

Longtemps chasseuses de chronos sur la Nordschleife, les trois générations successives de Mégane Renault Sport se sont, au fil des ans, taillé une solide réputation auprès des amateurs de pilotage et de compactes surmotorisées, démontrant, à l’instar des Ford Focus RS ou ST, que l’on pouvait fort bien élaborer d’authentiques voitures de sport à traction avant. De la sorte, si l’avenir en collection des Mégane R.S. semble assuré, tel n’est pas (encore) le cas d’un dérivé beaucoup plus rare car produit en série limitée durant une année seulement : nous avons nommé le break GT 220, improbable agrégat de composants disparates ayant néanmoins donné naissance à l’une des Renault les plus attachantes de ce début de siècle !



Le sport, le vrai
Apparue en 2004 et basée sur la deuxième génération du modèle, la Mégane R.S. originelle a très vite conquis le cœur des passionnés, en dépit d’un design audacieux et diversement apprécié. Nantie du 2 litres F4RT généreusement suralimenté par un turbocompresseur Mitsubishi à double entrée, l’auto permit à Renault Sport de renforcer une réputation déjà solidement installée grâce aux exploits des Clio éponymes. Évoluant sans cesse – jusqu’à une déclinaison R26.R d’anthologie – la Mégane ainsi gréée n’avait plus grand-chose à voir avec la paisible compacte dont elle était issue. Car les ingénieurs de Renault Sport n’étaient pas seulement d’excellents motoristes ; ils s’y entendaient aussi lorsqu’il s’agissait de mettre au point un châssis, même si les premiers exemplaires firent quelque peu tousser les plus exigeants. Avec son train avant spécifique à pivots découplés et son freinage d’élite, la Mégane II R.S. était taillée sur mesure pour les connaisseurs – je veux dire ceux qui ne souciaient guère de frimer et qui s’intéressaient davantage à la géométrie des trains roulants qu’à la présence de plastiques moussés dans l’habitacle. Se colletant aux très bourgeoises Volkswagen Golf GTI ou Audi S3, la petite française jouait une tout autre partition, axée sur l’efficacité et les joies pures de la conduite. Pendant que les snobs se détournaient de cette pistarde à l’étrange physionomie, aux coloris souvent criards et au logo trop plébéien, les pilotes véritables, eux, s’en régalaient !
Chasseuse de chronos
Toutes les bonnes choses ayant une fin, il fallut bien prendre congé de la première Mégane R.S., dont la production s’acheva en 2009 – mais l’on savait déjà que l’aventure allait se poursuivre, même si elle devait arborer un autre visage. Fidèle à ses habitudes, et contrairement aux constructeurs allemands, Renault ne joua pas la carte d’une continuité rassurante mais d’une franche rupture esthétique d’une génération à l’autre, renonçant au passage à la berline 3 portes au profit d’un authentique coupé au style plutôt original et plaisant – désormais seule carrosserie disponible en version R.S. et exclusivement avec le 2 litres turbo, Renault ayant fort heureusement renoncé à l’incongrue variante à moteur Diesel du modèle sortant. Indéniablement, ce fut l’âge de la maturité pour la Mégane R.S. (et aussi celui d’une certaine célébrité, l’engin ayant équipé certaines brigades de gendarmerie afin de faire la chasse aux auteurs de grands excès de vitesse). Poussé à 250 ch dès l’abord, le valeureux quatre-cylindres jette ses derniers feux et poussera même la plaisanterie jusqu’aux 275 ch des versions Trophy ! L’avez-vous remarqué ? cela paraît déjà si loin et pourtant si proche, ce temps béni où des compactes sportives relativement légères (car strictement thermiques) se battaient encore à coups de dixièmes de seconde sur le Nürburgring…

Avec le temps va, tout s’en va
Nous parlons bien, hélas, de la fin d’une époque, et le « gros » 2 litres né avec la Clio Williams en 1993 quitta la scène en même temps que la Mégane III R.S. en 2017, remplacé par un 1,8 litre d’origine Nissan qui, s’il n’a pas démérité, ne laissera pas la même empreinte dans le cœur des amateurs. Toutefois, avant de disparaître à tout jamais, le F4RT aura également fait les beaux jours de l’étrange automobile qui nous occupe aujourd’hui – étrange, oui, car si Renault s’est fréquemment risqué dans d’aventureuses péripéties, de la Wind à l’Avantime en passant par le très dispensable Kangoo Be Bop, peu de gens savent que l’ex-Régie a aussi – mais brièvement – tenté sa chance dans le segment des breaks compacts surmotorisés ! Bien sûr, la catégorie n’est guère populeuse et, hormis la firme française, seuls Opel, Ford et le groupe Volkswagen, avec notamment la Golf, ont plusieurs fois tenté l’expérience au fil des ans, sans que les modèles concernés, voués à la marginalité qu’engendraient leurs caractéristiques et, de fait, méconnus du plus grand nombre, n’obtiennent autre chose qu’un succès d’estime. Il en va de même pour la Mégane GT 220, dont la carte de visite terroriserait sans doute plus d’un conducteur d’Arkana « Esprit Alpine » – et c’est aussi ce qui en fait le charme !
Inaboutie mais attachante
« Ça ne sert à rien, ces bagnoles », éructent souvent les imbéciles lorsqu’ils entendent parler de voitures de sport classiques. Que diraient-ils alors, ces stipendiés de la pensée unique, s’ils apprenaient l’existence de ce break qui, loin des outrances stylistiques du coupé Mégane R.S. contemporain, ne dévoile sa véritable nature qu’au connaisseur attentif ? Même si le F4RT est ici dégonflé à « seulement » 220 ch, l’appareil a ce qu’il est convenu d’appeler de beaux restes et les chronos sont éloquents : avec 240 km/h en pointe et le 0 à 100 abattu en 7,6 secondes, on est assez loin des Mégane dCi contemporaines – avec lesquelles un œil non averti pourrait aisément confondre notre vaillante GT, certes véloce mais malheureusement privée du fameux train avant à pivots découplés de la R.S., d’où des attitudes sensiblement moins tranchantes dans les itinéraires sinueux empruntés à grande vitesse. Cette Mégane porte donc bien son nom : si les sportifs purs et durs iront voir ailleurs, à elle la performance feutrée et la furtivité des sensations – auxquelles on ajoutera, préciseront les esprits les plus prosaïques, une habitabilité correcte pour quatre adultes et leurs bagages. Une sorte de quadrature du cercle inachevée, en somme, qui, de nos jours, attire une petite tribu de gourmets soucieux de sortir du tout-venant : l’auto n’a été produite qu’à 500 exemplaires et ceux qui se retrouvent sur le marché ne restent jamais longtemps en vente… Si cette singulière Renault vous tente, vous voilà prévenus !






Texte : Nicolas Fourny