Dauphine VIRP2 : la dernière berline de Marius Berliet !
Tous ceux de ma génération se souviennent de la marque lyonnaise Berliet pour ses poids lourds mais aussi ses bus, qui sillonnèrent Paris comme Lyon (entre autres nombreuses villes, lire aussi : Berliet Standard 11m). Je savais que la marque avait aussi produit des automobiles avant-guerre sans en connaître le détail, et c’est un lecteur qui me suggéra de parler de la Dauphine VIRP2, la dernière voiture Berliet.
Depuis le début du siècle, la marque emmenée par son fondateur Marius Berliet s’est installée sur le marché des véhicules particuliers, se créant une petite réputation de robustesse et de standing. Mais la crise de 1929 va rendre le marché de l’automobile haut de gamme compliqué, et Berliet va se concentrer sur un seul type de modèle, une berline sage et sérieuse équipée d’un 4 cylindres 1,6 litres (9CV) ou 2 litres (11CV), la 943 (3 vitesses) ou 944 (4 vitesses), abandonnant les 6 cylindres.
Cette honnête voiture évoluera en 1935 pour devenir la Dauphine (non non, il ne s’agit pas d’une Renault!) et se décliner aussi en cabriolet. Mais malgré cela, les ventes de la voiture chutent dangereusement et Marius Berliet doit se rendre à l’évidence : les Tractions de chez Citroën et la 402 de chez Peugeot ont ringardisé les carrosseries de la Dauphine, qui semble d’un autre âge face aux lignes modernes de ses concurrentes.
Cependant, en ces périodes difficiles, entre contrecoups de la crise économique et avenir géopolitique incertain, Berliet qui joue tant sur le marché des camions que sur celui des automobiles n’a pas les liquidités pour innover partout. La branche automobile, bien moins importante, est le parent pauvre de l’entreprise, et n’a pas le moyens de s’offrir un nouveau dessin et une nouvelle carrosserie.
Pour moderniser sa Dauphine, Berliet va se tourner vers son concurrent Peugeot, pour lui acheter des carrosseries de 402B (berline 6 glaces), qui seront retravaillées à la sauce lyonnaise. Adieu la si originale proue de la lionne, avec ses deux phares intégrés dans la calandre, et place à un nouvel avant, s’inspirant des américaines de l’époque, et lien distinctif avec la gamme de camions. La nouvelle berline Dauphine « VIRP2 » est présentée en 1938, en 9 et 11CV. Marius a eu le nez creux de ne pas trop investir (d’ailleurs, le pouvait-il vraiment?), car au même moment, Daladier signe les accords de Munich, prémices d’une guerre que personne ne veut voir venir.
La Peugeot 402 servira de base à la Berliet VIRP21939 est l’année de la scoumoune pour Marius Berliet : alors qu’est enfin lancée la Dauphine VIRP2 dite « sans secousse », il tombe gravement malade. Et ce qui devait arriver arriva : la guerre est déclarée le 1er septembre. Pour des raisons obscures, Berliet n’est pas sollicité tout de suite pour l’effort de guerre. Sans contrat, avec un marché de l’automobile qui s’est réduit au néant avec la guerre, la marque est exsangue et stoppe toute production automobile. Sans moyens, il peine à répondre aux demandes d’obus et de camions que l’armée lui commande fin 39, bien après tous les autres constructeurs. L’usine sera alors requisitionnée par l’Etat, puis finalement récupérée par Marius Berliet après la capitulation.
Cette période difficile tant en termes politiques que financiers tueront prématurément la Dauphine VIRP2, pourtant élégante et moderne. En tout et pour tout, seuls 200 exemplaires seront fabriqués sur la seule année 1939. Après la guerre, Berliet se consacrera à la construction de camions et d’autobus, ne revenant plus jamais sur le marché de l’automobile. Autant dire que cette VIRP2 est rarissime aujourd’hui.