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Porsche 911 2.7 (1974-1977) : le charme de la simplicité

Par Nicolas Fourny - 21/01/2025

« Il y a un demi-siècle, ses 150 ch autorisaient des chronos tout à fait corrects, sans être pour autant ébouriffants »

De nos jours, bien des collectionneurs rêvent d’une Porsche et, bien entendu, la plupart d’entre eux accordent leurs suffrages à l’impériale 911. Toutefois, comme chacun sait, choisir c’est renoncer, et cet aphorisme proustien s’applique particulièrement bien à cette automobile polymorphe qui, en plus de soixante ans de carrière, a multiplié les variantes et revêtu tant de visages différents que les profanes – et parfois même les connaisseurs autoproclamés – peuvent très facilement s’y perdre… Comme toujours en pareil cas, il y a les stars incontournables, les grandes classiques, les valeurs sûres qui pullulent dans les petites annonces et les ventes aux enchères ; et puis, dans la pénombre, les versions méconnues, oubliées de beaucoup et cependant dignes d’intérêt. Comme par exemple celle qui nous occupe aujourd’hui – j’ai nommé l’éphémère 911 2,7 litres, qui a fêté son cinquantième anniversaire dans une très injuste discrétion !

L’arrêt de mort de la 911

Au début de la décennie 70, l’avenir de la 911 apparaît plutôt sombre, même si l’auto continue de se vendre très correctement, en Europe comme en Amérique du Nord. Le professeur Ernst Fuhrmann, qui a pris les rênes du constructeur en 1972, a des idées aussi précises que funestes à ce sujet : pour lui, l’architecture de l’engin le condamne à terme ; l’implantation du moteur en porte-à-faux arrière – héritée de la 356, elle-même rejeton de la Coccinelle – pose des problèmes difficilement surmontables dans la perspective du durcissement des normes de sécurité états-uniennes ; le moteur lui-même et son système de refroidissement par air risquent eux aussi de ne pas résister aux évolutions réglementaires à prévoir en matière de dépollution. Dans ce contexte, Fuhrmann décide de tout miser sur une architecture inédite chez Porsche, qui va développer une gamme en quelque sorte parallèle à la famille 911, sous la forme de coupés à moteur avant, lesdits moteurs étant de surcroît refroidis par eau ! Ainsi, la 924 présentée en 1975, puis la 928 dévoilée deux ans plus tard reçoivent respectivement un quatre-cylindres en ligne et un V8 sans aucune parenté technique avec le flat six maison, l’idée générale consistant à développer la gamme des « PMA » (Porsche à moteur avant) tout en laissant la 911, figée techniquement et privée de tout développement, mourir à petit feu. Dans cet esprit, les 911 de la série G, présentés à l’automne de 1973, sont censés annoncer une sorte de chant du cygne pour un modèle alors déjà âgé de dix ans…

Pour vingt chevaux de plus

Ainsi, si les nouveaux pare-chocs à soufflets font couler beaucoup d’encre et déçoivent les puristes de l’époque – avant de devenir un gimmick très apprécié quelques années plus tard –, un examen attentif révèle que le restylage de la plus célèbre des Porsche n’est, pour l’essentiel, que cosmétique. Sous le capot arrière, le six-cylindres stuttgartois n’a guère évolué (en attendant la future Turbo, la variante la plus performante, la 2.7 Carrera, récupère le moteur de la mythique Carrera RS, sans néanmoins gagner un seul cheval), sauf pour ce qui concerne l’entrée de gamme dont il est question ici. Baptisée sans grande imagination 911 2.7 (d’où, à l’heure actuelle, de fréquentes confusions avec la Carrera de même cylindrée), la version la moins puissante de la nouvelle gamme succède à feue la 911 T, nantie jusqu’alors d’un 2,4 litres de 130 ch. À son lancement, la 2.7, qui adopte une injection Bosch K-Jetronic en lieu et place des deux carburateurs Zenith de la T, dispose quant à elle de 150 ch, ce qui, en termes de rendement, peut évidemment sembler bien modeste à l’heure où ces lignes sont écrites, alors qu’une 992 « de base » aligne déjà 394 ch mais, il y a un demi-siècle, une telle valeur – qui plus est combinée à un poids de 1075 kilos – autorisait des chronos tout à fait corrects, sans être pour autant ébouriffants : Porsche revendiquait 210 km/h en pointe et le 0 à 100 km/h abattu en 8,5 secondes. Soit, pour mémoire, à peine une demi-seconde de moins qu’une certaine Golf GTI, qui allait débouler deux ans plus tard…

Victime de la rationalisation

Vendue, sur le marché français, 74 900 francs en septembre 1975 (soit environ 61 000 euros de 2024), la plus humble des 911 n’est pas forcément bien placée du point de vue tarifaire. Un coupé BMW 3.0 CS, plus moderne, plus habitable, plus facile à contrôler à grande vitesse et qui dispose de 180 ch, vaut alors 77 400 francs ; une Alfa Romeo Alfetta GT, certes moins puissante et à l’image moins valorisante que celle de la Porsche, mais dont les performances ne déméritent pas, n’exige pour sa part que 36 700 francs. À la vérité, ces comparaisons ne sont que très théoriques, car la 911 ne connaît pas de véritable rivale, compte tenu de son positionnement, de ses particularismes techniques, du prestige de son blason et aussi du fanatisme invétéré de ses partisans, qui ne jurent que par elle et aux yeux desquels ses supposés archaïsmes ne font qu’en renforcer le charme. Cela n’empêche pas la direction de Porsche d’élaguer méthodiquement et impitoyablement le catalogue ; dès le millésime 1976, la 2.7 – qui affiche à présent 165 ch – est la seule à conserver cette cylindrée, la 911 S étant abandonnée ; la Carrera 3.0 présentée en 1975 et la Turbo complètent la gamme ; une fois encore, une offre aussi restreinte laisse songeur quand on contemple l’éventail des 991 ou 992… Du reste, le sort de la 2.7 sera réglé en même temps que celui de la Carrera 3.0, toutes deux étant supprimées au profit de la seule SC à partir de l’année-modèle 1978, laquelle initiera la renaissance progressive du modèle.

C’est à son tour d’être à la mode

Pour qui n’a pratiqué que les 911 « modernes » – c’est-à-dire à partir du Typ 964 –, prendre le volant d’une 2.7 équivaut à un véritable saut dans le temps car, si l’on fait abstraction du design extérieur, les fondamentaux sont bel et bien ceux des 911 de l’âge classique. Dernier modèle à arborer les ailes plates de ses débuts, l’auto semble presque frêle, perchée sur ses pneus de 185 et arborant, en série, des jantes en tôle équipées d’enjoliveurs chromés. L’on comprend immédiatement que son vocabulaire ne concerne pas la puissance brute ou la quête du meilleur tour sur la Nordschleife, ce que confirment les sensations éprouvées au volant ; volontaire, énergique, le flat six ne donne jamais l’impression de peiner mais le temps qui passe a banalisé ses ressources, tandis que l’automobiliste du XXIe siècle peu rompu à la conduite d’une sportive ancienne sera surpris par la dureté des commandes (il n’y a aucune assistance, même pour les freins), l’ascétisme de l’équipement et une ergonomie déjà contestable il y a soixante ans, à certains égards. Mais qu’importe ! La 2.7, c’est autre chose – à commencer, bien sûr, par la tessiture inimitable de son moteur, sa physionomie à nulle autre pareille ou l’atypisme de son tableau de bord. Les godasses de plomb sont priées d’aller voir ailleurs : les esthètes, quant à eux, ont assimilé depuis longtemps déjà les plaisirs subtils distillés par cette Porsche, dont les plus beaux exemplaires tutoient à présent les 70 000 euros… Vous laisserez-vous envoûter,  à votre tour, par son admirable simplicité ?

2687 cm3Cylindrée
150 chPuissance
210 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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