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Citroën SM : la chute de « Sa Majesté »

Par Paul Clément-Collin - 21/07/2022

Avant de parler plus précisément de la fabuleuse Citroën SM à moteur Maserati qui revient en force dans le cœur des amateurs de voitures aujourd’hui, autant tordre le cou à un mythe : non, la SM n’est pas morte à cause de la crise pétrolière de 1973 ! Bien sûr, comme toutes les voitures de forte cylindrées à la consommation importante, une telle crise n’arrangeait pas ses affaires, mais les vraies raisons de l’échec et de la fin de ce modèle ne sont pas là.

Citroën SM zoom sur la porte arrière

L’origine de la chute

La chute de « Sa Majesté » est due à un ensemble de facteurs qui, mis bout à bout, condamnèrent cette belle GT française. Il y eut bien entendu les problème de fiabilité du moteur Maserati, et de la SM en général, qui entachèrent sa réputation, mais ces problèmes purent être corrigés au fur et à mesure. Ce sont surtout deux facteurs précis qui ruinèrent la carrière de la SM. Le premier facteur est dû à Citroën elle-même. Son réseau n’était absolument pas formé à la vendre et surtout à entretenir ce navire amiral, au moteur pointu et aux réglages fins. Un entretien précis et méticuleux était nécessaire, et bien des concessions ne surent pas se dépatouiller avec ce monstre de technologie et de mécanique à l’époque, ce qui contribua à rebuter les clients, et à amplifier la mauvaise réputation d’une voiture pourtant fiabilisée (si tout était fait dans les règles de l’art).

Citroën SM photo de l'auto en stationnement
Citroën SM
Citroën SM vue de la voiture à l'arrêt

Le deuxième facteur est pour le coup plus étonnant, mais peut-être crucial pour expliquer l’échec de la SM : la fermeture du marché américain pour la GT franco-italienne. Rembobinons le film : dès la conception de la voiture, Citroën sait qu’elle est taillée pour l’Amérique, et sa commercialisation commence en 1972 aux USA, après l’avoir adaptée aux normes américaines (les phares notamment). Les gars du quai de Javel avaient eu le nez creux : la SM reçoit le prix de la voiture de l’année remis par « Motor Trend ». Aussitôt les ventes décollent, et en deux ans (1972 et 1973), ce sont 2037 autos qui trouveront preneurs ( + 396 au Canada) : des débuts encourageants (l’Amérique absorbe alors ¼ de la production annuelle de SM).

Une SM USA, aux phares modifiés !

Mais en 1974, tout change : les nouvelles réglementations américaines imposent de nouveaux pare-chocs, et rendent quasiment impossible la commercialisation d’une voiture à hauteur de suspension variable sans de lourdes et très coûteuses modifications techniques. Citroën doit jeter l’éponge aux Etats-Unis après avoir vainement espérer une dérogation. C’est donc un débouché très prometteur qui disparaît pour Citroën. Les chiffres de production sont éloquents : de 2649 SM fabriquées en 1973, on tombe à 294 exemplaires en 1974. Certes la crise pétrolière n’a pas aidé, mais la perte du marché américain fut encore plus pénalisante. Dès lors, le destin de la SM était scellé !

Une autre SM USA

Rajoutez à cela les difficultés financières de Citroën (et de Maserati), le désir ardent de vente de Michelin (qui finira par le faire et revendre Maserati à De Tomaso, et Citroën à Peugeot), et enfin, cerise sur gâteau, un nouveau propriétaire, Peugeot, bien embarrassé par un tel modèle qui, en 1975, n’est plus produit qu’à 115 exemplaires. Autant arrêter les frais. Mais cela sentait le roussi dès 1974 : les volumes étaient si faibles que la production des SM avait été confiée à Ligier (qui produisit 24 voitures de ce modèle fin 74, et 114 en 1975).

Citroën SM de couleur ocre vue devant une maison

Un ensemble pourtant intéressant

Voilà pour la légende de la « crise pétrolière » tueuse de SM. Venons-en maintenant à la voiture. Si l’échec de la SM est rageant, c’est surtout qu’elle représentait une alternative intéressante dans le haut de gamme en France. Enfin, un constructeur arrivait à proposer un projet fort technologiquement (suspension hydraulique, Diravi, etc), stylistiquement novateur tout en restant beau, avec enfin un moteur digne de ce nom, puissant et noble. L’uchronie est toujours facile, mais imaginez si les berlines « SM » de série étaient sorties : l’image de Citroën aurait durablement changé ! Qui sait si aujourd’hui, le premium ne serait pas l’affaire des français comme l’industrie du luxe l’est aujourd’hui. Imaginez aussi la CX avec un V6 italien performant, et la SM dotée du V8 Maserati (un véhicule fut réalisé par Maserati, retoqué par Citroën en manque d’argent, et conservé par Alfieri lui-même comme véhicule personnel) ! Nous aurions pu avoir un trio CX/SM Coupé/SM Berline équivalent au trio « Série 5/Série 6/Série 7 » de chez BMW à l’époque… Mais avec des si….

La SM était le fruit de l’expérience DS, qui trustait le segment des berlines en France, mais manquait sérieusement d’un moteur à la hauteur de sa tenue de route. Avec le rachat de Maserati en 1968, Citroën faisait coup double en s’offrant une filiale prestigieuse, mais aussi des moteurs nobles. C’est l’ingénieur motoriste italien Alfieri qui va fournir à Citroën le moteur qui lui manquait, en transformant le V8 de la Maserati Indy en un V6 à 90° de 2,7 litres de cylindrée et 170 ch DIN et carbu (il passera ensuite à l’injection, puis à 3 litres et 180 ch DIN). On retrouvera ce moteur sur la Maserati Merak, mais aussi sur la Ligier JS2. Côté technologie, les bases sont là avec la DS, et notamment la suspension hydraulique, marque de fabrique de Citroën, qui rendra la SM confortable en toute circonstance. Côté design, c’est Robert Opron qui s’y colle, à qui l’on devra plus tard la CX (lire aussi : Citroën CX), la Fuego (lire aussi : Renault Fuego) ou la Renault 25 (lire aussi : Renault 25).

Parlons-en d’ailleurs de cette ligne ! Si aujourd’hui elle nous paraît symbolique des années 70, c’est qu’elle était justement terriblement moderne à l’époque. Sans descendance directe, on voit mal comment une SM aujourd’hui, en coupé GT ou en berline, pourrait rivaliser avec les Audi, Mercedes ou autres BMW, mais gagez qu’en évoluant, elle aurait imprimé son style, pour devenir, peut-être, une référence comme le fut BMW dans les années 80 ou comme l’est Audi aujourd’hui. Toujours est-il que sa ligne étonnante fait aujourd’hui la joie des collectionneurs, et j’en connais qui sont encore nostalgiques de leur SM (c’est juste une Petite Observation Automobile que je fais!).

A l’époque, et dans l’attente du développement d’une gamme qui ne vint jamais, le carrossier Chapron ne se fit pas prié pour réaliser ses propres interprétations. Ainsi, on put voir le cabriolet Mylord, produit à 8 exemplaires, ou la berline Opéra (lire aussi : SM Opéra). Deux exemplaires destinés à la présidence de la République, des landaulet 4 portes, sortirent des ateliers Chapron pour devenir célèbre auprès de tous les français. Un troisième sera réalisé durant les années 2000 avec l’accord des héritiers Chapron (lire aussi : La 3ème SM présidentielle). Heuliez réalisa quand à lui deux exemplaires d’une SM Targa dénomée Espace (lire aussi : SM Espace).

Citroën SM sur fond blanc

La Citroën SM : une auto de nouveau appréciée

Au total, seuls 12 920 SM furent construits entre 1970 et 1975. C’est peu, mais c’est beaucoup pour une telle voiture dans un tel contexte ! Si leur cote d’amour explose en ce moment, leur cote tout court aussi, ce qui les rendent de moins en moins accessible. Ne parlons même pas des exemplaires fiabilisés, ou transformés en diesel performant par l’ami Régembeau (lire aussi : Les SM de Georges Regembeau), devenus hors de prix, ou plus simplement jamais à vendre. Mais si l’occasion se présente, sautez sur cette auto attachante, performante, étonnante et à nulle autre pareil !

PS : 5 exemplaires de la SM seront livrés à la Gendarmerie en 1972 dans le cadre de ses interventions rapides !



Texte : Paul Clément-Collin

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