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Citroën DS 21 1967 : une certaine ID de la perfection

Nicolas Fourny - 13 août 2024

« La 21 disposait d’une puissance dorénavant respectable, avec 109 ch SAE, ce qui correspondait à un progrès de 45 % par rapport aux premières DS »

Une DS ! Oui, mais laquelle ? En bientôt soixante-dix ans d’existence, la plus convoitée des Citroën aura connu plusieurs vies : révolutionnaire à sa naissance puis, de longues années durant, haut de gamme statutaire et symbole républicain, avant de sombrer dans les jours difficiles que le destin réserve aux voitures d’occasion, puis de renaître enfin pour se transformer en immarcescible légende. Plusieurs vies, donc, et aussi une foultitude de versions, sur la base de seulement trois carrosseries de série et quatre cylindrées. À l’heure du choix, le collectionneur d’aujourd’hui se déterminera en fonction de sa sensibilité, de ses préférences esthétiques et de l’utilisation qu’il compte faire de l’auto. Ainsi existe-t-il les DS véritablement anciennes, qui ne sortent pas plus souvent de leurs garages qu’une Bugatti Royale ; et puis, à l’autre bout du spectre, les « modernes » du genre D Super 5, qui peuvent s’insérer sans difficulté dans le trafic actuel, dont le système hydraulique a été fiabilisé et à qui l’on peut encore demander d’enchaîner les kilomètres sans remords. Entre ces deux extrêmes cependant, il existe une sorte de compromis idéal – nous avons nommé la DS 21 du millésime 1967 !

Le visage de la maturité

Pourquoi 1967 ? Cette année-modèle est l’une des plus importantes de l’histoire de la DS, pour des motifs qui tiennent à la fois à l’évolution technique et au design du modèle. De fait, des trois « visages » que la voiture a connus, celui apparu pour 1963 s’apparente à une forme de compromis idéal entre la pureté absolue de la première version et les améliorations fonctionnelles apportées par le restylage intervenu pour le millésime 1968 et que l’on identifie immédiatement grâce aux quatre projecteurs enchâssés sous un globe protecteur. Le modèle qui nous intéresse aujourd’hui appartient donc aux ultimes DS « classiques », dans l’ensemble fidèles au dessin initial de Flaminio Bertoni – les plus vintage, en somme, ce qui, de toutes les séductions de l’auto, n’est certes pas la plus négligeable. À l’avant, le nouveau carénage apparu en septembre 1962 a ingénieusement modernisé l’apparence de la DS, en lui adjoignant deux imposants butoirs en caoutchouc dont la forme contribue à mieux charpenter la proue de la voiture, à la solidifier en quelque sorte, tout en accroissant encore son aspect « prête à bondir ». En outre, quand on se penche sous le nouveau pare-chocs on découvre trois entrées d’air inédites (l’une destinée au radiateur et les deux autres au refroidissement des freins avant). On remarque aussi la présence de deux prises d’air élégamment creusées sous chacun des projecteurs, dont le rôle consiste à améliorer la ventilation de l’habitacle. Par rapport aux DS commercialisées jusqu’alors, il ne s’agit pas d’un bouleversement, mais de modifications opportunes et qui non seulement ne dénaturent pas l’esthétique du modèle, mais la bonifient en lui conférant une certaine maturité…

Enfin un moteur !

C’est ce nouvel avant qui, trois ans plus tard, va accueillir la toute première « grosse » évolution mécanique de la DS qui, comme chacun sait, n’a jamais pu recevoir le flat-six dessiné par Walter Becchia, prévu pour elle mais impossible à mettre au point. Moyennant quoi, les visiteurs du Salon de Paris 1955 avaient pu découvrir un modèle extrêmement novateur… sauf lorsqu’ils en levaient le capot, lequel abritait une évolution du vénérable quatre-cylindres conçu en 1933 par Maurice Sainturat pour la Traction ! Même s’il gagnait une vingtaine de chevaux par rapport aux dernières « 11 », le « tournebroche » de 1911 cm3 des premières DS n’était absolument pas digne du futurisme revendiqué par le reste de la voiture et, du reste, la presse spécialisée ne se gêna pas pour critiquer la sénescence de sa mécanique – directement responsable de performances quelconques –, sous la célèbre et cruelle formule voiture d’avant-garde, moteur d’avant-guerre… C’est pourquoi, en septembre 1965, l’apparition des nouveaux groupes équipés d’un vilebrequin à cinq paliers a substantiellement élargi les horizons du modèle en lui permettant de répondre aux offensives d’une concurrence toujours plus entreprenante, à commencer par la Peugeot 404 à injection. Et c’est à ce moment-là qu’a commencé la course à la puissance qui allait permettre à la DS de squatter, des années durant, la file de gauche d’autoroutes alors balbutiantes mais dont la France gaullo-pompidolienne était si fière – comme elle pouvait désormais l’être, en particulier, de la nouvelle DS 21 !

Prête pour l’Europe des Six

Selon une tradition déjà bien établie, la nouvelle venue revendiquait sa cylindrée par sa désignation commerciale : si la DS 19 « cinq paliers » recevait à présent un moteur de 1985 cm3, la 21 poussait la plaisanterie sensiblement plus loin, avec un alésage de 90 mm versus 86 pour la version d’accès. À la clé, une puissance dorénavant respectable, avec 109 ch SAE à 5500 tours/minute, ce qui correspondait tout de même à un progrès de 45 % par rapport aux premières DS du millésime 1956 ! Les conducteurs de DS 21 pouvaient enfin engager la conversation avec l’élite des grandes routières européennes d’alors, qu’il s’agisse des BMW 2000 (100 ch), des Alfa Romeo Giulia Super (98 ch) voire des Mercedes-Benz 230 (120 ch), le tout en bénéficiant des incomparables qualités routières dues à l’hydropneumatique Citroën et, par conséquent, strictement inatteignables par le vulgum pecus des propulsions germaniques ou italiennes. Bien sûr, même avec sa nouvelle cylindrée, le moteur de la DS, demeuré « tristement latéral », pour reprendre la sentence lapidaire de Serge Pozzoli, ne pouvait prétendre à aucun raffinement mécanique et, à haut régime, la roture de ses vocalises n’avait pas grand-chose à voir avec la mélodie d’un double arbre transalpin. Mais (et même si la voiture se révélait plus rapide que véritablement nerveuse) les chronos de la 21 s’avéraient flatteurs, avec notamment une vitesse maximale de 175 km/h dont on pouvait alors abondamment faire la publicité sans craindre les foudres du législateur ou des pisse-vinaigre patentés qui pullulent de nos jours.

Une bourgeoise avant-gardiste

Ayant comblé la seule véritable lacune de sa fiche technique, la DS 21 ne se situait pas seulement au faîte de la gamme Citroën ; elle dominait aussi l’ensemble de la production nationale, les pouvoirs publics ayant, toute honte bue, abandonné Facel Véga à son triste sort dès 1964, privant de la sorte l’industrie automobile française de son dernier porte-drapeau, après que le sinistre plan Pons avait, en son temps, précipité la fin des Delage, Delahaye, Salmson ou Hotchkiss. Ni Simca, ni Renault, ni Peugeot, ni Panhard (et pour cause…) n’étaient en mesure de rivaliser avec la vitalité de la 21, sans parler du luxe de bon aloi de la finition « Pallas » disponible depuis le millésime 1965 et nettement moins confidentielle que la très élitaire Prestige. Avec ses phares longue portée, son accastillage extérieur généreusement pourvu en inox, ses enjoliveurs de roues striés et un habitacle plus soigné que celui de ses sœurs de gamme – rendu plus capiteux encore lorsque l’on choisissait l’option « cuir » –, la DS ainsi gréée ne revendiquait plus seulement son avant-gardisme ; elle prétendait désormais à un certain raffinement, qu’il était possible d’amplifier encore en sollicitant les services de la carrosserie Chapron. Pour autant, certains aspects de l’auto demeuraient encore perfectibles, la véritable petite usine hydraulique, due aux travaux de Paul Magès, que chaque DS portait en son sein ne pouvant toujours pas garantir, plus de dix ans après la sortie de la voiture, la même sérénité d’usage que les solutions plus rudimentaires proposées par la concurrence.

Les sortilèges du liquide vert

À la rentrée 1966, la DS entame donc son dernier millésime d’avant le restylage massif évoqué plus haut. Comme on s’en doute, et fort logiquement, aucune modification esthétique n’intervient pour le millésime 1967 ; en revanche, c’est dans les entrailles de l’auto que vont s’opérer des changements significatifs avec l’apparition du fameux liquide hydraulique minéral, mieux connu par les citroënistes sous l’acronyme LHM – ou encore par l’expression « liquide vert », depuis longtemps inscrite en bonne place dans le dictionnaire des bons connaisseurs de la marque. Succédant au précédent LHS (pour liquide hydraulique synthétique) et se caractérisant entre autres par l’absence des agents corrosifs responsables de bien des mésaventures vécues jusqu’alors par les conducteurs de DS, le LHM incarne l’accès de l’hydraulique Citroën à une forme de plénitude, en assurant à ses utilisateurs un niveau de fiabilité enfin acceptable. C’est la raison pour laquelle les DS 21 de l’année-modèle 1967 constituent, depuis déjà longtemps, une forme de Graal pour les thuriféraires de l’auto. Elles associent les innombrables progrès et modifications apportés au fil du temps par la marque à la machinerie hydraulique de son modèle le plus mythique, la confortable puissance du moteur 21 (auquel il ne manquait que l’injection électronique Bosch, qui ne devait apparaître qu’en 1970, pour parachever sa quête de modernité) et le charme magnétique de la DS dans son apparence primaire. Pour ma part, vous m’en mettrez une de côté, en finition « Pallas » et en gris Palladium de préférence…

109 chPuissance
2175 cm3Cylindrée
175 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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