AMC AMX/3 : la mort subite d'une supercar américaine de conception européenne
Dans les années 60, les constructeurs Américains commencent à être énervés par l’insolente efficacité des sportives européennes, et en particulier italienne. Ford d’ailleurs, après avoir tenté de racheter Ferrari, se lancera dans la bagarre avec une GT40 impressionnant, et tentera l’aventure de la GT européenne avec la De Tomaso Pantera (lire aussi : la bataille de Ford et Ferrari au Mans). Mais aux Etats-Unis, il n’y a pas que Ford qui aimerait bien se faire une place au soleil avec une supercar digne des européennes. AMC (American Motors Corporation), le plut petit des « big four », a dans l’idée de lancer sa propre voiture : l’AMX/3.
L’AMX est à l’origine un petit coupé sportif (enfin « petit » selon les normes américaines) de seulement deux places, propulsion et moteur avant. Sous le capot, un V8 en plusieurs configuration de cylindrée et de puissante, du petit 290 (4.8 litres) de 290 ch au gros 390 (6.4 litres) de 375 ch. Vendue pendant 3 millésimes (1968, 1969 et 1970), l’AMX connaîtra un succès d’estime plus qu’un succès tout court, avec 19 134 exemplaires vendus (dont 12 735 dotés du V8 « 390 »). En 1969, cherchant à « transformer » son AMX en coupé à moteur central arrière capable de rivaliser avec les sportives européennes, AMC va présenter un premier prototype dénommé AMX/2 au Salon de Chicago. Une sportive dessinée par le designer maison Bob Nixon, malgré la mise en compétition avec Giugiaro. Le bon accueil réservé à l’AMX/2 va donner des ailes à AMC, qui s’apprête à concrétiser son rêve avec l’AMX/3.
l’AMX/3, présentée à Rome en janvier 1970Comme s’il existait toujours un petit complexe américain concernant les châssis, AMC va alors s’adresser à un fameux italien, Giotto Bizzarrini, connu pour ses compétences de motoristes ou de trains roulants. Et ça tombe bien car Bizzarrini, qui s’était lancé dans la construction d’automobiles en 1964 avec les 5300 Strada, P538 et la « petite » Europa 1900 GT, venait de faire faillite en 1969. Un contrat de consultant et de réalisation de prototypes qui tombait à pic pour se refaire une santé. Bizzarrini va donc s’atteler à la tâche et réaliser un premier prototype en juin 1969, avec une suspension maison (indépendante aux 4 roues). Le châssis est lui aussi spécifique et créé par l’Italien, doté d’une exceptionnelle rigidité (dit « châssis semi-monocoque).
Pour faire passer le couple du puissant V8 AMC, Bizzarrini et son associé Salvatore Diomante (lire aussi : les drôle de Lambo de Salvatore Diomante) vont faire développer une boîte de vitesse à 4 rapports par le spécialiste OTO Melara. Le design est quant à lui une évolution de l’AMX/2, faisant d’ailleurs sous bien des angles penser à la De Tomaso Pantera (lire aussi : De Tomaso Pantera). Le tout est relativement élégant.
AMC veut tout de même être sûr de son coup, et va s’attacher les services d’un constructeur européen qui à l’époque ne rechigne pas à faire du consulting, un allemand, BMW. Son rôle ? Tester la tenue de route, les suspensions, et la bonne tenue du moteur. Le verdict tombe bientôt : il faut revoir la copie, la stabilité n’était pas vraiment là, la suspension pas au point, et le refroidissement du moteur problématique. Giotto Bizzarrini va donc plancher à nouveau pour enfin pouvoir présenter un modèle au point debut 1970 à Rome, puis en juin au salon de New York.
En ce début 70, on est encore confiant. AMC, initialement, prévoyait une production de 5000 exemplaires annuels, rien que cela. Des ambitions vite revues à la baisse vue le coût de vente prévu : 12 000 $ de plus qu’une AMC AMX, et même presque 3000 $ de plus qu’une Pantera. On n’envisage plus qu’une production réduite à quelques dizaines d’exemplaires annuels. Jusqu’en juillet, le projet semble proche d’une production de série, qui serait dès lors confiée à Bizzarrini. Pourtant, en ce mois d’été 70, AMC va annuler le programme AMX/3. Jusqu’alors, Bizzarrini avait déjà construit 5 exemplaires au total.
Pourquoi AMC annule-t-elle le programme ? Les coûts tout d’abord, jugés trop importants, obligeant à un prix de vente élevé. Mais surtout les nouvelles normes américaines obligeant à doter les voitures de pare-chocs proéminents, ce que le dessin de l’AMX/3 ne permettait pas en l’état. AMC, un constructeur aux problèmes financiers récurrents, préférait arrêter les frais plutôt que de s’engager dans une aventure hasardeuse.
Malgré le désengagement, Bizzarrini va espérer pouvoir produire malgré tout la voiture, sous sa propre marque et sous le nom de Sciabola, mais AMC refusera de fournir les pièces pour une industrialisation. Pourtant, un prototype Sciabola fut construit par Diomante avec le stock de pièces restant, mais aucun modèle de série ne sortira vraiment des ateliers italiens. Six, c’est le chiffre régulièrement retenu comme « production » officiels (les 5 pré-séries + le prototype Sciabola). Pourtant, le chiffre de 17 est parfois évoqué (dont 9 exemplaires auraient été détruits par AMC), sans certitude. Ce sera en tout cas la dernière aventure de Giotto Bizzarrini, qui bien que motoriste et ingénieur de génie, ne réussira pas à devenir un constructeur. Sans doute parce que la technique lui importait plus que la gestion, les contrats et le marketing.