SPORTS CARS
FERRARI
ITALIENNE
SPORTS CARS

Ferrari FF : Maranello fait le break !

Par Nicolas Fourny - 04/10/2023

« Sa polyvalence d’usage est stupéfiante pour une machine de ce calibre. En FF, on peut partir en voyage entre amis ou ramener une commode chinée chez un antiquaire durant le week-end »

Vautrons-nous dans la subjectivité la plus échevelée et proclamons-le sans ambages : la FF est probablement la Ferrari de route la plus intéressante de ces quinze dernières années. Atypique par son design comme par les détails de sa fiche technique, l’auto a dérouté plus d’un observateur lors de son apparition. Tournant courageusement le dos à tous les conformismes dans lesquels il leur aurait pourtant été facile de se réfugier, ses concepteurs choisirent des solutions originales, associées à un ensemble de caractéristiques inédites pour la firme, aboutissant à une proposition sans aucun équivalent sur le marché — ni à l’époque, ni aujourd’hui, puisque Ferrari a décidé de la remplacer par un Purosangue sans doute mieux accueilli par une certaine clientèle, mais nettement plus conformiste à bien des égards. Le premier break de chasse de l’histoire du cheval cabré risque fort d’être aussi le dernier et, comme on va le voir, il existe de très bonnes raisons de le regretter…

La fin d’une tradition

Les coupés V12 à quatre places (même si les passagers arrière devaient, la plupart du temps, se contenter d’un espace plutôt restreint), ç’a été un chapitre important de l’histoire de Ferrari. La toute première d’entre elles, la 250 GTE, remonte à 1960 — autant dire que l’idée ne date pas d’hier. Elle aura perduré quasiment sans discontinuer jusqu’à une 612 Scaglietti bien plus aboutie que la bouleversante 456 qui l’avait précédée, mais souvent contestée en raison d’une physionomie jugée maladroite par des amateurs aussi péremptoires que dépourvus de goût. Tout à la fois imposante, opulente, relativement agile (et très habitable pour une Ferrari), la 612 pouvait sans complexes se mesurer aux meilleures réalisations allemandes ou germano-britanniques en la matière ; toutefois, était-ce bien ce qu’attendaient les tifosi ? Depuis la fin du XXe siècle BMW, Mercedes-Benz ou Bentley s’étaient eux aussi mis à construire de grandes GT à moteur 12-cylindres, ce qui, dans une certaine mesure, avait contribué à banaliser le concept, en tout cas à le dépouiller d’une part de son exclusivité. Le temps n’était-il pas venu de renouveler les préceptes architecturaux du modèle le plus bourgeois de la gamme en s’échappant d’une catégorie devenue un peu trop fréquentée par des constructeurs dont le prestige n’égalait pas toujours celui du cheval cabré ?

Du coupé 2+2 au break de chasse

La notion de « break de chasse », elle non plus, n’est pas née de la dernière pluie. Il est même permis d’affirmer qu’elle a été mise à toutes les sauces et, selon les époques, a pu s’adresser à des clientèles très diversifiées, des très élitaires Aston Martin transformées par Harold Radford aux plus accessibles Reliant Scimitar, Volvo 1800 ES ou Lancia Beta HPE, en passant par des concept-cars hélas sans lendemain — on pense aux Peugeot 504 Riviera ou Lancia Gamma Olgiata. Que les antispécistes se rassurent : le shooting brake, en bon français, n’a en réalité pas grand-chose à voir avec la chasse ; son rôle ne consiste pas à transporter chiens et fusils dans un compartiment de charge trop raffiné pour le vouer à de si prosaïques besognes ; il s’agit bien plutôt de convoquer un art de vivre, une forme d’exclusivité, d’élégance contradictoire (entre nous, qui a réellement besoin d’un break surbaissé à trois portes ?) — ce qui relègue d’office au second plan les préoccupations relatives à la praticité ou à la capacité d’emport. Sous l’une de ses formes les plus tolérables, le snobisme n’est bien entendu pas étranger à une démarche ayant conduit plusieurs constructeurs à développer des véhicules à peu près inutiles ; c’est précisément de là que provenait leur charme…

Quatre places… et quatre roues motrices !

Pour autant, personne ne s’attendait à ce que Ferrari fasse irruption dans un marché aux frontières mouvantes et à la fréquentation aléatoire ; c’est pourquoi le Salon de Genève 2011 aura été le théâtre d’une authentique surprise. Au lieu de donner à la 612 le successeur attendu, Maranello avait en effet décidé de concevoir un objet absolument inédit, dont la carrosserie ne constituait d’ailleurs pas le seul chamboulement. Car la FF ne se contentait pas d’abriter quatre vraies places (dont deux sièges rabattables !) sous un design singulier, poussant la sollicitude fonctionnelle jusqu’à se doter d’un hayon ; comme son nom s’efforçait de le signifier, l’engin avait par surcroît choisi de se doter d’une transmission intégrale ! Véritable serpent de mer chez Ferrari depuis le prototype 408 dévoilé en 1987, le principe des quatre roues motrices avait donc mis vingt-quatre ans pour connaître une traduction industrielle, même si, comme on s’en doute, les solutions retenues respectivement pour les deux voitures n’avaient rien à voir. Pour la FF, les responsables du projet étaient repartis d’une feuille blanche et avaient développé une transmission aux quatre roues dont l’originalité et la sophistication méritent d’être soulignées, son schéma de fonctionnement ne connaissant aucun équivalent ; l’enjeu consistait à bénéficier des avantages d’une transmission intégrale en termes de sécurité active sans pour autant compromettre la sportivité attendue par la clientèle visée…

Le poids, c’est l’ennemi

Spécifiquement conçu pour gagner en légèreté par rapport à la concurrence, le dispositif retenu par Ferrari comporte une seconde boîte de vitesses à deux rapports, implantée à l’avant et chargée de transmettre jusqu’à 20 % du couple vers l’essieu antérieur. Agissant uniquement en combinaison avec les quatre premiers rapports de l’unité robotisée à sept vitesses, d’origine Getrag et implantée à l’arrière (ensuite, l’auto devient une simple propulsion), l’ensemble permet à la FF de se passer d’un arbre de transmission et d’un différentiel interponts, très répandus ailleurs mais aussi lourds qu’encombrants. Du reste, au lancement de la FF son constructeur affirmait que son système était 50 % plus léger que les transmissions classiques et, quand on recense les rivales potentielles du modèle, c’est bien sûr à la Bentley Continental GT que l’on songe en premier lieu, même si les Anglais — c’est un comble… — ne l’ont jamais déclinée en shooting brake, si l’on excepte la très confidentielle Flying Star construite chez Touring. Or, sur la balance, le verdict est sans appel : à vide, la Ferrari pèse 440 kilos de moins que la voiture de Crewe, laquelle, même en version Speed, ne parvient pas à égaler les 660 chevaux dont dispose la voiture italienne. Reprenant (et pour cause) l’architecture en vigueur sur les « vraies » Audi à transmission quattro, la pesante Continental demeure, quant à elle, une intégrale bien plus orthodoxe que la FF qui, en définitive, n’est qu’une quatre roues motrices à temps partiel. Ce qui, en corrélation avec un poids contenu, définit une auto plus récréative à conduire — ça tombe bien : c’était le but !

Vous aimez les Mazda ?

La FF est l’une de ces Ferrari contemporaines élaborées pour ne plus être des « voitures du dimanche matin », selon l’expression imagée de Luca di Montezemolo mais, au contraire, pour pouvoir être utilisées tous les jours. Sa polyvalence d’usage, stupéfiante pour une machine de ce calibre, n’a rien à voir avec les contraintes d’une 458. En FF, on peut partir en voyage entre amis ou ramener une commode chinée chez un antiquaire durant le week-end. Il est également possible (avec les pneus idoines) de circuler sans arrière-pensées sous la pluie ou sur la neige et, si le confort postural ne peut évidemment pas rivaliser avec celui d’une Rolls-Royce Phantom, deux mille kilomètres d’autoroute ne vous bousilleront en aucun cas les vertèbres. Bref, à ce stade, on peut légitimement se demander si, par le plus grand des hasards, l’on ne se trouverait pas en présence de la GT idéale, à laquelle on pourrait à peu près tout demander. Pourtant, la diffusion de l’auto n’a guère excédé celle de la 612 : en neuf ans de production, la FF puis sa version restylée — rebaptisée GTC4Lusso et affublée d’une version V8 à deux roues motrices — n’ont même pas atteint les 4000 exemplaires… En comparaison, le très convenu crossover Purosangue, avec sa hauteur digne d’un monospace et son physique de SUV nippon, avait réussi à totaliser plus de 6000 commandes à la fin de 2022, c’est-à-dire trois mois seulement après sa présentation officielle. Les dirigeants de Ferrari se réjouissent déjà de savoir qu’il leur sera impossible de répondre à la demande ; les véritables connaisseurs, quant à eux, savent qu’ils n’auront pas besoin de s’inscrire sur une liste d’attente pour rouler en FF : les nombreux exemplaires disponibles sur le marché leur tendent les bras… (1)

(1) Dont celui-ci : https://www.carjager.com/acheter/voiture-collection/ferrari-ff-CJVGT0310232110HPO.html

V12 6,3 litresMoteur
660 chPuissance
335 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

Carjager vous recommande

undefined
Ferrari 12Cilindri : puisque vous partez en voyage
« La 12Cilindri vous emporte jusqu’à sa zone rouge dans un rugissement dont la mélodie ne laissera pas votre âme indemne »  
Nicolas Fourny - 22/11/2024
Lire la suite
undefined
Ferrari F430 : une éblouissante transition
« Il est tout à fait possible de musarder à basse vitesse puis de déchaîner le V8 dès que l’horizon se dégage et d’atteindre très vite des allures que la loi réprouve »
Nicolas Fourny - 18/06/2024
Lire la suite
undefined
Ferrari 458 : les vestiges du jour
« Il faut, au minimum, une 911 GT2 bien conduite pour pouvoir espérer suivre le rythme, car le châssis se révèle amplement à la hauteur du ramage, la voiture réalisant des temps similaires à ceux de l’Enzo sur la piste de Fiorano »
Nicolas Fourny - 01/06/2023
Lire la suite

Vendre avec CarJager ?