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Bentley Continental Supersports : hommage au douze-cylindres

Par Nicolas Fourny - 08/04/2025

« La Supersports reste une formidable machine à abattre les kilomètres avec une gloutonnerie n’ayant d’égale que sa vélocité »

Cette fois, c’en est bien fini du moteur W12 chez Bentley ! Dernière marque du groupe Volkswagen à utiliser cette noble mécanique apparue en 2001 sous le capot de l’Audi A8, la firme de Crewe s’en tient dorénavant à des V6 et V8 largement répandus chez Porsche, Audi ou Lamborghini. « Ça, c’est de la rationalisation, mon coco ! », grinceront les nostalgiques du douze-cylindres. Sans aucun doute – mais, du point de vue des performances chiffrées, cette standardisation n’est pas forcément synonyme de régression, comme pourront vous le confirmer les heureux conducteurs de l’actuelle Continental GT hybride, forte de 782 ch… Toutefois, il y a l’art et la manière, et il est permis de regretter le faste irrationnel de ce W12 né en Basse-Saxe mais dont, paradoxalement, le charisme ne parvint réellement à s’exprimer qu’en animant la fleur du grand tourisme britannique. En particulier lorsque, comme dans la Continental Supersports de 2017, il était poussé dans ses ultimes retranchements…

Encore merci, M. Piëch !

« La nouvelle Continental est-elle une vraie Bentley ? » s’interrogent perfidement les puristes à l’automne 2002 quand, lors du Salon de Paris, ils découvrent la Continental GT sur le stand de la marque, quatre ans après son rachat par le groupe VW. Très habilement dessinée par Dirk van Braeckel, l’auto marque indéniablement un changement d’époque pour Bentley : c’en est fini des charmes plus ou moins aléatoires de l’artisanat, des process de fabrication désuets – et des volumes de production qui vont avec. Le constat est implacable : en partant de moins de 1800 voitures construites en 2001, l’usine de Crewe, entièrement restructurée pour la circonstance, atteint la barre des 10 000 unités dès 2006 (dont 85 % de Continental GT et dérivés, les « vraies » Bentley ne représentant plus qu’une part très marginale de la production). Outil de conquête et réussite commerciale incontestable, la « Conti » est aussi nettement moins coûteuse que ses aînées et séduit une nouvelle clientèle, qui apprécie de pouvoir se vautrer dans un habitacle luxueux, bien plus chaleureux que celui d’un coupé Mercedes et respectant soigneusement les codes du prestige anglais, même si un examen attentif de certaines commandes en révèle l’origine roturière. Car, en substance, la Continental GT n’est rien d’autre qu’une Volkswagen Phaeton recarrossée, accompagnée du faramineux 12-cylindres conçu à l’initiative de Ferdinand Piëch, alors grand manitou du groupe VW, à partir de deux blocs de type VR6 et inauguré par le concept-car éponyme…

Le sport, version poids lourd

« Les Bentley sont les camions les plus rapides du monde ! » persifla un jour Ettore Bugatti, faisant ainsi allusion à l’allure pour le moins massive des 3 Litre ou Speed Six qui, entre 1924 et 1930, remportèrent les 24 Heures du Mans à cinq reprises. Sept décennies plus tard, la première Continental GT semble leur rendre hommage, et les 2350 kilos affichés (à vide) par l’engin font, de prime abord, se gausser les ayatollahs du light is right – principe cher à Colin Chapman, comme chacun sait ; pour autant, Bentley et Lotus ne s’adressent pas tout à fait à la même clientèle et il suffit de prendre les commandes de l’auto pour en éprouver le souffle à peu près inépuisable. Cinq cent soixante chevaux, 650 Nm et 318 km/h en pointe : impressionnantes il y a vingt ans, ces valeurs suscitent toujours le respect aujourd’hui et, les lois de la physique étant ce qu’elles sont, il n’y a guère que sur les itinéraires les plus sélectifs que le poids de la « Conti » se fait sentir en martyrisant ses pneumatiques avant – si vous insistez vraiment – que la voiture ne se livre peu à peu à un sous-virage inévitable, payant cash son architecture directement inspirée des grandes Audi (moteur en porte-à-faux avant et transmission intégrale répartissant le couple de façon égalitaire entre les deux essieux). Bon, soyons objectifs : parmi les nouveaux clients recrutés par Bentley à partir de 2003, combien se sont-ils risqués à tester ainsi les limites de leur coupé ? Très peu, sans doute et, de longues années durant, la popularité de la Continental, bientôt déclinée en cabriolet GTC puis en berline Flying Spur, ne s’est pas démentie.

La course à la puissance

Pourtant, certains ricanements n’ont jamais réellement cessé, surtout à partir du moment où l’Aston Martin DB9, présentée en 2004, est venue concurrencer la plus accessible des Bentley. Elle aussi animée par un moteur à 12 cylindres mais dépourvue de transmission intégrale, l’Aston compense son déficit de puissance (elle ne développe « que » 460 ch à ses débuts) par sa légèreté : l’auto pèse tout de même 640 kilos de moins que la Continental… Elle est aussi plus rare, ce qui n’est pas forcément mal vu dans un univers aussi élitaire : je connais ainsi des Londoniens qui ironisent volontiers quant à la surpopulation de Bentley dans certains quartiers de la capitale anglaise. Trop évidente, trop vue, trop facile à conduire, trop abordable – tout est relatif, bien entendu –, la « Conti » finit par être considérée comme un peu vulgaire dans certains milieux, ses origines germaniques, son côté clinquant et le manque d’éducation d’une partie de sa clientèle faisant passer au second plan son statut de GT d’exception. Les dirigeants de Bentley n’ont donc eu de cesse de renforcer la crédibilité de la Continental du XXIe siècle en jouant sur deux tableaux : l’accroissement régulier de la puissance du W12 et, de façon plus ponctuelle, une timide réduction du poids. D’où l’apparition, en 2009, d’une première série limitée baptisée Supersports. Forte de 630 ch et profitant d’une nouvelle répartition du couple favorisant l’essieu arrière, la « Conti » ainsi gréée réjouit les connaisseurs, qui profitent également d’une suspension recalibrée et d’un allègement relatif. Le meilleur reste cependant à venir…

Inexhaustible W12

En 2017, la Continental GT en est à sa deuxième génération, même s’il faut l’œil d’un spécialiste pour discerner ce qui la différencie du modèle originel. Alors âgée de six ans, cette itération de la « Conti » approche de son couchant – sa remplaçante, très différente esthétiquement, piaffe déjà d’impatience dans l’ombre. En guise de cadeau d’adieu, Bentley commet donc une seconde Supersports, bien plus ambitieuse que sa devancière puisque, cette fois, le W12 a subi d’importantes modifications. De la sorte, le vilebrequin, les bielles et les deux turbocompresseurs sont inédits ; la puissance atteint désormais les 710 ch à 6000 tours/minute, avec un couple démentiel de 1017 Nm ! Comme on pouvait s’y attendre, le châssis n’est pas en reste et s’inspire pour l’essentiel des solutions retenues pour la GT3-R à moteur V8 présentée en 2015. Bénéficiant du même dispositif de vectorisation du couple, l’auto reçoit entre autres des disques de freins en carbone-céramique, des boucliers partiellement confectionnés en fibre de carbone et un échappement en titane en option, qui allège encore l’ensemble de cinq kilos et magnifie la tessiture du douze-cylindres.

La quintessence du grand tourisme

Au bilan, le poids reste certes démesuré pour une voiture de sport (2280 kilos à vide), mais la moindre sollicitation sur la pédale de droite donne le sourire, fait parler la poudre et tonner le W12 : le 0 à 100 km/h est abattu en 3,5 secondes et la vitesse maximale ressort à 336 km/h… Ne vous y trompez pas cependant : en dépit de son appellation, cette Continental GT n’a pas changé ses fondamentaux et reste une… GT, c’est-à-dire une formidable machine à abattre les kilomètres avec une gloutonnerie n’ayant d’égale que sa vélocité, dans un luxe et un confort inouïs et en atteignant un niveau de sécurité active difficilement surpassable – encore merci aux quatre roues motrices… Moralité : le Freude am Fahren n’est pas réservé aux conducteurs de Lotus Elise ou de Porsche 911 GT3 ; la fascination exercée par l’ascétisme  a ses limites ! La seconde Supersports propose des plaisirs d’un autre typage et, du reste, les amateurs ne s’y sont pas trompés ; les 710 exemplaires construits sont d’ores et déjà des collectors, accessibles à partir de 150 000 euros. C’est là le prix à payer pour la plus désirable des « Conti » !

5998 cm3Cylindrée
710 chPuissance
336 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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Nicolas Fourny - 10/07/2020
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