Porsche 911 Typ 964 : plus révolutionnaire qu’on ne le croit
En septembre 1988, presque 25 ans jours pour jours après la présentation de la 1ère génération de 911, Porsche présentait au public sa nouvelle “vision” de son best-seller, nom de code 964. Stupeur chez les Porschistes, la nouvelle venue, bien que visuellement très proche de sa devancière, s’avérait révolutionnaire avec sa transmission intégrale permanente (Carrera 4). Les puristes seront rassurés un an plus tard avec une version propulsion. Petite histoire d’une 911 méconnue et parfois décriée.
Depuis 1963, la 911 était globalement restée fidèle à elle-même, évoluant sans cesse par petite touche pour devenir la référence. Oh, il ne s’agissait pas de la sportive parfaite au sens propre du terme, mais celle qui permettait l’étalonnage, celle à laquelle on se mesurait, celle qui donnait le plus de plaisir pour le moindre coût, parfait compromis entre performances, pilotage et fiabilité. Or, avec la 964, tout changeait.
Des changements profonds chez Porsche
La 964 est en fait un jalon de l’histoire Porsche, bien plus qu’on ne le croit. Certes, la 993 inaugurait un design franchement plus novateur en 1994 (elle qui pourra se targuer d’être la dernière 911 refroidie par air). Pourtant la 964 faisait bien plus rentrer Porsche dans la modernité. D’une part, les coupés allemands passaient à l’électronique comme jamais et d’autres part, ils adoptaient la transmission intégrale ainsi que la possibilité d’une boîte Tiptronic (au choix automatique ou semi-automatique).
Au Salon de Paris 1988, c’est donc une Carrera 4 qui est présentée (et proposée à la vente) en premier. Les puristes sont évidemment surpris par ce choix, mais l’heure est venue pour Porsche de conquérir une nouvelle clientèle, plus large, moins pointue, moins sensible au pilotage. La transmission intégrale rend certes la Carrera 4 moins “performante” que la Carrera 2 (notamment pas son surpoids), mais cela n’est vrai qu’à condition d’être doté d’un sens du pilotage poussé. Pour la clientèle lambda, la Carrera 4 c’était l’assurance de prendre du plaisir malgré tout.
De 4 à 2 roues motrices
Bien entendu, les puristes n’étaient pas oubliés, avec la version Carrera 2 lancée en 1989. Ouf. De même, les versions Turbo apparues en 1990 restaient elles-aussi des propulsions. Que ce soit en C2 ou C4, les 964 s’offraient des dérivés Targa (le dernier vrai targa avant que la 991 ne ré-introduise le genre en 2011) ou cabriolet, ainsi qu’une version dépouillée et allégée Speedster aujourd’hui rarissime. Elle connaîtra aussi une version Turbo (en 3,3 puis 3,6 litres) ainsi que des variantes sportives appelées RS : Porsche en offrait pour tous les goûts.
Une 964 targa (en haut) et une Speedster (en bas).
Malgré un design très proche de la génération précédente (Typ G), la 964 s’offrait 87 % de pièces nouvelles. Certaines mauvaises langues n’hésitèrent pas à dire que seuls les pare-chocs changeaient. On l’a vu, il n’en était rien. Même le Flat Six passait à 3,6 litres et 250 chevaux, une évolution non négligeable. La boîte de vitesses manuelle (G54) était, elle aussi, une évolution profonde de la G50. Même les pièces de carrosserie différaient plus qu’on ne pouvait le deviner visuellement.
Profiter de l’aura de la Porsche 959
L’idée du marketing de Porsche, c’était de profiter à fond de l’image de technologie de pointe apportée par la fabuleuse 959. L’apport de la transmission intégrale était aussi dans l’air du temps. Malheureusement, l’arrivée massive de l’électronique vint mettre à mal la réputation de fiabilité de Porsche, avec une série de (graves) soucis les premières années. Ces problèmes firent beaucoup pour la mauvaise réputation de la 964 alors qu’une fois fiabilisée, elle offrait le meilleur des deux mondes, l’ancien et le nouveau.
Elle ne restera en production qu’entre fin 1988 et 1994, laissant sa place à la 993 plus aboutie, au design plus évolué. La 964, elle, trouva en 5 années 63 762 clients malgré tout, poursuivant sur la même lignée que la Typ G en termes de ventes. Elle restera cependant quelques temps dans le creux de la vague de l’occasion. Aujourd’hui, avec l’explosion des valeurs de n’importe quel modèle signé Porsche, la 964 gagne à nouveau ses lettres de noblesses. Il faut dire qu’elle représente la dernière évolution du design originel, ce qui la rend particulièrement désirable.
Texte : Paul Clément-Collin