Peugeot 405 T16 : le chant du cygne
Jusqu’à la présentation de la 508 PSE, Peugeot n’avait plus osé dévergonder ses familiales depuis les années 90 et la fabuleuse 405 T16. L’époque, croyait-on, n’était plus à la berline sportive et l’on préféra, à Sochaux, jouer la carte de la bourgeoisie véloce avec des V6 sous les capots des 406 et 407, puis abandonner toute idée de performance pour la 508 I. Une prudence regrettable lorsque l’on voit la prépondérance, aujourd’hui, des berlines allemandes sur ce créneau. Malheureusement, la très désirable Peugeot 405 T16 ne restera que peu de temps au catalogue (trois millésimes), devenant ainsi une rareté particulièrement recherchée par les amateurs du Lion aujourd’hui.
Nous sommes au début des années 90 : la 405, sortie en 1987, a déjà quelques années au compteur. Certes, sa version sportive Mi16 a jusqu’alors bien résisté à sa concurrente française, la Renault 21 2 litres Turbo, mais manque un peu de puissance, d’autant plus que le passage au catalyseur fait tomber son écurie à “seulement” 155 pensionnaires alors qu’au même moment, BMW jette un pavé dans la mare avec une M3 E36 diablement efficace de 286 chevaux. Autant dire que la berline Peugeot, même parée de son survêtement, ne fait plus du tout le poids.
Valoriser une gamme vieillissante
C’est dans cette optique que la firme franc-comtoise va tenter de redresser la barre. Certes, Peugeot n’envisage pas sérieusement de concurrencer la teutonne à l’hélice, ni même la plus bourgeoise Mercedes C36 AMG, mais tout de même : il s’agit de conserver une clientèle encore chauvine, prête à mettre le prix pour une voiture efficace et bleu blanc rouge, et accessoirement de booster l’image de la 405 fraîchement restylée, le temps que sa remplaçante, la 406, pointe le bout de son nez : n’oublions pas qu’il s’agit alors d’une fin de carrière, ce qui explique les ambitions mesurées de la marque en termes de volumes.
Pour cette T16, on va donc s’atteler à muscler le 4 cylindres 1 998 cc à 16 soupapes issu, certes,de la Mi16, mais légèrement modifié et greffé d’un turbo Garrett afin d’offrir aux papas pressés 200 chevaux à 5 000 tours/minute et 288 Nm à 2 600 tours. Le couple est ainsi disponible bien plus bas que sa petite sœur atmosphérique. Mieux, un overboost permet d’obtenir 220 chevaux et 318 Nm pendant environ 45 secondes (des chiffres obligeant à lui greffer la boîte de vitesses de la 605 V6). Oui, d’accord, ces valeurs paraissent presque faibles au regard de la moindre berline d’aujourd’hui, mais le poids reste, lui, plutôt contenu, à 1 340 kg. C’est bien plus lourd que la Mi16, mais il y a à cela une raison.
Une berline diablement efficace
Non contents d’avoir donné du peps au moteur, les ingénieurs de chez Peugeot ont aussi décidé de lui octroyer la meilleure tenue de route possible. Pour cela, ils vont offrir à la 405 une transmission intégrale permanente (viscocoupleur Ferguson, différentiel Torsen à l’arrière). Les suspensions sont retravaillées avec, à l’arrière, un correcteur d’assiette en provenance directe de chez Citroën. Entre le moteur particulièrement réussi et l’efficacité du système, la Peugeot 405 T16 s’avère une redoutable berline. Problème : l’ensemble s’avère fragile, notamment la boîte de transfert et le différentiel central, obligeant à de coûteuses réparations prématurées à force de cravacher la bête.
En outre, cette déclinaison sportive, bien que désirable, coûtait un bras pour une voiture en fin de carrière : 224 000 francs en 1994, soit 60 000 francs de plus qu’une Mi16. C’était certes 100 000 francs de moins qu’une M3 E36, mais en jouant dans une autre catégorie, ou bien qu’une 605 SV24 moins efficace. L’intérieur reste plutôt bien fini, et s’offre une sellerie spécifique (ainsi que des sièges) mêlant cuir et alcantara, tandis que la belle récupère des jantes de 16 pouces (ainsi qu’un aileron spécifique).
Collector et rare
Bon, inutile de vous dire que la 405 T16 sera un bide commercial, devançant de peu la Renault Safrane Biturbo ou l’Alpine A610 grâce à ses 1 046 exemplaires produits entre 1993 et 1995 (dont 60 exemplaires destinés aux Brigades Rapides d’Intervention de la Gendarmerie nationale). Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, cette rareté en fait toute la saveur aujourd’hui mais n’a pas occulté son principal défaut : les coûts de restauration. Prisés par les amateurs du modèle, les exemplaires survivants s’échangent bien plus cher que les plus modestes Mi16, et souvent entre spécialistes et connaisseurs. Malgré tout, j’avoue un faible pour cette auto qui, sous sa frêle carrosserie, en surprendra plus d’un (surtout sans sigle distinctif, comme cela arrive souvent).