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Citroën : que faire de la C3 Pluriel ?

Par Nicolas Fourny - 06/12/2024

« Citroën a délibérément choisi une approche disruptive en proposant un concept bien plus audacieux que celui de la 206 CC »

Disparue du catalogue Citroën en 2010, la C3 Pluriel n’a pas été réellement remplacée, la DS3 découvrable ayant pris le relais deux ans plus tard s’étant avérée bien plus orthodoxe dans son approche. Singulière, sympathique, découlant d’un concept original mais difficilement utilisable : telles sont les caractéristiques qui viennent à l’esprit lorsque l’on évoque cet engin inclassable et sans rival. C’est bien connu, du moins quand ses dirigeants en respectent l’identité, l’ex-Quai de Javel ne fait jamais rien comme les autres et, en pleine vogue du coupé-cabriolet, il ne fallait pas s’attendre, de la part du Double Chevron, à voir débarquer un énième clone de la Peugeot 206 CC… Moyennant quoi, la firme française, comme en son âge d’or, a imaginé une machine si tarabiscotée que même les citroënistes les plus fervents ont fini par avouer leur perplexité devant les bizarreries d’un modèle qui, pour une fois, aurait peut-être dû rester à l’état de concept car !

Ils ont adoré la détester

À la grande époque de Top Gear puis de The Grand Tour, la C3 Pluriel a été l’une des têtes de Turc du trio d’animateurs le plus célèbre de la planète, qui ne se sont pas privés d’en souligner les incohérences conceptuelles – l’un des exemplaires tombés entre leurs mains a d’ailleurs connu une fin tragique après avoir été propulsé dans les airs à l’aide d’une catapulte… Toutefois, en regardant ces images, une fois la partie de rigolade passée, j’ai fugitivement compris ce qu’avaient pu ressentir les amoureux de la Morris Marina après qu’un piano à queue lui soit tombé dessus sur l’initiative des mêmes joyeux drilles. Était-elle donc si ratée, cette petite Citroën ? N’y avait-il réellement rien à sauver en inventoriant les innombrables spécificités de cette automobile si volontiers vilipendée (et pas seulement par Clarkson et ses acolytes) ? Et, en poussant le bouchon encore plus loin, n’est-il pas étrange de constater le culte dont la Méhari fait l’objet de nos jours, alors qu’elle était, somme toute, bien moins polyvalente que la Pluriel ? Cela augurerait-il d’un avenir radieux en collection pour cette dernière ? Pour le savoir, nous sommes remontés aux prolégomènes de l’auto…

Le réveil des Chevrons

La fin des années 1990 a marqué un renouveau enthousiasmant du design Citroën, s’apparentant à une véritable renaissance pour une marque qui, sous l’ère Calvet, avait peu à peu perdu son âme en accouchant de plusieurs modèles anodins et grisâtres, lesquels ne s’écoulaient que grâce à des promotions quasi-permanentes – bien entendu, toute ressemblance avec la situation actuelle de la firme serait fortuite… Sous la férule de Jean-Martin Folz, les Chevrons s’émancipent enfin et retrouvent le chemin de la créativité. Fini le conformisme ennuyeux des Saxo ou Xsara ; dès le Salon de Paris 1998, Citroën expose ainsi un très prometteur concept car baptisé « C3 Air », suivi un an plus tard, à Francfort, par le « Démonstrateur Pluriel », cette fois très proche du modèle de série. Les deux prototypes se caractérisent par un design très engagé, à mille lieues de la pusillanimité de la Saxo, qui n’était qu’une Peugeot 106 à peine retouchée. Le choix du qualificatif « Pluriel » s’avère judicieux, car il s’agit dès l’abord de proposer une voiture aux multiples visages et usages ; contre toute attente, les préceptes du « Démonstrateur » vont survivre jusqu’à l’industrialisation de la C3 Pluriel, dont la commercialisation intervient en 2002, peu de temps après celle de la berline éponyme. Si la parenté esthétique des deux voitures est indéniable, elles ne partagent cependant aucun embouti, ce qui en dit long quant aux ambitions de Citroën dans un segment de marché où la marque a toujours joué les seconds rôles.

Heureusement, c’est une vraie Citroën

Il est intéressant de noter que la C3 Pluriel et la Peugeot 206 CC ont connu des destinées parallèles et à peu près contemporaines (présentée sous la forme d’un prototype à Genève en 1998, la Sochalienne a été commercialisée à l’automne 2000). Avec la 206, Peugeot s’inspire du revival initié par la Mercedes-Benz SLK et va susciter la création d’un nouveau segment de marché : celui des coupés-cabriolets généralistes, qui vont littéralement pulluler dans les années à venir. Or, Citroën a délibérément choisi une approche disruptive et, comme au bon vieux temps, prend le risque de la marginalité en proposant un concept bien plus audacieux que celui de la 206. Dans la C3 Pluriel, pas de toit en dur escamotable (qui, en l’espèce, constitue pourtant la solution la plus pratique et que, contrairement à un hardtop, l’on emmène partout avec soi, sans craindre ni les aléas climatiques ni le vandalisme). Fondamentalement, l’auto se présente sous la forme d’un coach à deux portes équipé d’un toit en toile escamotable électriquement. En se cantonnant à ce stade, il ne s’agirait donc que d’une banale berline découvrable – sauf que Citroën va nettement plus loin, puisque l’utilisateur peut aussi démonter les arches de toit, obtenant ainsi un authentique cabriolet. Et ce n’est pas tout, car en abaissant la ridelle et en rabattant les sièges arrière, la voiture peut aussi se muer en une sorte de pick-up miniature !

Hélas, c’est une vraie Citroën

Un aphorisme aux origines incertaines proclame : « un jour j’irai vivre en Théorie, car en Théorie tout se passe bien ». Voilà une maxime que les possesseurs de C3 Pluriel auraient pu reprendre à leur compte, eux à qui le constructeur français avait vendu une idée aussi séduisante dans sa formulation que difficilement exploitable dans la vie réelle. Car à la vérité, la plupart des propriétaires de l’engin l’ont très majoritairement utilisé dans sa configuration la plus basique, le réduisant de la sorte à une vulgaire berline équipée d’un très vaste toit ouvrant. L’obtention d’un authentique cabriolet pose le problème de la manipulation puis du stockage des arches de toit – à oublier, donc, si vous ne disposez pas d’un parking fermé ou d’un logement suffisamment vaste pour les entreposer, sans parler des risques liés à la météo (ah, le dangereux romantisme des orages d’été, aussi brefs que violents) ou au vol, la voiture étant terriblement vulnérable à cet égard, une fois abandonnée sur un parking et offerte à toutes les convoitises. À moins de vivre dans une région à l’ensoleillement généreux et de pouvoir stationner systématiquement dans des emplacements sécurisés, l’objectivité commande d’écrire que la pertinence de la formule trouve rapidement ses limites. Ce d’autant plus que la qualité de construction n’est pas la vertu première du modèle, aussi mal fini que la C3 berline, ce qui n’est pas peu dire… Assez peu étanche par surcroît, la Pluriel recèle des équipements dont la fragilité n’encourage pas les manipulations trop fréquentes, tels que le système de fixation des arches ou la fameuse « cassette » dans laquelle la toiture et la lunette arrière sont censées venir se ranger.

Le charisme de l’improbable

« La seule différence entre le génie et la folie, c’est le succès », affirme le proverbe. De fait, si la C3 Pluriel s’est vendue honorablement pour un modèle aussi spécifique (un peu plus de 109 000 unités ont quitté l’usine de Villaverde en sept ans de production), on est tout de même très loin des 369 000 206 CC que Peugeot a réussi à écouler dans un laps de temps identique. À un tout autre niveau de gamme et de prix, la Pluriel a souffert des mêmes affres que la Renault Avantime : deux voitures atypiques, incomprises et insuffisamment abouties – ce qui ne les empêche pas de compter un certain nombre d’adeptes, rejetant l’académisme des solutions convenues et désireux de se déplacer dans des automobiles certes imparfaites, mais dont la séduction ne s’adresse pas aux moutons de Panurge avant tout soucieux de suivre servilement les modes. Ne ressemblant à aucune autre voiture, la C3 Pluriel souligne avec une certaine acuité les travers de l’automobiliste du XXIe siècle, à ce point déshabitué de toute contrainte que le simple fait de devoir consulter les prévisions météorologiques avant de prendre la route s’apparente désormais à une intolérable coercition. Et pourtant, peut-être faut-il avoir, par un bel après-midi de juin, replié le toit dans sa cassette – non sans proférer quelques jurons au passage, compte tenu de la complexité de la manœuvre –, puis démonté patiemment les arches avant d’emprunter une petite départementale sinueuse et jalonnée de frondaisons pour une promenade sans but véritable et que seul justifie le plaisir de rouler, pour comprendre ce que le mot liberté peut encore signifier. Liberté de rouler cheveux au vent, bien sûr, mais aussi de s’affranchir de la norme et des préoccupations du commun. Et vue sous cet angle, la petite Citroën n’est pas loin de devenir irrésistible !

1587 cm3Cylindrée
110 chPuissance
188 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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