Ferrari Pinin : deux portes de trop !!!
Toutes les grandes marques de GT se sont posées un jour ou l’autre la question de lancer une berline. Parfois, il ne s’agira que de motoriser une berline d’une autre marque, comme Ferrari avec la Lancia Thema 8.32 (lire aussi : Lancia Thema 8.32), ou bien Lotus avec l’Opel Omega (lire aussi : Opel Lotus Omega). Maserati quand à elle propose dans sa gamme des 4 portes depuis belle lurette, avec notamment la série des Quattroporte (lire aussi : Maserati Quattroporte IV) tandis que Porsche et Aston Martin s’y sont mis récemment, avec la Panamera ou la Rapide. Mais jamais au grand jamais Ferrari ne sautera le pas.
Pourtant, il fut un temps (lointain) où la question effleura l’esprit d’Enzo Ferrari. L’idée d’une berline Ferrari ne viendra pourtant pas de lui, mais de Sergio Pininfarina. Les liens de l’amitié lui permettront d’arracher l’autorisation d’Enzo Ferrari de présenter un projet en 1980 portant la marque Ferrari, et célébrant les 50 ans de la carrosserie Pininfarina. Il s’agit d’un concept (non roulant) d’une berline 4 portes au cheval cabré, sur la base d’un chassis de 412 et qui porte le nom de Pinin, en hommage au père de Sergio.
La Pinin a plutôt bien vieilli, même si elle arbore des traits typiques des années 80. Elle préfigure d’ailleurs un style que l’on retrouvera sur les Alfa Romeo 164 et Peugeot 405, notamment cette nervure sur le haut des flancs. A l’intérieur, c’est luxueux mais un poil futuriste. Une certaine idée de la voiture du futur, sans aller aussi loin qu’Aston Martin et sa Lagonda (lire aussi : Aston Martin Lagonda).
La voiture présentée en 1980 rallume chez Enzo l’idée de produire une berline. Car il n’a pas toujours été fermé à cette idée. La Pinin lui fait entrevoir la conquête du marché américain, mais Fiat, en difficulté financière, freine des quatre fers !! Enzo Ferrari s’en sortira par cette pirouette, désormais gravée dans le marbre chez Ferrari : « il n’y aura jamais de 4 portes chez nous ». Une manière habile de se différencier des autres constructeurs, tout en justifiant l’arrêt d’un projet pourtant bien abouti.
A dire vrai, la voiture, bien que non roulante, est « presque » opérationnelle. Suffisamment du moins pour que 30 ans plus tard, le rêve devienne réalité. D’abord parquée dans un coin de Maranello, la Pinin sera rachetée par Jacques Swaters, patron de l’écurie Francorchamps et ami du commendatore. Enzo se débarrasse là d’un encombrant héritage, et permet malgré tout à la Pinin de passer à la postérité. On dit d’ailleurs qu’un deuxième exemplaire aurait été construit, puis détruit. Chez Ferrari, les pages se tournent assez facilement.
En 2008, Swaters revend le proto à son actuel propriétaire, qui décide de réaliser un rêve : faire rouler cette berline Ferrari. Il faudra trois ans à Mauro Forghieri pour mouvoir la bête. A l’avant, c’est un 12 cylindres Boxer de 4,9 litres et 360 ch qui prend place (issu de la 512 BB). Les trains roulants sont revus, tandis que le châssis est renforcé, et qu’on ajoute un réservoir (on sait jamais, ça peut servir).
En 2011, la voiture est présentée à la vente, chez RM Auctions, dans une fourchette de prix déjà astronomique : entre 550 et 640 000 euros. Aucun acquéreur cette fois-ci. Bonhams la remettra en vente en 2013, cette fois-ci entre 900 000 et 1 millions d’euros, sans succès une fois de plus.
Il faut dire que les « vrais » amateurs de Ferrari n’apprécient pas les berlines, du moins pas celles portant le cheval cabré sur le capot. Il existe des Ferrari 456 berlines ou break (lire aussi : Ferrari Venice), spécialement conçues pour le Sultan de Brunei (une fois de plus), qui suscitent certes la curiosité, mais pas la passion. Il en va de même pour cette Pinin pourtant très attachante (vous connaissez mon goût pour les berlines discrètes et fortement motorisées), mais qui relève de l’anecdote plus que de l’Histoire avec un grand H. Voilà qui confirme des années plus tard la prédiction « forcée » du Commendatore : « pas de 4 portes chez Ferrari » !!!