C’est bien connu, la Porsche 911 est immortelle. Elle évolue, certes, mais parcimonieusement. Elle existe depuis cinquante-sept ans et ne mourra jamais. Cela étant, lorsqu’on se décide à abandonner les poncifs et les propos convenus, une autre réalité ne tarde pas à apparaître ; une factualité dépourvue de tout romantisme et qui se contente de correspondre à l’implacable énoncé des faits : disons-le tout net, la 911 est morte. Elle est même morte plusieurs fois, à vrai dire — mais s’est toujours arrangée pour ressusciter, son constructeur faisant semblant de poursuivre un récit jamais interrompu, et ses nombreux fans faisant semblant d’y croire. C’est ce qui s’est par exemple passé en 1988, quand le Typ 964 a fait son apparition ; il était inédit à 85 % mais ressemblait furieusement à son devancier et, en dépit des impressionnants progrès réalisés d’une génération à l’autre, rien d’autre ne comptait vraiment. Les manufacturiers ordinaires dissimulent souvent des châssis hors d’âge sous des carrosseries toutes neuves mais, à Zuffenhausen, on fait exactement l’inverse depuis des décennies : on conçoit régulièrement des automobiles totalement nouvelles auxquelles les stylistes confèrent une apparence soigneusement préservée. Pour autant, lorsque le Typ 993 fut présenté, à l’automne de 1993 justement, les gardiens du temple durent avaler leur Wiener Schnitzel de travers car, pour la première fois, l’auto s’affranchissait de certains schèmes esthétiques et techniques que l’on croyait pourtant immuables. Comme on va le voir, il s’agit peut-être de la Porsche 911 la plus passionnante à inventorier, tant elle associe presque intimement les contraintes de son héritage aux premiers indices d’un avenir qui frappait déjà à la porte — mais on ne le savait pas encore…
Nicolas Fourny - 16/01/2023