses allaient-elles pouvoir changer avec la Croma II ? Il était permis d’en douter en découvrant une auto qui, comme d’autres à cette époque, avait choisi de contourner l’obstacle par le biais d’une proposition dont l’originalité était la principale vertu, mais qui comportait aussi une prise de risque non négligeable. Confié aux bons soins d’Italdesign, le dessin de la nouvelle Croma ne ressemblait à rien de connu et affichait des proportions insolites en réfutant délibérément le classicisme des propositions concurrentes, à tel point qu’il était difficile de lui trouver des rivales directes – à l’exception sans doute (et pour cause !) de la malheureuse Opel Signum évoquée plus haut…

Un peu de tout, beaucoup de rien

Un peu comme la voiture de Rüsselsheim (ou, à un autre niveau de gamme, la Mercedes-Benz Classe R), la grande Fiat tentait de réaliser une synthèse entre berline, break et monospace, en agrégeant le côté statutaire de l’une et la praticité des deux autres. Bien entendu ça ne pouvait pas marcher et, à la vérité, personne n’a réellement compris l’intérêt de la démarche car, à force d’effleurer plusieurs concepts à la fois, l’auto s’apparentait surtout à un objet globalement inabouti. D’une silhouette trop utilitariste pour tenter les amateurs de berlines allemandes, pas assez modulable pour attirer les propriétaires de monospaces et affligée d’une physionomie trop baroque pour pouvoir rivaliser avec l’élégance de la plupart des breaks de son temps, la Croma se condamnait elle-même à une forme de marginalité, ce que confirma la brièveté d’une carrière s’achevant après seulement cinq années et un peu plus de 130 000 exemplaires produits. Pourtant – l’objectivité commande de l’écrire –, l’auto n’était pas dépourvue de qualités et tous ceux qui en ont possédé une en ont conservé un bon souvenir. Habitable, confortable, bien équipée, tenant très correctement la route, plutôt fiable et dotée d’une qualité de finition surprenante pour une Fiat, la Croma ne manquait pas de substance, mais sa lugubre destinée démontra une fois de plus qu’à ce niveau de gamme, l’originalité ne paie pas.

Un V8 à tout faire

On peut dès lors se demander ce qui se serait passé si d’aventure le signor Marchionne avait décidé de commercialiser la Croma la plus exotique jamais conçue – plus improbable encore que son aînée de 1993 animée par un V6 Alfa ! Aux côtés des Croma ordinaires (enfin, pas tant que ça…), les visiteurs du Salon de Genève 2005 purent en effet découvrir une variante pour le moins inattendue de la grande Fiat, sous la forme d’un concept car baptisé 8ttoV – ce qui permettait d’adresser un clin d’œil à l’extraordinaire Otto Vu de 1952. Sous le capot de l’engin trônait sa seule raison d’être, à savoir, en toute simplicité, le V8 F136 qui animait alors les Maserati 4200 ou Ferrari F430 ! Implanté, à l’instar des moteurs quatre- et cinq-cylindres dévolus aux Croma disponibles à la vente, en position transversale (eh ouais), le bougre avait théoriquement la charge d’entraîner la voiture par le seul truchement des roues avant, ce qui ne pouvait que rendre songeur après avoir consulté la fiche technique publiée par Fiat : avec 390 ch annoncés, la motricité de la Croma V8 risquait fort de ressembler à une sinistre plaisanterie…

La dernière folie de Turin

Peu importe, me direz-vous – et à juste titre : il n’a jamais été question d’intégrer la Croma V8 – le seul fait d’écrire ça suscite une certaine ivresse, ne trouvez-vous pas ? – au catalogue Fiat, par ailleurs bien plus intéressant et diversifié qu’aujourd’hui. Arborant une peinture exclusive, des feux arrière spécifiques, de grosses jantes et diverses touches de chrome, l’auto se singularisait aussi par son habitacle, tout de cuir Poltrona Frau et de bois revêtu, dans lequel la banquette arrière se voyait remplacée par deux sièges individuels, chaque passager disposant de surcroît d’un écran relié à un lecteur de DVD – ce qui, vingt ans plus tard, semble presque aussi désuet que les téléviseurs à tubes cathodiques et les magnétoscopes que l’on trouvait dans les limousines durant les années 1980… Étant tout à la fois un hommage à Gianni Agnelli, un exercice de style sans avenir et un vecteur promotionnel incongru pour une voiture mal née, la Croma 8ttoV, si elle avait été industrialisée, n’aurait de toute façon conquis que quelques hurluberlus en mal d’exotisme – ce qui nous l’aurait rendue d’autant plus sympathique ! Oubliée de tous, cette Fiat si singulière a pour principal mérite de nous rappeler le temps où la firme de Turin savait encore rêver…

4244 cm3Cylindrée
390 chPuissance
250 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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