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Indéniablement, l’apparition de la 405 a marqué une rupture dans l’histoire des familiales Peugeot. D’abord par son design – autrement plus charismatique que celui de la morne 305 – et surtout par ses qualités routières, unanimement saluées pour le plaisir de conduite qu’elles engendraient. Légère, vive (peut-être même un peu trop pour le conducteur moyen dans certaines conditions) et surtout nantie d’un postérieur à l’agilité diabolique, c’est-à-dire capable de déboîter à la demande pour qui possédait le mode d’emploi, l’auto a immédiatement réjoui les conducteurs sportifs en quête de polyvalence d’usage. C’est d’autant plus vrai pour ce qui concerne la version de pointe présentée avec le reste de la gamme à l’été 1987 – nous avons nommé la sulfureuse et désormais très convoitée Mi16 !
Le réveil d’un fauve
« Un constructeur sort ses griffes » : ce célèbre slogan apparu en 1982 n’était pas, comme tant d’autres, une formule cache-misère destinée à dissimuler les carences d’un plan-produit souffreteux. À partir de l’automne de la même année, la présentation de la 505 Turbo Injection, de la 305 série 2 puis, bien sûr, de la salvatrice 205 accompagnée des tonitruantes Turbo 16 puis GTi, confirma la spectaculaire renaissance du Lion de Sochaux, confiné depuis trop longtemps dans une grisaille conformiste peu propice au développement de modèles réellement performants. Dans le segment des familiales, cette stratégie timorée et calibrée pour rassurer et fidéliser une clientèle volontiers rassise finit par aboutir en 1984 à une 305 GTX qui, rétrospectivement, apparaît comme une sorte de brouillon de la 405 encore à naître. Dotée de liaisons au sol performantes et d’un moteur moderne (fondamentalement celui de la 205 GTi 1.9, mais ici doté d’un antique carburateur Solex), la plus performante des 305, même si elle présentait encore les stigmates d’une timidité quasi-maladive, annonçait assez précisément ce qui allait suivre trois ans plus tard. Ce qui, bien entendu, ne relativise en aucun cas l’ampleur du bouleversement suscité par l’apparition de la Mi16 !
16 soupapes, sinon rien
Après des tentatives ponctuelles et isolées au cours des années 1970 (nous songeons par exemple à la Triumph Dolomite Sprint), c’est la décennie suivante qui, sous l’influence des motoristes japonais et allemands, a véritablement amorcé la généralisation progressive des moteurs à quatre soupapes par cylindre, technique tout d’abord circonscrite aux modèles sportifs et/ou luxueux avant d’opérer une irrépressible descente en gamme. De fait, dans la catégorie des berlines sportives, les Mercedes-Benz 190 E 2.3-16, BMW M3 E30 ou Ford Sierra RS Cosworth ont ouvert le bal, scindant par là même la concurrence entre deux camps : ceux qui disposaient des capacités et de la volonté nécessaires pour développer à leur tour des groupes multisoupapes… et les autres, condamnés à des solutions a priori plus roturières – mais pas forcément moins efficaces, comme la Renault 21 2L Turbo allait très vite le démontrer ! Pour autant, le surcroît de prestige que conférait à l’époque la présence d’un logo « 16 s » ou « 16 v » n’était pas niable, certains modèles, comme la VW Golf GTi, n’hésitant pas à l’énoncer en toutes lettres sur leurs vitres de custode. Chez Peugeot, c’est la 205 de course évoquée plus haut qui inaugura la formule, ses succès en compétition renforçant encore le rayonnement de celle-ci…
Un long flirt avec la zone rouge
Le quatre-cylindres XU a commencé sa longue carrière en 1982 sous le capot de la Talbot Horizon Diesel, avant de très vite connaître de multiples déclinaisons en version essence destinées à essaimer dans l’ensemble du groupe PSA. À la sortie concomitante de la 405 Mi16 (pour « Multi Injection 16 soupapes ») et de la Citroën BX GTi 16s, la presse spécialisée découvre la première déclinaison sportive et de grande diffusion de ce moteur (type XU9 J4). Il s’agit d’un groupe à bloc en fonte et culasse en aluminium à deux arbres à cames en tête et quatre soupapes par cylindre, affichant une cylindrée exacte de 1905 cm3 et développant 160 ch à 6500 tours/minute, le couple maximal de 177 Nm étant atteint pour sa part à 5000 tours. Naturellement, on ne trouve alors aucun dispositif de calage variable des arbres à cames, ce qui laisse présager un fonctionnement typique des multisoupapes atmosphériques de ce temps-là : la puissance nominale est là, certes, mais il convient de maintenir l’aiguille du compte-tours dans les hautes rotations pour pouvoir l’exploiter comme il convient. Sous 4000 tours, la mécanique de la Mi16 se révèle ainsi relativement creuse, au point qu’une banale SRi de 125 ch, animée par le même moteur mais en version 8 soupapes, peut aisément rivaliser avec la 405 de pointe dans le domaine des reprises…
Passionnante et exigeante
Cette caractéristique, ainsi que les autres défauts de la voiture (finition désinvolte, système antiblocage peu convaincant et niveau sonore excessif à grande vitesse), apparaît sans ambiguïté dans les essais publiés à l’époque – mais tout cela n’affecte pas l’aura de la 405 ainsi gréée, dont le châssis témoigne une fois encore du savoir-faire des metteurs au point de la maison Peugeot. On l’a dit, l’auto est délibérément réglée de façon à survirer au moindre lever de pied en courbe, ce qui peut tout autant réjouir les pilotes les plus adroits que désarçonner les conducteurs moyens, habitués depuis longtemps déjà à fréquenter des tractions sous-vireuses et donc plus faciles à contrôler. Au demeurant, ceux qui ont pratiqué les 205 GTi ne sont pas dépaysés : dans la plupart des circonstances la Mi16 réagit globalement comme sa sœur de gamme, les 230 kilos supplémentaires étant compensés par les 30 ch gagnés par rapport à la GTi 1.9 (le rapport poids/puissance des deux modèles est quasiment identique). Avec un grand coffre, un habitacle spacieux et des sièges plus confortables que la moyenne, la Mi16 peut tout autant dévorer les kilomètres d’autoroute – la stabilité en ligne droite et dans les grandes courbes est exemplaire jusqu’à plus de 200 km/h – que se prêter à toutes les fantaisies sur les itinéraires sinueux, où son équilibre fait merveille, le compromis atteint entre le confort et les qualités routières s’avérant difficilement surpassable !
La beauté du diable
S’y ajoute un design dont l’élégance va incontestablement marquer son temps. Avec l’Audi 80 B3, la 405 est sans aucun doute la plus élégante familiale de la fin des années 80. Pininfarina a signé le style extérieur, tandis que le bureau de style Peugeot, sous la férule de Paul Bracq, s’est chargé de l’habitacle qui, pour ce qui concerne la phase 1, n’a sans doute pas aussi bien vieilli que la carrosserie. À peine retouchée pour le millésime 1993, la Mi16 conserve son accastillage de sportive accomplie, mais son moteur est à présent catalysé ; la cylindrée légèrement accrue – 1998 cm3 désormais – ne suffit pas à compenser la dépollution et le système ACAV (Admission à Caractéristique Acoustique Variable) ne tient malheureusement pas ses promesses. Revendiquant officiellement 155 ch (ramenés à 150 pour 1994), le XU10 J4 délivre en réalité une puissance très inférieure aux assertions du constructeur, certains magazines l’ayant alors mesurée à seulement 143 ch ! On comprend mieux le cruel manque de brio du modèle, par ailleurs alourdi par un mobilier de meilleure qualité (on ne peut pas tout avoir !), même si la série limitée « Le Mans », tirée à 150 exemplaires pour le marché français à l’automne 1993 afin de commémorer la victoire de la 905 sur le circuit sarthois, est aujourd’hui très convoitée par les collectionneurs. Pour notre part, nous préférons toutefois la Mi16 des débuts, plus vivante et délicieusement datée, avec sa boutonnerie primitive, ses jantes de 14 pouces et sa « planche à laver » entre les feux arrière. Les plus beaux exemplaires des premiers millésimes sont d’ores et déjà recherchés et certains dépassent dorénavant les 15 000 euros. Un conseil : ne tardez pas…
Texte : Nicolas Fourny