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Ferrari Mondial : le vilain petit canard vous salue bien

Par Nicolas Fourny - 17/05/2024

« C’est sans conteste sous la forme de la Mondial t que l’auto est la plus gratifiante à conduire et, conséquemment, la plus désirable aujourd’hui »

Chez Ferrari, il y a bien sûr les légendes incontournables, les stars des ventes aux enchères de prestige, celles qui captivent les tifosi et les autres ; et puis, un peu à l’écart des spotlights, l’amateur plus curieux que la moyenne trouvera aisément des voitures plus ou moins oubliées de la plupart des collectionneurs, cantonnées en périphérie de la légende. Il existe bien des motifs pouvant expliquer un tel délaissement : il peut s’agir de modèles de transition au parcours éphémère, ou bien de créations n’ayant pas fait l’unanimité à l’époque où elles figuraient au catalogue de Maranello. La Mondial appartient sans nul doute à la seconde catégorie, l’originalité de son concept ayant abouti à une automobile au design singulier, isolée dans l’histoire de Ferrari car privée de toute descendance et qui, aujourd’hui encore, peut susciter la polémique, certains thuriféraires de la marque ne s’étant toujours pas remis de leur déception à l’égard d’une auto trop souvent vilipendée. Pour autant, près de quarante-cinq ans après son apparition, le moment est sans doute venu de réexaminer son cas…

Quatre places, un V8 et du coffre

Aux prolégomènes de la Mondial, on trouve la 308 GT4 de 1973, automobile à la destinée contrariée – née Dino avant de mourir sous le nom de Ferrari –, à l’esthétique controversée et qui, de surcroît, présente la particularité d’être l’une des rares Ferrari dessinées par Bertone. Placez-la aux côtés d’une 308 GTB apparue deux ans plus tard et vous serez forcément saisi par le violent contraste séparant les deux modèles, la GT4 payant cash les contraintes stylistiques liées à son architecture. De fait, les berlinettes 2+2 à moteur central ne sont pas légion et, il faut bien le reconnaître, le fait de concilier une habitabilité suffisante pour quatre et un moteur blotti juste derrière l’habitacle s’est souvent traduit par des silhouettes déséquilibrées. C’est précisément cet aspect qui a déconcerté une bonne partie de la clientèle Ferrari et, en sept ans de carrière, la 308 GT4 et son avatar à moteur 2 litres (conçu spécialement pour le marché italien) n’auront séduit que 3636 acheteurs, tandis que les 308 GTB et GTS s’écoulaient à plus de 6000 exemplaires entre 1975 et 1980. On aurait pu croire que Ferrari allait en rester là – après tout, ceux qui ne pouvaient se contenter de deux places pouvaient toujours s’offrir une 400 – mais, à la surprise générale, la firme décida de renouveler l’expérience en donnant un successeur à la GT4 !

Les limites d’un concept

Ainsi, les visiteurs du Salon de Genève 1980 purent découvrir la toute nouvelle Mondial 8, baptisée en référence présentée simultanément sur les stands Ferrari et Pininfarina – car, cette fois, c’est bien à son carrossier historique que le constructeur avait décidé de confier le dessin d’une auto dont les caractéristiques, c’est peu de le dire, ne déclenchèrent pas un enthousiasme délirant, ni de la presse spécialisée, ni de la clientèle. Présentant certes une physionomie plus consensuelle que la GT4, la Mondial, due au talent de Pierangelo Andreani, souffrait toutefois, tout comme sa devancière, d’un empattement démesuré (265 centimètres, soit dix de plus que la GT4 !) dicté par l’impérieuse nécessité de loger à tout prix les deux places supplémentaires qui justifiaient l’existence de l’engin. Malheureusement, un examen attentif d’icelui ne pouvait que laisser perplexes les plus indulgents des observateurs, dans la mesure où les deux places en question n’avaient pas grand-chose à voir avec celles d’une 400, ni même d’une Porsche 928 S. À moins que les passagers avancent leurs sièges au maximum, seuls des enfants ou des masochistes pouvaient accepter de voyager dans un espace aussi restreint, le moteur et la boîte montés en travers occupant, comme on s’en doute, une place non négligeable.

Une Ferrari… mais pas de moteur

Tarifée 254 000 francs à son lancement (soit environ 118 000 euros de 2022), la Mondial 8 se trouvait inévitablement confrontée à des concurrentes aussi diverses que redoutables, parmi lesquelles, outre la Porsche précitée (V8 4,7 litres, 300 ch, 269 900 francs), figuraient la Jaguar XJ-S (V12 5,3 litres, 295 ch, 188 000 francs), la Mercedes-Benz 500 SLC (V8 5 litres, 240 ch, 227 200 francs), la Maserati Merak SS (V6 3 litres, 208 ch, 215 000 francs), la BMW 635 CSi (six-cylindres 3,5 litres, 218 ch, 184 900 francs) ou bien la De Tomaso Longchamp (V8 5,8 litres, 330 ch 246 000 francs). En somme, en proposant une berlinette à quatre places, Ferrari sortait de son territoire usuel et se trouvait confrontée à des GT et des sportives parfois plus habitables, souvent plus puissantes et mieux construites que la Mondial dont, de façon contre-intuitive, le moteur constituait un autre motif de mécontentement en raison d’un important déficit de puissance par rapport à celui de la GT4. Fondamentalement identique, le V8 de 2926 cm3 avait néanmoins renoncé aux traditionnels carburateurs pour adopter une injection Bosch K-Jetronic, responsable – comme dans le cas des 308 GTB/GTS – d’une regrettable diminution de la puissance, passée de 255 à 214 ch !

Cent fois sur le métier, etc.

À ce niveau de ressources (et de prix), le beau huit-cylindres n’avait plus guère que sa tessiture à opposer à certaines réalisations germaniques qui, même en tenant compte d’une moindre agilité en virage, pouvaient aisément déposer une Mondial 8 à la première ligne droite venue, le tout dans un confort postural et un raffinement inaccessibles à la voiture italienne. La sanction du marché ne se fit pas attendre : deux ans après son lancement, moins de 500 unités avaient quitté l’usine ! C’est sans doute la raison pour laquelle le modèle aura presque constamment évolué au fil de ses treize ans de carrière et, en l’espèce, on ne pourra pas reprocher à Ferrari d’avoir baissé les bras. De la sorte, dès l’été de 1982, la Mondial Quattrovalvole – nantie, comme son nom l’indique, de culasses à quatre soupapes par cylindre – retrouva des couleurs en gagnant 26 ch ; puis, trois ans plus tard, l’auto, désormais désignée « Mondial 3.2 » adopta le moteur de la toute fraîche 328, fort de 270 ch. Voilà qui faisait déjà plus sérieux même si, de son côté, la concurrence ne restait pas les bras croisés ; un an plus tard, Porsche présentait par exemple une 928 S4 elle aussi animée par un V8 32 soupapes délivrant 50 ch de plus que celui de la Mondial QV…

C’était l’heure du t

C’est en 1989 que l’auto connut ses changements les plus significatifs avec l’apparition de la Mondial t qui, sous une apparence quasiment inchangée – à l’exception de détails d’ordre cosmétique –, comportait de profondes modifications, conférant à l’auto l’homogénéité qui lui manquait depuis ses débuts, neuf ans plus tôt. Imitant une fois encore l’évolution de la berlinette V8 biplace, la Mondial t, à l’instar de la 348, reçut alors un nouveau bloc moteur disposé longitudinalement ; la boîte, demeurée quant à elle transversale, formant un « T » avec celui-ci, d’où l’appellation commerciale de la voiture, dont le 3,4 litres développait à présent 300 ch à 7200 tours/minute. C’est sans conteste sous cette forme, bien plus aboutie et convaincante que les premières versions, que la Mondial est la plus gratifiante à conduire et, conséquemment, la plus désirable aujourd’hui. Comme la QV puis la 3.2 avant elle, la Mondial t a également été diffusée sous la forme d’un cabriolet qui aura représenté 40 % des 6150 voitures produites de 1980 à 1993 – date à laquelle Ferrari a stoppé la fabrication du modèle, qui demeure à ce jour la dernière quatre places de la marque à moteur central. Plus attachante que certains le pensent, l’une des plus abordables Ferrari de route n’a sans doute pas le charisme de beaucoup de ses sœurs mais, tout bien considéré, elle peut constituer une excellente porte d’entrée dans l’univers du cheval cabré. Après tout, un V8 Ferrari et suffisamment de place pour partir en vacances, ce n’est tout de même pas si mal…





Texte : Nicolas Fourny

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