Maserati Shamal : vent chaud sur Modène
La Shamal est une drôle de voiture. Sous des airs classiques (la ligne générale reste celle d’une Biturbo), elle se paie le luxe de performances de supercars. C’est un avantage pour moi qui aime les voitures cachant bien leur jeu, mais sans doute un défaut pour la clientèle de l’époque, qui désirait sans doute quelque chose de plus évocateur. Car si la Biturbo dont elle dérive est déjà relativement compacte, la Shamal, elle, reprend le châssis court des Karif (lire aussi : Maserati Karif) et Spyder (lire aussi : Maserati Spyder). Sa ligne la range du côté des coupés 2 portes plutôt que vers les roadsters. Mais peu importe, car sous le capot se trouve un merveilleux V8 Maserati, tandis qu’un gros travail sur les suspensions, le train arrière, et une grosse rigidification de la caisse permirent d’offrir à la Shamal une tenue de route enfin digne de son bouillant moteur.
Alejandro de Tomaso, fin connaisseur du monde de l’automobile, a bien remarqué l’arrivée des supercars sur le marché : Ferrari Testarossa (lire aussi : Ferrari Testarossa), Porsche 959, Cizeta V16T présentée en 1988 (lire aussi : Cizeta V16T), tandis que s’annoncent les Lamborghini Diablo (lire aussi : Lamborghini Diablo), Jaguar XJ220 ou Bugatti EB110 (lire aussi : Dauer EB110S). Pour aller avec son V8 compact (3,2 litres) et puissant (325 ch) il imagine deux options : une version sportive de la Biturbo, et une supercar aux lignes plus en rapport avec l’idée que l’on s’en fait, la Chubasco (qui devait recevoir 400 ch, elle !).
Cependant, entre les bonnes intentions et la réalité, il y a parfois un gap. Maserati est à court de cash, et doit laisser entrer Fiat au capital. Il semble que le nouvel actionnaire n’ait pas beaucoup apprécié qu’une concurrente trop explicite de Ferrari soit au catalogue de Maserati. Exit donc la Chubasco, tandis que la Shamal est validée. Elle inaugure un relifting bienvenu, grâce à Marcelo Gandini. Elle est présentée en décembre 1989, un an avant sa petite sœur plus sage, la Racing (lire aussi : Maserati Racing). En attendant la Ghibli, elles inaugurent la nouvelle ère dans laquelle rentre Maserati, qui aboutira à une 430 restylée, la Ghibli II et la Quattroporte IV (pour voir tous les modèles traités par Boîtier Rouge : les Maserati de Boîtier Rouge).
Agressive, puissante, performante, sécurisante (rien à voir avec le Biturbo du début des années 80), chère (trop peut-être), noble (avec son V8), avec un savant mélange de discrétion et d’exhibition, la Shamal est aujourd’hui bien désirable. Pourtant, à l’époque, elle ne sera pas vraiment un succès, avec seulement 369 exemplaires produits entre 1989 et 1995. La réputation des Biturbo, le manque d’image, la méconnaissance du public, et surtout l’existence d’une concurrence presque parfaite et bien moins chère, la BMW E36 M3 à partir de 1992 (lire aussi : BMW M3 E36) n’aidèrent pas la Shamal. Les défauts d’hier sont pourtant les qualités d’aujourd’hui, et on trouve des Shamal à des prix « raisonnables ».
Bon ok, il faudra y mettre tout de même le prix, environ autant qu’une Audi RS3 (lire aussi : Audi RS3 2015) pour une voiture dont la côte monte, bien plus exclusive, historique de surcroît et tellement démoniaque. Elle vous apportera aussi « ce petit supplément d’âme, cet indéfinissable charme » (on verra qui comprendra la référence très 80’s) que n’ont pas les voitures d’aujourd’hui. Avec la Shamal, on touche enfin une Maserati rigoureuse, mais pas encore envahie par l’électronique : une vraie voiture de pilote ! Enfin, sachez que Pablo Escobar passa commande d’un exemplaire spécial, blindé, dorée (avec du vrai or), bling bling, et qu’il se pourrait bien qu’on en reparle un jour.