Jeep Comanche (MJ) : le pick-up façon Cherokee
On connaît bien en France le Jeep Cherokee XJ, importée par Renault dans nos contrées, sans soupçonner, à moins d’avoir vécu quelques années aux États-Unis, qu’il en existait une version Pick-up dénommée Comanche, référence à la nation indienne Comanche. Normal puisque cette dernière fut réservée aux États-Unis, un marché friand de pick-ups bien plus que la France de cette époque (la passion pour ce type de carrosserie n’est que récente chez nous). Un peu plus d’un an après le lancement du Cherokee sous la houlette de Renault, et vu son énorme succès commercial, le Comanche faisait son apparition en 1985.
Un pick-up pour séduire les jeunes et la campagne
Depuis l’après-guerre, Jeep produit des pick-ups sur la base de ses modèles. Aussi, lors du développement du Cherokee XJ mené par le Français François Castaing et les équipes de Jeep, il semble tout à fait opportun d’en décliner une version pick-up apte à séduire une clientèle moins huppée que celle du XJ classique : nom de code ? MJ. La modification est facile, et permettra d’offrir une entrée de gamme non négligeable ! L’idée est simple : élargir la gamme, certes, mais aussi concurrencer les constructeurs japonais qui débarquent en fanfare avec des pick-ups de plus petite taille, au succès croissant. Il suffit pour cela de visionner à nouveau “Retour vers le futur” : le rêve de Marty McFly en matière d’automobile n’est autre qu’un Toy’ à benne, le nec plus ultra de la jeunesse branchée.
Séduire la jeunesse donc, mais aussi séduire “les bouseux du Middle West” (pardon, la frange populaire des campagnes), telles sont les missions antinomiques du Comanche ! Vaste programme. Peu importe, car son développement ne nécessite que peu d’investissements tant il se base sur son frère Cherokee. Identique dans sa partie avant, il récupère une benne à l’arrière, supprimant de ce fait les portes arrière (et le hayon). Beau comme un camion et pour pas cher, le Comanche est présenté en grande pompe en août 1985 par José Dedeurwaerder, un Belge ayant passé toute sa carrière chez Renault et devenu le nouveau président d’AMC (il quittera l’automobile au moment du rachat par Chrysler) au Grand Hôtel et Casino MGM de Las Vegas devant 1 500 concessionnaires ainsi que les partenaires chinois de Beijing-Jeep pour une probable fabrication locale.
Le modèle le moins cher de chez Jeep
Le Comanche sort dans la foulée en septembre 1985 (AM 86). Avec une entrée de gamme à moins de 8 000 dollars, il est le modèle le moins cher du catalogue Jeep. À son lancement, trois moteurs sont proposés : un 4 cylindres de 2.5 litres (117 chevaux puis 121 à partir de 1986), un V6 2.8 litres de 115 chevaux d’origine Chevrolet vite remplacé en 1986 par le 4 litres maison de 173 chevaux (puis 177 chevaux en 1987) et enfin un 4 cylindres turbo diesel Renault (cocorico) de 2.1 litres et 85 chevaux. Ce dernier ne restera proposé que durant deux millésimes : le rachat d’AMC à Renault par Chrysler fera disparaître cette motorisation de toute façon peu prisée de la clientèle américaine.
Le Comanche doit être accessible : pour cela, il est avant tout proposé en propulsion (4×2 donc), la transmission intégrale n’étant qu’une option. Pour la transmission, les boîtes manuelles au départ sont des Aisin japonaises à 4 ou 5 vitesses, tandis que la BVA est une Torqueflite 3 vitesses. Avec le rachat par Chrysler, tout change : une automatique 4 vitesses Aisin-Warner, et, ironie de l’histoire, une manuelle Peugeot 5 vitesses (uniquement sur le 4 litres). La BVM française ne restera pas longtemps sur le Comanche : elle sera remplacée en mars 1989 par une Aisin 5 vitesses !
Un échec commercial à l’époque, un collector aujourd’hui
L’année 1985 commence bien : en à peine quelques mois, 29 245 exemplaires sont produits (mais il faut aussi remplir les show-rooms des 1 500 “dealers”). Les 3 années suivantes, les ventes ne cessent de progresser (avec un pic en 1988 avec 43 718 exemplaires) sans pour autant atteindre les objectifs fixés et alors que le Cherokee continue de cartonner. Dès 1989 c’est la dégringolade. En 1991, seuls 5 188 Comanche tombent des chaînes, tandis qu’en 1992, c’est la Bérézina avec 952 exemplaires. Il faut dire que Jeep ne soutient plus depuis longtemps son pick-up, qui sera le dernier produit par la marque avant longtemps. En effet, le Comanche n’arrivera jamais à vraiment s’imposer face aux japonais (d’autant qu’il s’éloigne de l’image un peu “premium” du Cherokee). Pire, avec le rachat par Chrysler, il se retrouve en concurrence interne avec les pick-ups Dodge. Son sort est réglé et sa carrière s’arrête cette année-là. Entre temps, un concept-car nommé Freedom Concept en sera dérivé.
Au total, 190 446 exemplaires seront produits entre 1985 et 1992, un score en deçà des espérances. Aujourd’hui, le Comanche commence à retrouver de sa superbe de l’autre côté de l’Atlantique : sans atteindre des sommets, sa cote remonte année après année. Normal car il dispose d’un look sympa proche du Cherokee, tout en étant beaucoup plus rare : moins produit, moins bien traité sans doute par des propriétaires moins argentés (ou tout simplement plus utilitaire aussi), sensible à la rouille, les exemplaires sympas deviennent rares. Alors pour ceux qui ont toujours rêvé d’un parfum d’Amérique tout en cherchant une pointe d’originalité, le Comanche est une bonne affaire, à condition de l’importer : il n’a jamais été commercialisé en Europe.