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Citroën AX GT : dans l’ombre de la Sport

Par Nicolas Fourny - 23/06/2021

Lorsqu’on évoque les AX à caractère sportif, c’est bien entendu la Sport qui vient spontanément à l’esprit. Son typage exigeant, orienté vers l’intégrisme d’un pilotage austère, et son palmarès en course lui confèrent une aura qui a rejeté les autres modèles de la gamme dans une forme de pénombre, voire même d’oubli. C’est là une réelle injustice car, dans le registre de la petite auto vitaminée et susceptible de prodiguer un réel plaisir de conduite, d’autres variantes méritent de retenir l’attention ; c’est notamment le cas de la GT, modèle à l’identité un peu floue et à la destinée malmenée à la fois par un marketing inconstant et par la condamnation du carburateur, mis à mort sur l’autel de la dépollution. Le moment est venu de nous intéresser à son cas…

L’obsession de la légèreté

Une légende tenace raconte que, dans les années 1990, le bureau d’études Lotus se référait à l’AX comme contre-exemple absolu en matière de rigidité torsionnelle. Il faut dire que Citroën avait frappé fort en concevant sa toute première citadine pensée à partir d’une feuille blanche — la LN puis la Visa n’ayant été que des expédients réalisés sous la contrainte et basés sur la Peugeot 104 — : avec seulement 640 kilos à vide, la version la plus modeste, baptisée 10 E et dont la richesse d’équipement équivalait à celle d’une Ami 8, s’avérait sensiblement moins lourde que la quasi-totalité de ses rivales. L’objectif consistait bien entendu à obtenir les consommations les plus basses possibles mais, comme tous ceux qui connaissent le célèbre aphorisme de Colin Chapman le savent — « light is right » —, un poids modéré est aussi un solide atout en termes de qualités routières et d’agilité.

Étudiées par des ingénieurs à la compétence reconnue, les liaisons au sol de l’AX ne se signalaient pas par une sophistication particulière (McPherson à l’avant et bras tirés à l’arrière) mais leur efficacité fut unanimement saluée par la presse spécialisée lorsque parurent les premiers essais des versions « civiles ». Toutefois, les visiteurs du Salon de Paris 1986 ne purent ignorer la présence d’une version « Sport » présentée en fanfare et dont ni la fiche technique, ni l’accastillage ne toléraient l’ambiguïté. Réalisée par le préparateur nivernais Danielson — qui avait déjà signé l’adaptation mécanique de la BX éponyme l’année précédente —, l’AX Sport affichait la puissance, somme toute modérée, de 95 chevaux et reprenait en fait la philosophie de feue la Talbot Samba Rallye, ignominieusement abandonnée en rase campagne par PSA peu de temps auparavant : un petit moteur, deux gros carbus, un travail attentif sur la distribution, et roulez jeunesse ! De la sorte, ces 95 chevaux n’avaient que 715 kilos à tirer et, de surcroît, ils constituaient une base propice à un certain nombre de gonflages destinés à la compétition.

Les limites de l’ascétisme

L’AX Sport attira dès l’abord un grand nombre de pilotes, séduits par la formule comme ils l’avaient été, en 1983, par la défunte Samba et Citroën écoula sans difficultés les 5 000 exemplaires nécessaires à l’homologation de sa petite sportive, alors même qu’elle investissait un créneau inédit pour la firme aux chevrons. La Visa GTi, alors à son couchant, s’adressait à une autre clientèle, qui ne s’était d’ailleurs pas montrée particulièrement enthousiasmée par le modèle, mais qu’il ne fallait cependant pas négliger. Si les amateurs de pilotage pouvaient accepter, et même apprécier, le dénuement de la Sport — boîte à gants sans portillon, pas d’accoudoirs de portières, d’essuie-glace arrière ni de console centrale —, il existait une autre catégorie de clients, ne souhaitant pas forcément rouler en GTi mais néanmoins désireux de disposer de performances plus réjouissantes que celles d’une 14 TRS de 65 chevaux, tout en bénéficiant d’un niveau de confort plus civilisé que celui de la Sport, dont la carrière avait pris fin. C’est à leur intention que, dès septembre 1987, fut commercialisée l’AX GT. La dichotomie entre les notions de « sport » et de « grand tourisme » est bien connue ; en l’espèce, cette nouvelle variante revendiquait sans ambages une philosophie orientée vers la conduite rapide et dynamique, tout en préservant une réelle polyvalence d’usage.

Ainsi, sans être cossu — ne rêvons pas —, l’équipement se montrait déjà moins monacal : au lieu du tissu basique de la Sport, on trouvait des sièges en velours et, de son côté, le bloc instrumental faisait un peu plus sérieux, avec une sérigraphie modernisée et un compte-tours de taille respectable, tandis qu’une banquette fractionnable montée en série renforçait la praticité de l’engin. De plus, la GT autorisait l’accès à des options interdites à la Sport, comme les vitres électriques et le verrouillage central. De l’extérieur, elle adoptait une panoplie « sportivo-chic », suggestive sans être tapageuse : les élargisseurs d’ailes en plastique noir et les inévitables projecteurs longue portée logés dans le bouclier avant assuraient l’ambiance en promettant un Freude am Fahren bien plus accessible que celui d’une 205 GTi : tarifée 66 800 francs à son lancement, la Citroën coûtait près de 25 % de moins que sa cousine de Sochaux. Certes, avec trente chevaux de plus, la Peugeot évoluait dans une autre catégorie mais, pour les sportifs débutants, l’AX GT n’était pas loin de la synthèse idéale : à la fois plus légère et plus facile à contrôler que la 205 tout en se montrant tout aussi efficace dans les parcours sinueux, elle permettait aux ennemis de la conduite dormitive d’effectuer leurs premiers pas dans d’excellentes conditions !

Rien ne l’arrête, même pas ses freins

Même avec dix chevaux de moins que la Sport, le rapport poids/puissance de la GT était très favorable et, au vrai, l’auto ne comptait que peu de rivales. Chez Renault, la Supercinq GTX disposait de 90 chevaux, mais elle pesait 100 kilos de plus et ne parlait pas tout à fait le même langage. Outre-Rhin, les qualités routières et le confort de la Ford Fiesta XR2 tenaient plus du skateboard que d’une automobile digne de ce nom ; pour leur part, les VW Polo et Opel Corsa GT accusaient un net handicap de puissance par rapport à la Citroën. Et, à moins d’appartenir à la secte de ceux qui aimaient se risquer au bizarre, ni l’Autobianchi Y10 Turbo ni la MG Metro Turbo n’étaient en mesure de présenter des arguments suffisamment solides pour s’opposer valablement à la petite française.

En novembre 1987, dans les colonnes de l’Auto-Journal, Jean-Claude Letrou ratifiait les qualités de l’auto : « On pouvait faire beaucoup de critiques à l’AX Sport, mais au moins ne pouvait-on lui reprocher de manquer de tempérament. Au point que l’on pouvait redouter qu’en tentant de la civiliser, Citroën ne l’affadisse. Rassurez-vous, il n’en est rien. L’AX GT est une voiture pleine de vie et de tonus au caractère à peine édulcoré par rapport à la Sport. » Pour autant, pénalisée par ses roues de 13 pouces, la GT présentait le même défaut majeur que sa devancière, c’est-à-dire un freinage à la fois insuffisamment puissant et manquant d’endurance, ce qui, aux yeux du conducteur décidé à exploiter tout le potentiel de sa voiture, pouvait se révéler handicapant, voire même dangereux dans certains cas, les performances étant plutôt compétitives dans l’absolu (le 0 à 100 km/h en 9,5 secondes et le kilomètre départ arrêté en 31,7 secondes, d’après les mesures réalisées par l’A-J).

La GT 500 anglaise

Deux carbus et un bras d’honneur

Chargée d’incarner l’AX sommitale plusieurs millésimes durant, la GT connut son lot d’évolutions techniques et esthétiques, même si la puissance de son moteur demeura inchangée jusqu’à l’irruption du catalyseur. En 1989, le modèle reçut enfin des roues de 14 pouces, disposant dès lors d’un freinage digne de ce nom. Deux ans plus tard, à la veille de son restylage, apparut une série spéciale dénommée « Volcane » — une appellation qui fit également les beaux jours de la ZX — avec un garnissage en cuir partiel, un set de quatre jantes en alliage léger et une calandre chromée. Limitée à 500 exemplaires (combien en reste-t-il ?), cette variante ne fut pas reconduite à l’été 1991, lorsque l’ensemble de la gamme AX subit un lot de profondes transformations devenues indispensables face à une concurrence renouvelée, le mobilier façon Fisher-Price n’étant plus admissible, notamment en comparaison de la toute récente Renault Clio

L’AX GT dans sa rare version Volcane

C’est donc sur cet aspect que Citroën concentra ses efforts, avec une planche de bord monobloc très comparable à celle de la ZX. Aussi gaie qu’un poème de Raymond Carver, celle-ci avait au moins le mérite de faire entrer l’AX dans l’âge adulte, à un moment où la clientèle commençait à s’intéresser à la « qualité perçue », notion encore balbutiante mais qui allait connaître le succès que l’on sait… Supplantée par la nouvelle GTi, la GT commença de se banaliser lorsqu’elle reçut le 1 360 cm3 catalysé de 75 chevaux, qu’elle partageait avec l’Exclusive (une Volcane améliorée avec, cette fois, une sellerie en cuir intégral !). Remplacée par l’éphémère Furio pour l’année-modèle 1994, elle disparut dans l’indifférence générale, alors que la petite Citroën, âgée de sept ans, devenait de plus en plus difficile à vendre.

De nos jours, les premières GT sont devenues rarissimes, mais de belles opportunités existent : à vous de savoir les dénicher. Elles font partie de ces machines oubliées sur lesquelles s’acharnent les stipendiés de l’écologie punitive, aux yeux de qui tout ce qui peut s’apparenter au plaisir de conduire est fatalement suspect : pensez donc, une voiture aussi frêle mais capable de frôler les 180 chrono — grâce aux deux carburateurs Solex qui n’étaient déjà plus qu’une émouvante survivance à la fin des années 1980 — devrait être éradiquée sans merci. Cela renforce d’autant l’intérêt du modèle, qui a par ailleurs le bon goût de demeurer très accessible financièrement et d’être peu coûteux à entretenir : non seulement vous en prendrez toujours le volant avec bonheur mais, par-dessus le marché, vous adresserez simultanément un message expressif à tous ceux qui, vautrés dans un dogmatisme ignorant, ne songent qu’à nous priver d’une liberté fondamentale !

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