Lotus Europe : coeur de Renault 16
Après avoir installé la marque Lotus avec la Mark VI puis la Seven et développé les ventes avec l’Elan, Colin Chapman se lance, au début des années 60, dans un nouveau projet : une sportive plus abordable que l’Elan, histoire d’élargir encore le potentiel de la petite marque anglaise. La Grande Bretagne connaissait Lotus, place désormais au continent, avec un modèle emblématique, l’Europe.
Tout commence par une étude de sportive à moteur central destinée à séduire Ford, alors en pleine réflexion pour produire ce type de voiture afin de concurrencer Ferrari au Mans (lire aussi : « La bataille Ford / Ferrari au Mans »). Ce sera finalement Lola qui remportera le contrat (malgré la collaboration régulière entre Ford et Lotus, notamment avec la Cortina) mais l’étude de la Lotus Type 46 ne restera pas dans les placards. Bien entendu, la future petite Lotus se voulait moins ambitieuse que le projet Ford, troquant le V8 prévu initialement pour un moteur bien plus modeste.
Un Cléon-Alu pour une petite anglaise
La petite Lotus Europe se contentait d’un 4 cylindres. Cocorico, ce bloc de 1 470 cc développant 78 chevaux est d’origine française. Il s’agit d’un moteur Renault, présent sous le capot de la récente Renault 16 et légèrement modifié pour les besoins de Lotus. Ce choix résultait de la légèreté et de la compacité du moteur français, mais aussi de son coût relativement faible du fait de sa fabrication en grande série. Le “Cléon-Alu” était accolé à la boîte de vitesses à 4 rapports venue elle-aussi de chez Renault : autant dire que l’Europe porte bien son nom puisqu’elle est le fruit d’une collaboration franco-anglaise.
Pour le reste, il s’agit bien d’une Lotus : châssis poutre en acier noyé dans une coque en polyester, suspensions dérivées de la compétition, poids plume (612 kg à vide). Malgré une puissance largement en dessous des 100 chevaux, l’Europe, grâce à ses qualités de rigidité et de légèreté, s’est révélée être une sportive particulièrement efficace. Lancée en 1966, la Lotus Europe S1 connut rapidement son petit succès.
Design particulier
Du point de vue de la ligne pourtant, l’Europe ne faisait pas vraiment l’unanimité : on aime ou on déteste encore aujourd’hui. L’avant n’optait pas pour des phares rétractables à la façon de l’Elan mais pour des phares ronds “à l’air libre”, engoncés dans des ailes rondouillardes. Elle conservait pourtant un air très Lotus. C’est plutôt à l’arrière que l’Europe prend toute son originalité avec des flancs pleins et pentus lui donnant un petit air de shooting brake.
La Lotus Europe offrait à l’époque un design particulier, certes, mais surtout un comportement routier digne d’une voiture de course : sa tenue de route fait presque regretter si peu de puissance moteur. Il faudra attendre 1971 et l’Europa Twin Cam (type 74) pour passer la barre des 100 chevaux (105 exactement) avec le moteur 1 558 cc de l’Elan sous le capot arrière. En 1972, l’Europa Special gagnait encore un peu de muscles avec 126 chevaux et une boîte 5 vitesses en option.
Un choix décalé en collection
Entre temps, la S2 avait réparé en 1968 l’un des principaux problèmes de l’Europe : si le châssis poutre mêlé à la carrosserie garantissait une rigidité incroyable, en cas d’accident, la voiture devenait irréparable. La S2 changeait la donne avec un châssis poutre séparé et démontable.
Produite pendant presque 10 ans, la Lotus Europe séduira dans toutes ses versions 9 882 clients (dont 638 pour la S1 et 4 294 pour la S2, soit 4 932 voitures à moteur Renault). Pas mal pour le petit constructeur anglais qui prenait alors une nouvelle dimension, malgré une finition encore perfectible. Aujourd’hui, la large production de l’Europe la rend encore relativement accessible : sa cote oscille entre 15 000 et 20 000 euros selon les versions. C’est une somme, certes, mais qui reste raisonnable tout en vous offrant un véritable petit bijou à conduire.