Cadillac Seville III STS : le parfum de l'inutile !
En 1992, j’avais 17 ans, et je me « payais » mon premier voyage de grand, avec un cousin et un ami : après un mois de dur labeur au Monoprix de Villejuif au rayon fromage (c’était un temps où l’on pouvait gagner de l’argent comme un grand sans être majeur), nous étions partis découvrir l’Espagne en train, car et auto-stop, ses véhicules parfois inconnus chez nous (lire aussi : Renault Siete), et en point d’orgue l’exposition universelle de Séville ! A cette époque, j’étais déjà bien entendu mordu d’automobile, et le nom de cette ville andalouse chantait pour moi autant la découverte de la péninsule ibérique que le grand ouest américain. Et pourquoi donc me direz-vous ? Parce qu’à la même époque, la prestigieuse marque Cadillac proposait dans sa gamme la Seville, sorte de réponse américaines aux importations européennes : traction, petit gabarit (enfin, pour les USA), style, mais tout de même équipée de V8 « à l’américaine ».
La première génération de Seville, datant des année 70, était d’une banalité affligeante ! Mais la deuxième génération s’affirmait dans un style baroque, avec une étrange malle arrière qui lui donnait du caractère certes, mais aussi une bonne dose de ridicule. C’est en 1986 que la 3ème génération de Seville, qui m’intéresse ici, fit son apparition. Sa principale qualité pour moi : un design particulièrement réussi, avec une vitre arrière presque verticale et un long capot avant, une vraie réussite selon moi. Pourtant, les américains n’étaient pas du même avis que moi, et boudèrent cette « petite » Cadillac. Sa version « coupé », dénommée Eldorado, connut le même désamour !
La Seville III « classique » sera produite de 1986 à 1991Pourtant, cette voiture était vraiment intéressante, avec notamment un système de contrôle moteur réduisant la consommation à un petit 7,8 litres aux 100 sur autoroute malgré un V8 sous le capot (en position tranversale avant). Avec 4,1 litres de cylindrée, il ne sortait il faut dire que 130 chevaux ! Heureusement, la Seville reçut à partir de 1988 un 4,5 litres de 155 ch qui passait à 180 ch en 1990, puis, en 1991, pour sa dernière année de production, un 4,9 litres de 200 ch.
La STS à l’équipement spécifique, paraît en 1988 pour la première fois, pour des dignitaires triés sur le volet !Mais ce n’est pas la Seville « classique » qui m’intéresse ici, trop répandue (135 027 exemplaires produits entre 1986 et 1991), mais sa version STS (pour Seville Touring Sedan), parue en 1988. A son apparition, il ne s’agissait que d’une voiture « spéciale » destinée au pontes de chez Cadillac ou GM, et à des clients choisis pour leur fidélité, produite à 1499 exemplaires et réalisée par la firme Cars & Concepts (ce nom vous dit quelque chose ? Normal, cette firme réalisa aussi les coupés et cabriolets 505 pour le compte de Peugeot of America, lire aussi : Peugeot 505 Coupé et Cabriolet). Ces exemplaires se distinguent des autres par des jantes en alliage spécifiques, des suspensions retravaillées, une barre stabilisatrice à l’arrière, et surtout, seulement 4 places, mais des vraies places de salon roulant !
La STS se distingue des autres notamment par ses 4 vrais sièges !Sous le capot, rien ne change pourtant, avec le 4,5 litres de 155 ch : pas de quoi en faire un foudre de guerre, mais la décoration spécifique et le luxe intérieur suffisait à se distinguer de la plèbe sans pour autant s’offrir une « grande » Cadillac. Cette même année sortait l’Allanté, sorte de version cabriolet de l’Eldorado, dessinée et fabriquée par Pininfarina (lire aussi : Cadillac Allanté). Avec la Seville, l’Eldorado et l’Allanté, Cadillac croyait tenir le tiercé gagnant pour contrer les Mercedes et BM qui envahissaient les suburbs huppés des grandes villes. Manque de bol, ces trois modèles furent des bides malgré un charme indéniable. A croire que les américains cherchaient de vraies américaines, ou de vraies européennes, mais pas des voitures le cul entre deux chaises comme la Seville !
La STS, qui devait être réservée à ces quelques happy fews, sera finalement reconduite en 1989 comme une « série limitée ». Seuls 1893 exemplaires seront fabriqués cette année-là, avec quelques différences par rapport à la STS de 1988. En 1990, la STS devient une finition à part entière, produite à 2811 exemplaires, puis à 2206 exemplaires en 1991, date du clap de fin pour toutes les Seville ! Aujourd’hui, on estime à 489 exemplaires (sur 8409 au total) les STS survivantes, ce qui, avouez-le, en fait un objet particulièrement rare.
Mais quel est l’intérêt de cette Seville STS me direz-vous ? Premièrement sa ligne, que je trouve particulièrement réussie (mais je dois être le seul) ; Deuxièmement, sa rareté, à l’époque d’abord, aujourd’hui ensuite (la première série de 1988 est de loin la plus exclusive, mais étrangement, il en reste plus que de modèles 1989 : sûrement parce qu’elle est la plus désirable) ; troisièmement, le côté totalement décadent et inutile de cette série spéciale, dotée de seulement 4 places (royales), et richement équipée ; quatrièmement, elle est représentative des tentatives d’européanisation des constructeurs américains dans les année 80 ! Tout cela la rend terriblement Boîtier Rouge, et c’est bien l’essentiel, même si ceux qui veulent du sport (enfin, un peu plus) tout en restant exclusifs opteront plutôt pour une des dernières Allanté équipées du V8 Northstar de 292 ch !