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Lotus Esprit S1 “Wet Nellie” : un sous-marin pour 007

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 04/08/2022

Qui n’a jamais rêvé, petit, d’une voiture qui se transformerait en avion ou, pourquoi pas, en sous-marin ? Ceux qui comme moi, dans les années 70 ou au début des années 80, ont vu et revu en salle ou à la télévision “L’espion qui m’aimait” (The Spy who loved me) font sûrement partie de cette catégorie de petits rêveurs et il en reste encore quelque chose la quarantaine bien sonnée. Soyons honnête : la Lotus Esprit faisait déjà bigrement envie avec seulement 4 roues, alors forcément, une fois passée chez Q et dotée d’une fonction sous-marin, on n’est pas loin du fantasme. Voici donc la petite histoire de la Lotus Esprit de James Bond, surnommée Wet Nellie.

Certains disent que la propre Lotus Esprit de Colin Chapman, une S1 blanche, fut utilisée pour des scènes de poursuites.

L’un des sous-marins les plus célèbres du monde

James Bond aura roulé avec beaucoup de voitures au cinéma comme en littérature, mais il en est deux qui se détachent aux yeux du public : l’Aston Martin DB5 qui revient le plus de fois tout au long de la série, mais aussi la Lotus Esprit qui, pourtant, n’apparaîtra que dans deux opus : L’espion qui m’aimait et Rien que pour vos yeux. Si dans ce deuxième film, paru en 1981, James Bond gagnait une version Turbo plus puissante (Esprit S3 de 218 chevaux), c’est sûrement celle du premier film qui marqua le plus les esprits. Et pourquoi me direz-vous ? Tout simplement parce qu’elle fait partie des sous-marins les plus célèbres du monde aux côtés du Yellow Submarine des Beatles ou du Nautilus du Capitaine Nemo dans le roman de Jules Verne, pardi ! Et quand on est petit, savoir qu’elle n’avait “que” 162 chevaux vous fait une belle jambe quand on sait qu’elle peut aller sous l’eau sur simple commande.


Tout le sex-appeal de cette voiture tient autant à sa beauté sur roue et sur route (dans sa livrée blanche immaculée) qu’à sa pureté et son ingéniosité sous l’eau. Et puis sans doute aussi à l’ambiance caribéenne des plages de Nassau, aux Bahamas, où ont été tournées les scènes amphibies. Pour cette nouvelle aventure du célèbre 007, la production avait décidé de donner une monture plus sexy et moins datée que la pourtant très réussie Aston Martin DB5. Depuis Opération Tonnerre en 1965, James s’était cherché en matière d’automobile. On l’a vu passager d’une Toyota 2000 GT Convertible dans On ne vit que deux fois puis tester successivement une Aston Martin DBS, une Ford Mustang Mach 1, une Triumph Stag et même une AMC Hornet, mais aucune ne s’imposait. La toute nouvelle GT de Lotus, présentée en 1976, tapa dans l’oeil de la production : la voiture était belle, sportive, moderne, anglaise, tous les ingrédients y étaient pour la faire rentrer au département Q, histoire de devenir encore plus exclusive.


D’une Lotus Esprit S1 à Wet Nellie, un sous-marin fonctionnel

Dans la réalité, ce ne fut pas tout à fait Q qui se pencha sur Wet Nellie (une référence à l’autogyre Little Nellie présent dans On ne vit que deux fois), mais une entreprise de Floride, Perry Oceanographic. En partant d’une vraie carrosserie d’Esprit S1, l’entreprise réalisa un vrai sous-marin fonctionnel qui permettra de tourner toutes les scènes sous l’eau. Wet Nellie n’est pas un submersible au sens classique du terme : il s’agit d’un “wet sub” (d’où son nom), rempli d’eau en plongée et nécessitant des plongeurs aux commandes. Dans le film donc, n’imaginez pas Roger Moore pilotant vraiment son “sub” : c’est en fait un ancien des SEALs, Don Griffin qui pilotait en plongée.


La voiture (dont la construction coûta, selon RM Auctions, près de 100 000 dollars) était dotée de 4 moteurs électriques reliés à 4 hélices visibles à l’arrière. Les passages de roues sont obstrués tandis que des ailettes latérales (4 au total) permettent la stabilité, la montée ou la descente. La voiture possédait par ailleurs un fond totalement caréné (et peint en blanc) provoquant un faux raccord : lors du saut vers la mer, on distingue le soubassement classique d’une des deux voitures “vides” (sans moteur) de la scène, mais à peine est-elle à l’eau, c’est un fond plat blanc que l’on aperçoit. Trois voitures factices furent utilisées pour tourner les scènes de la transformation, avant que le premier rôle ne soit récupéré par notre vrai sous-marin. Wet Nellie avait cependant un défaut : elle ne pouvait aller que vers l’avant. Pour ressortir de l’eau, la Lotus Esprit, redevenue voiture (la deuxième sans moteur), était en fait tirée par une corde.


Elon Musk s’offre son rêve de gosse

Après le tournage, la voiture dans sa version sous-marin, fut réquisitionnée pour la tournée promotionnelle avant de rejoindre un entrepôt à Long Island (New York) loué pour dix ans. Mais au bout de ces dix années, personne ne réclamant le contenu du hangar, il fut mis aux enchères “à l’aveugle”. Un couple de la région empocha la mise pour une poignée de dollars, sans savoir quel trésor se trouvait à l’intérieur. Dès lors, Wet Nellie fit quelques apparitions, notamment au musée Petersen, mais resta le plus souvent loin des producteurs avant d’être enfin mise aux enchères en septembre 2013. L’acheteur déboursa 550 000 livres pour s’offrir son rêve de gamin : un homme habitué à réaliser ses rêves puisqu’il s’agissait d’Elon Musk, le turbulent patron de Tesla. Son objectif : rendre à nouveau fonctionnel son Esprit Sub grâce à des moteurs, batteries et transmissions signés Tesla.

Pour ceux qui voudraient examiner la scène en détail, la voici :



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