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Porsche Boxster 986 : si désirable vilain petit canard

Par Paul Clément-Collin - 21/07/2022

Dans les années 80, Porsche sentait bien qu’il fallait élargir la gamme pour s’en sortir, notamment vers le bas. La 924 n’avait pas réussi à s’imposer, pas plus que les 944 ou la 928 plus haut de gamme. Dès lors, il fallait repenser la stratégie : une Porsche d’entrée de gamme fidèle au concept (moteur à l’arrière) et une 4 portes 4 places pour la famille. Si la deuxième option mettra plus de temps à se concrétiser, de la 989 (berline) au SUV Cayenne (lancé en 2002), la “petite Porsche” sortira des cartons plus tôt, passant de la 984 (stoppée en 1988) à la 986 Boxster sortie en 1996. Retour sur ce succès pourtant mal aimé.

La Porsche Boxster photo sur fond gris

Il y a toujours quelque chose qui ne va pas chez les porschistes. Lorsque sortit la 924, le problème allait du style à l’architecture (la fameuse PMA : Porsche à moteur avant), sans parler du moteur dont on disait un peu trop rapidement qu’il s’agissait d’un Audi, ce qui était aller vite en besogne (le haut moteur étant spécifique à Porsche quand le bas venait, effectivement, de chez Audi). Les 944, puis 968, furent moins vilipendées, tout comme la 928, mais elles restaient des “PMA”, tare semble-t-il rédhibitoire pour certains !

Développer la gamme sans se galvauder

Pour le projet 984, lancé fort justement en 1984, l’erreur ne fut pas reproduite : le moteur se trouvait à l’arrière et s’avérait être un flat-four refroidi par air ! Le cahier des charges de la 356 en somme. Faute de moyens, on préféra tirer un trait sur ce premier projet, laissant les PMA tirer tout ce qu’elles pouvaient d’un marché difficile à la fin des années 80 et au début des années 90. Les finances exsangues, le constructeur allemand dut se résoudre à décliner son offre par le bas en lançant le projet 986 : une petite 911 à moteur 6 cylindres.

Le projet est validé en 1992 et un premier prototype, dessiné par Harm Lagaay, est présenté à Genève en 1993. L’homme n’est pas un manche : chez BMW, on lui devait déjà le Z1 (autre petit roadster sympathique, mais à moteur avant), et chez Porsche, la 968 et la 911 “993” (une jolie évolution modernisée du dessin originel). Dans le même temps, il travaille aussi à la 996, la mal-aimée. Plus tard, il commettra le honni, mais sauveur, Cayenne.

La Porsche Boxster vue de l'intérieur de l'auto sur le volant
La Porsche Boxster vue de l'avant
La Porsche Boxster vue de l'arrière

Un projet crucial et stratégique

La 986 était cruciale pour Porsche : les 968 et 928 ayant déserté le catalogue après de nombreuses années de services (la 968 n’était qu’une évolution de la 944 elle-même issue de la 924), ne restait plus que la 993 pour faire du volume. La sortie de la 986 Boxster s’avérait stratégique : il s’agissait de reconquérir les coeurs, d’élargir la clientèle, de faire oublier les PMA et de relancer une machine en panne. On l’oublie souvent, mais au mitan des années 90, Porsche n’était pas encore ce qu’elle est aujourd’hui !

Il faudra patienter trois ans, jusqu’en 1996, pour voir apparaître la baby Porsche : avec ses feux avant “oeuf au plat” elle préfigure la 996 d’un an et c’est peut-être là qu’il faut chercher l’inimitié que certains porschistes lui vouent : la 911 semblera “dérivée” du Boxster et cela, c’est un crime de lèse-majesté. Tous rêvent d’un flat-six refroidi par air, le Boxster inaugure le refroidissement par eau : deuxième crime ! Chez Porsche, on sait qu’il faut passer au 21ème siècle, mais chez certains, le “gap” semble infranchissable. Erreur car le Boxster sauvera Porsche encore plus sûrement que le Cayenne (qui, lui, donnera les moyens, ce qui est différent).

Efficace et pas cher (ou presque)

Largement de quoi se faire plaisir

Le Boxster n’était disponible à sa sortie qu’en flat-six de 2.5 litres et 204 chevaux : largement de quoi se faire plaisir dans une voiture qui ressemblait, en outre, à une vraie Porsche. Son dessin s’inspirait des 356 et 5550 Spyder, et la bête s’avérait très équilibrée, pour un prix bien plus sympathique qu’une 993 en fin de vie ou que la nouvelle 996. Malgré les soupirs de désespoir des puristes, le Boxster s’arrachait en concession ! Tout jeune avocat au barreau de Paris se devait d’avoir sa 986, tout cadre dynamique du secteur bancaire aussi, d’autant que la croissance était revenue !

Porsche sur le devant de la scène

Rapidement cependant, on percevait le potentiel de la petite de Stuttgart qui méritait, assurément, plus de puissance : en 2000, le 2.5 passait à 2.7 et gagnait 13 chevaux, quand une version S proposait 3.2 litres et 252 chevaux ! Difficile de dire, alors, qu’il ne s’agissait pas d’une vraie Porsche, d’autant que son petit gabarit associé à sa puissance et à son agilité en faisait une vraie descendante de la 356 ! La clientèle ne s’y trompa pas, et ce succès contribua à celui du Cayenne : le Boxster avait remis Porsche sur le devant de la scène et surtout dans les rues !

La Porsche Boxster de couleur rouge

Faites-vous plaisir avec une Boxster

Car cette “mini” Porsche se vendit comme des petits pains : entre 1996 et 2004, 55 705 Boxster et 46 945 Boxster S trouvèrent preneur (remplacés ensuite par la 987). Des cadences jusque là jamais vues chez Porsche, d’autant que la belle partageait beaucoup de pièces avec la 996, contribuant aux économies d’échelle. Un coup de poker gagnant qui permit à Porsche de se lancer enfin dans ses projets de développement (Cayenne, Panamera puis plus tard Macan) tout en peaufinant sa 911 de plus en plus performante au fil des générations. Le cash affluait tellement qu’un temps, Porsche se crut en position de croquer Volkswagen (le contraire advint après une lutte judiciaire et boursière épique).

La Porsche Boxster en circulation
La Porsche Boxster décapotable
La Porsche Boxster décapotable avec portière ouverte
Porsche Boxster transparente vue du dessus de la motorisation de l'auto

Porsche Boxster transparente vue de côté

Aujourd’hui, ne faites pas la fine bouche : ce Boxster 986 est vraiment une Porsche, amusante, relativement abordable, et porteuse d’une certaine histoire, le renouveau de la marque. Il y en aura toujours pour dire qu’il s’agit d’une voiture de garçon-coiffeur, mais elle a tout de même plus de gueule qu’une Z3 ! Enfin, sachez que le temps joue en sa faveur : de plus en plus d’adeptes reconnaissent sa valeur, et comme toute Porsche, elle ne peut qu’en prendre davantage. Et quand bien même ! Au pire, vous vous serez fait plaisir, et c’est bien ce qui compte !



Texte : Paul Clément-Collin

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