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Ferrari F430 : une éblouissante transition

Par Nicolas Fourny - 18/06/2024

« Il est tout à fait possible de musarder à basse vitesse puis de déchaîner le V8 dès que l’horizon se dégage et d’atteindre très vite des allures que la loi réprouve »

Schématiquement, on peut considérer qu’il existe trois grandes familles parmi les Ferrari de route : les grandes classiques, les modèles de rupture et les voitures de transition – celles qui marquent moins les esprits à leur apparition, puis s’inscrivent moins spontanément dans la mémoire collective une fois leur carrière achevée. La F430 relève sans conteste de cette catégorie ; profonde évolution de la 360 Modena, elle en prolongea brillamment le concept avant que la 458 ne vienne une fois encore rebattre les cartes. Quinze ans après son retrait du catalogue, la voici donc en quelque sorte coincée entre une Modena dont le design fit couler beaucoup d’encre en son temps et une descendance qui ne lui devait à peu près rien à l’exception du moteur. Comment l’aborder aujourd’hui en posant sur l’auto le regard d’un collectionneur averti ?

 

Des Ferrari pour tous les jours (ou presque)

Indéniablement, la Ferrari 360 incarna une franche rupture il y a vingt-cinq ans, en tournant le dos à des fondamentaux stylistiques respectés sans coup férir depuis la 308 GTB de 1975. L’esthétique de la 360 Modena, avec ses optiques apparentes – adieu aux pop-up lights ! –, son profil inédit et une physionomie générale plus soucieuse d’efficacité aérodynamique que d’élégance classique, ne fit pas l’unanimité, c’est peu de le dire, alors que ses devancières (à l’exception peut-être de la 348) avaient toujours suscité une admiration sans réserve. Bien sûr, il suffisait de prendre le volant de l’engin pour que les réticences initiales se dissipent : en substance, la 360 faisait tout mieux que la F355 – laquelle avait elle-même établi de nouvelles références et effacé les défaillances de la 348. Elle appartenait à cette nouvelle génération de Ferrari dont Luca di Montezemolo, alors président de la firme, souhaitait que leurs conducteurs « ne s’en servent pas uniquement le dimanche matin pour aller chercher le pain » – propos lapidaire semblant rétrospectivement crucifier le manque de polyvalence des vieilles gloires de Maranello, aussi émouvantes que difficilement utilisables au quotidien. Rien de tel avec la Modena, dont le V8 (hérité de la F355 mais profondément optimisé), les qualités routières et la facilité de conduite séduisent tout autant la presse spécialisée que la clientèle : près de 18 000 unités quittent l’usine en cinq ans de production, soit 60 % de plus que la F355 !

 

Maranello, cette citadelle assiégée

Cinq ans après, la F430 qui nous occupe ici prend, au Mondial de Paris 2004, le relais de la Modena. Une évolution devenue cruciale sous les coups de boutoir d’une concurrence toujours plus acharnée, en particulier depuis que le lancement de la Lamborghini Gallardo l’année précédente. La descente en gamme du rival de toujours contraint Ferrari à réagir, d’autant que la filiale d’Audi n’a pas raté son coup : aboutie, bien construite et bénéficiant d’une maîtrise ingénieriale inédite à Sant’Agata Bolognese, la Gallardo affiche en effet 500 ch à son lancement, c’est-à-dire tout de même 100 de plus que la Modena alors à son couchant… Dans ces conditions, Maranello est plus que jamais attendue au tournant alors que, de leur côté, les plus affûtées des Porsche 911 tutoient désormais sans difficulté les chronos de la 360. Et la réponse du Cavallino Rampante s’avère cinglante. Repartant de la base de la Modena et, en particulier, de sa structure intégralement constituée d’aluminium, les responsables du projet rendent une copie époustouflante de compétence et de passion entremêlées, comme le proclame le style extérieur de la voiture, habilement revu sous la férule de Frank Stephenson.

Vingt ans après

En premier lieu, la cylindrée progresse cette fois de façon significative en atteignant à présent 4308 cm3, l’alésage et la course s’étant accrus de concert. Au demeurant, il s’agit en fait d’un moteur entièrement nouveau, qui ne doit cette fois plus rien au V8 apparu pour la première fois dans la Dino 308 GT4 de 1973 ; ce groupe inédit, que l’on trouvera aussi sous le capot de plusieurs Maserati ou de l’Alfa 8C, revient aux culasses à quatre soupapes par cylindre. Par rapport à la Modena, la puissance accomplit néanmoins un bond de 90 ch tandis que le couple passe de 372 Nm à 4750 tours/minute à 465 Nm à 5250 tours. Pour autant, le typage du V8 atmosphérique tipo F136E n’a pas changé et il faut toujours aller chercher la puissance maximale à 8500 tours, même si 80 % du couple est disponible 5000 tours plus bas, ce qui en dit long quant à la plage d’exploitation de la mécanique, alors unanimement saluée par l’ensemble des essayeurs. Les performances sont à l’avenant, avec une vitesse maximale de 315 km/h et un 0 à 100 km/h abattu en 4 secondes. Évidemment, les ultimes F8 – avec lesquelles Ferrari a refermé l’un des plus longs chapitres de son histoire et qui a vu se succéder plusieurs générations de berlinettes V8 à moteur central – font bien mieux encore mais, vous pouvez m’en croire, l’expérience demeure tout à fait fascinante dans l’absolu !

Les derniers feux de la boîte manuelle

Ce d’autant plus que la F430 parvient à sublimer les qualités de fond de la Modena en acceptant de bonne grâce à peu près tous les styles de conduite. De la sorte, il est tout à fait possible de musarder à basse vitesse, voire même de supporter les embouteillages sans mettre la mécanique en péril, puis de déchaîner le V8 dès que l’horizon se dégage et d’atteindre très vite des allures que la loi réprouve, dans notre beau pays tout du moins… Quant au confort, il n’égale naturellement pas celui d’une Mercedes Classe S, mais six cents kilomètres d’autoroute ne vous mettront pas le dos en compote ni les tympans au supplice ; en somme, l’auto sait se montrer civilisée ou sauvage à la demande. Reste toutefois un aspect qui, de nos jours, divise les amateurs et influe notablement sur la cote de l’engin : je veux parler de la transmission ! Par un savoureux paradoxe, si l’immense majorité des F430 ont été commandées avec la boîte F1, ce sont les voitures équipées de la boîte manuelle (selon les sources, moins de 10 % des quelque 19 000 voitures construites jusqu’en 2009) qui sont les plus convoitées aujourd’hui, certains spécialistes proposant même des kits de conversion destinés aux versions F1 ! Nul doute que les puristes choisiront sans aucun doute la transmission traditionnelle, tandis que les autres feront des économies en profitant du confort – relatif – de la boîte robotisée, le prix plancher pour des berlinettes nanties de celle-ci se situant aux alentours des 100 000 euros à l’heure actuelle. Ce qui, tout bien considéré, n’est pas cher pour une sportive de ce calibre, promise à un bel avenir en collection…

4308 cm3Cylindrée
490 chPuissance
315 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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