Lotus Elite: la difficile montée en gamme de Chapman
La Lotus Elite est une étrange voiture ! Symbole de la montée en gamme de la petite marque anglaise, affublée d’une ligne particulièrement originale (une sorte de break de chasse en vogue en Angleterre à l’époque, lire aussi : Reliant), motorisée par une mécanique moderne et performante, elle sera totalement éclipsée dans les souvenirs ou les rêves des amateurs par la Lotus Esprit signée Giugiaro !
C’est en 1974 qu’apparaît l’Elite type 75 pour succéder à l’Elan première du nom dans sa version Plus 2 ! Colin Chapman désire à cette époque faire grandir Lotus à tous points de vue, et notamment défricher de nouveaux marchés. Elle fait partie d’une stratégie qui verra en 1975 apparaître l’Eclat type 76 (qui dérive de l’Elite) puis la fameuse Esprit Type 79 en 1976 (lire aussi: Lotus Esprit). 3 nouvelles voitures en 3 ans, pas mal pour le petit constructeur anglais, ce qui n’est pas sans rappeler les ambitions de Dany Bahar en 2010 (lire aussi : Dany Bahar).
L’Eclat est la version coupé de l’Elite, parue un an après, en 1975 !Sous le capot de l’Elite, on trouve le nouveau moteur type 907 (dérivé d’une mécanique Vauxhall), tout alu, twincam et 16 soupapes de 2 litres pour 160 chevaux, moteur qu’avait étrenné la Jensen-Healey un an auparavant. Ce moteur moderne justifierait à lui tout seul de s’intéresser à cette curieuse Elite. Car pour le reste, l’Elite souffrira d’une sacrée réputation. En cause ? Une qualité de fabrication déplorable (tout comme l’Eclat), d’autant que l’Elite est proposée dans la même gamme de prix qu’une Citroën SM (lire aussi : Citroën SM) ou qu’une Alfa Romeo Montreal (lire aussi : Alfa Romeo Montreal).
Mais il n’y a pas que cela. Malgré son originalité et son habitabilité (4 places, coffre), l’Elite rebute par une ligne assez étonnante, et moins réussie, il faut le dire, que celle de la Reliant Scimitar. Pour rectifier le tir, Lotus sortira donc un an après l’Eclat (type 76), une 2+2 (et non une vraie 4 places comme l’Elite), avec une vraie ligne de coupé cette fois-ci ! Pour le reste, l’Elite et l’Eclat partagent tout, châssis comme moteur. Cela ne changera pas vraiment la donne, et l’Eclat se vendra encore moins bien que sa grande sœur.
En 1980, l’Elite se remet à niveau (type 83) avec un moteur porté à 2,2 litres pour une puissance identique au 2 litres, mais offrant plus de couple. L’Elite restera au catalogue de Lotus jusqu’en 1982, tout comme l’Eclat (type 84). Elle ne connaîtra pas de descendance directe, Lotus abandonnant l’idée d’un shooting brake, mais l’Excel (version revisitée de l’Eclat) viendra remplacer le duo et durera jusqu’en 1992 (on peut donc dire que la lignée de l’Elite aura duré presque 20 ans!).
Les versions Riviera proposent un toit ouvrant !Au total, seuls 2820 exemplaires de l’Elite seront produits entre 1974 et 1982, ce qui en fait une voiture plutôt rare. Et même très rare aujourd’hui, puisqu’il n’en resterait que 416 exemplaires roulants selon Honestjohn Classics, ce qui explique en partie qu’elle puisse avoir disparu de la mémoire collective. Bon en même temps, il lui était difficile d’exister aux côtés de sa sœur Esprit beaucoup plus sexy, qui eut l’avantage d’une carrière cinématographique (notamment avec James Bond) et de connaître de nombreuses évolutions mécaniques et stylistiques jusque dans les années 90.
Aujourd’hui, Lotus est revenu à ses basiques, avec une Elise toujours dans le coup, tout comme l’Exige ou l’Evora : « light is right ». Adieu les rêves de grandeur et de gamme étendue de Colin Chapman puis Dany Bahar. Reste cette Elite, symbole d’une époque, d’un style (parfois discutable) et qui mériterait qu’on la regarde avec un autre état d’esprit aujourd’hui. Ok, il faut avoir envie de goûter à la légèreté de fabrication des anglaises des années 70, et de supporter les regards moqueurs de ceux qui ne savent pas qu’il s’agit bel et bien d’une Lotus. Certes, avec elle, on quitte un peu le monde du sport pour s’orienter vers le Grand Tourisme (à quatre), et si l’on veut retrouver une ambiance un peu plus devergondée, il faudra s’orienter vers l’Eclat dotée des mêmes mécaniques, mais plus légère de 45 kg !
Que ce soit Elite ou Eclat, il s’agira de toute façon d’un choix d’original, là où les moins aventureux, les plus sportifs, ou les plus ostentatoires, choisiront l’Esprit. Mais c’est justement ce qui me plaît dans cette génération de Lotus : il y en a pour tout les goûts, y compris les plus décalés comme ceux de Boîtier Rouge. Et puis, à défaut de pouvoir s’acheter une Aston Martin Shooting brake (lire aussi : Aston Martin Shooting Brake), l’Elite permettra de goûter aux charmes du break de chasse à moindre coût. Alors, tentés ?