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Lexus LFA : la supercar facultative mais indispensable

Par Nicolas Fourny - 10/05/2023

Découvrez la quintessence de la puissance automobile avec la Lexus LFA. Plongez dans un monde où chaque pulsation de ce moteur emblématique donne vie à une expérience virevoltante, puissante et infatigable. Explorez l’âme mécanique qui justifie à elle seule l’existence de cette supercar d’exception.

Décidément, la vie est pleine de surprises. Qui se serait attendu à voir Lexus, tout d’abord créateur de plagiats — d’ailleurs fort réussis — de Mercedes Classe S, avant de devenir le chantre des SUV hybrides, se lancer dans la conception d’une authentique supercar ? Toutes proportions gardées, c’est un peu comme si Peugeot avait osé produire sa 907… Rejeton isolé dans la jeune histoire de la firme japonaise, la LFA commercialisée en 2009 et construite à très peu d’exemplaires n’aura pas connu de descendance et ne se rattache de surcroît à aucune lignée chez son constructeur. Il faut la considérer davantage comme un manifeste que comme une automobile : il s’agit avant tout de la démonstration d’un savoir-faire ou, peut-être, d’une arme de dissuasion destinée à démontrer que la filiale de Toyota, elle aussi, était parfaitement capable de concevoir l’équivalent d’une R8 ou d’une SLS AMG… Il n’en demeure pas moins que l’auto, aussi convaincante et aboutie soit-elle, nous pose une énigme toujours irrésolue à ce jour : une LFA, pour quoi faire ?

Un week-end dans le Michigan

Janvier 2005. À Detroit, les visiteurs du NAIAS peuvent contempler un prototype pour le moins incongru sur le stand Lexus, sous l’appellation énigmatique de « LF-A concept ». De fait, pour tous ceux qui connaissent la philosophie de la marque, il y a de quoi être déconcerté par ce coupé biplace, relativement compact (moins de 4,40 m de long), qui semble calibré pour rivaliser avec la Porsche 911 et dont les caractéristiques témoignent d’une réalisation à la fois ambitieuse et réaliste ; la voiture, semblablement exposée à Genève au mois de mars suivant, n’a rien à voir avec ces concept-cars décorrélés de toute approche concrète et qui finissent empoussiérés au fond d’un hangar, sans jamais connaître de traduction commerciale. Au contraire, la LF-A va dès lors connaître un développement technique et stylistique fidèle à la minutie quasi-obsessionnelle qui a permis à Lexus de se ménager, dès le début des années 1990, une solide réputation sur le marché nord-américain, où le constructeur japonais a très vite taillé des croupières à ses rivaux germaniques. En Europe toutefois, à cette époque la sauce a nettement moins pris et le choix d’élaborer une supercar destinée à la production — au moment où, de son côté, Nissan a déjà engagé le développement de sa GT-R — constitue certainement une démarche opportune dans la perspective de renforcer la crédibilité d’un label toujours en déficit de notoriété sur le Vieux Continent.

Une opération de commando

Il faut néanmoins attendre quatre ans et demi pour découvrir la LFA définitive, dévoilée au Salon de Tokyo à l’automne de 2009. Entre-temps, le modèle a perdu le trait d’union qui caractérisait sa dénomination mais c’est bien sûr sa fiche technique qui retient avant tout l’attention des observateurs. Comme les informations savamment distillées par les responsables du projet et les prototypes successifs l’avaient laissé supposer, l’auto est animée par un V10 implanté en position centrale avant ; la transmission (aux roues arrière, qu’est-ce que vous croyez ?) est de type transaxle, ce qui signifie que la boîte robotisée à six rapports est rejetée à l’arrière de façon à favoriser l’équilibre des masses, selon un principe bien connu chez Porsche ou Alfa Romeo. Le moteur en lui-même apparaît comme un authentique morceau de bravoure et s’apparente à l’un de ces raids de commando auxquels le groupe Toyota aime à se livrer de temps à autre. Conçu avec l’aide décisive des motoristes de Yamaha, il s’agit d’un bloc développé exclusivement pour la LFA, en partant d’une feuille strictement blanche et qui n’a, lui non plus, connu aucune géniture ; à l’instar du reste de la voiture, sa création ne s’est pas embarrassée de viles considérations telles que la rentabilité ou l’amortissement financier. Et on peut en dire autant de l’architecture générale de l’engin, constituée de CFRP (plastique renforcé de fibres de carbone) entièrement mise au point en interne. S’il existe une expression japonaise pouvant équivaloir à notre « Lâchez-vous ! », nul doute qu’elle a été employée par les responsables du projet, en substance tout du moins…

Un V10 d’anthologie

D’une cylindrée exacte de 4805 cm3, le 1LR-GUE n’a pas été baptisé par des poètes mais par des ingénieurs ardents et méticuleux, ainsi que le proclament les 560 chevaux atteints à 8700 tours/minute (vous l’avez deviné — les larmes aux yeux, sans doute —, nous sommes en présence d’un moteur joyeusement, noblement et irréfutablement atmosphérique) ; pour sa part, le couple de 480 Nm exige des rotations élevées (6800 tours) pour s’exprimer pleinement, ce qui en dit long quant au typage de l’engin, évidemment moins à l’aise sur les trajets urbains du quotidien que sur la Nordschleife. La tessiture du groupe évoque indéniablement (est-ce tout à fait un hasard ?) celle d’une Porsche Carrera GT, elle aussi mue par un dix-cylindres et ceux qui ont eu la chance de séjourner à bord de la LFA, même pour un court galop d’essai, n’en sont pas ressortis indemnes. Naturellement, on peut gloser à l’infini sur le design de la voiture, que d’aucuns trouvent tantôt banal, tantôt torturé ; on peut crier au scandale (surtout en France, comme d’habitude…) en apprenant qu’en 2010, le tarif officiel Lexus mentionnait un prix de 377 400 euros (soit sensiblement plus qu’une Ferrari 458) ; on peut même estimer qu’en définitive, et en dépit des soins inusités apportés à sa conception, les prestations d’ensemble de la LFA étaient celles d’une très bonne voiture de sport, mais pas réellement au niveau d’une supercar irréfragable (il est vrai que, de nos jours, de moins en moins de gens parviennent à faire la différence). Cependant, ce moteur à lui seul justifie l’existence de la voiture ; il a une âme, et cette âme s’avère virevoltante, puissante, infatigable — et si les hasards de la fortune ou de la vie vous ont placé à son volant, le reste de votre existence, n’en doutez pas, sera consacré à essayer en vain d’éteindre sa soif inextinguible de hauts régimes !

Parfois, ce sont les fous qui ont raison

Tous les astronautes vous le diront : il n’existe pas de façon confortable de retomber sur terre une fois que l’on a quitté l’atmosphère pesante des vies ordinaires. Lexus avait annoncé que cinq cents exemplaires de la LFA seraient produits, pas un de plus, sous-entendant qu’ensuite on reviendrait aux choses sérieuses — entendez par-là les déplaçoirs électrifiés vecteurs de bonne conscience ; le constructeur a tenu parole, ce qui n’a pas empêché les mauvaises langues de persifler en suggérant que, de toute façon, c’était là le maximum son du potentiel commercial du modèle… Du reste, avaient-elles tort ? Unanimement saluée tant pour son moteur (voir plus haut) que pour ses qualités routières, la supercar assemblée dans l’usine de Motomachi n’était sans doute pas faite pour notre époque d’inculture technique et de basses préoccupations le plus souvent liées à des enjeux de promotion sociale. Quatre fois le tarif d’une 911 de base — avec son pedigree, son histoire, ses traditions et un look identifiable par n’importe quel profane où que ce soit dans le monde — mais sans en avoir la polyvalence ni la légitimité, ou encore six fois celui d’une Nissan GT-R mais sans se montrer plus véloce, voilà qui n’a sans doute pas aidé la LFA à se faire une place au soleil des conversations de bistrot (mais après tout, là n’était pas le propos).

4.1 sec0-100
560cvPuissance moteur
4.8LCylindrée

Assurément, il faut appartenir à la tribu des connaisseurs véritables pour apprécier cette machine méconnue du plus grand nombre mais dont les spécificités réjouissent les esthètes, les passionnés d’ingénierie et les amateurs de singularité. Avec cette Lexus déviante et sulfureuse, aussi éloignée qu’on peut l’être de la clientèle-cible de son constructeur, ces derniers sont servis et, manifestement, on en compte plusieurs parmi les collectionneurs avertis : la demande est là et les rares exemplaires disponibles sur le marché ne s’échangent pas à moins de 700 000 dollars. Pas sûr qu’on revoie un jour une Lexus aussi convoitée…



Texte : Nicolas Fourny

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