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BMW 700 : la dernière chance de Munich

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 03/02/2020

Décembre 1959 : au siège de BMW, à Munich, c’est le soulagement. Le conseil d’administration s’oppose définitivement, malgré les pressions gouvernementales, à l’idée d’une fusion (en fait un rachat) avec son concurrent de Stuttgart, Daimler-Benz. Le groupe, propriétaire de DKW, comptait bien mettre la main sur les installations de BMW, mais aussi sur ses ouvriers qualifiés afin de répondre à la demande grandissante pour la DKW Junior. Si au début de l’année BMW était aux abois, la présentation du coupé 700 au salon de Francfort change la donne, avec 25 000 commandes dans la foulée, tandis qu’un actionnaire jusqu’alors minoritaire, Herbert Quandt, investit lourdement pour permettre à BMW de rebondir. Si la Neue Klasse allait relancer la marque au début des années 60, c’est bien la BMW 700 qui redonna l’espoir, presque par hasard !

La BMW 600 dérive de l’Isetta, et dispose de 4 roues aux 4 coins. Elle servira de base à la BMW 700 !

BMW au bord de la faillite, Mercedes en embuscade

À la fin des années 50, BMW a presque tout faux : elle fait du volume avec l’Isetta sans pour autant gagner de l’argent ni redorer son blason tandis que de l’autre côté du spectre, elle tente de s’imposer dans le très haut de gamme avec la 503 et surtout la 507, de superbes voitures, mais aussi des gouffres financiers. La marque ne trouve pas la martingale et ne survit que grâce à des prêts ou subventions de l’État bavarois… Le bureau d’études et le patron, Heinrich Richter-Brohm, promettent sans cesse la venue prochaine d’une hypothétique 1 600 qui sauverait la marque, mais il faut croire qu’il s’agit d’une arlésienne et les créanciers commencent à s’impatienter.

La Denzel Sport, produite par Denzel entre 1948 et 1959 à 300 exemplaires environ

Pendant ce temps-là, en Autriche, l’avenir de BMW se joue sans qu’elle ne s’en doute. Wolfgang Denzel fabrique depuis 1948 des voitures de sport concurrentes de la Porsche 356, mais est aussi le distributeur de la marque dans son pays. Il est aussi, accessoirement, actionnaire minoritaire de BMW et s’inquiète pour l’avenir de l’entreprise. En outre, sa Denzel Sport commence à vieillir et il faut songer à une remplaçante. Denzel va alors avoir une idée simple : sur un châssis de BMW 600 (la version la plus puissante de l’Isetta), il va envisager la production d’un élégant coupé.

La BMW 700 fait le show au Salon de Francfort 1959.

Un élégant coupé venu d’Autriche et dessiné en Italie pour sauver BMW

Pour cela, il va faire appel à un styliste italien, Giovanni Michelotti. De l’étrange Isetta, il ne restera plus rien que l’architecture : propulsion et moteur arrière, tandis que le châssis est allongé. Pour le reste, le designer va créer un élégant coupé. Rapidement Denzel fait part de ses travaux à BMW qui, en janvier 1958, le mandate pour la conception de cette petite voiture bien dans l’air du temps. En juillet, un prototype est présenté à la direction qui somme Denzel de travailler aussi sur une version berline deux portes. Michelotti va donc se remettre à la table à dessin pour une berline certes plus habitable, mais moins sexy que le coupé.

Sous le capot arrière, on retrouve le moteur de l’Isetta 600, mais retravaillé : il fait désormais 697 cc (d’où le nom de 700 de la voiture) et développe 30 chevaux. Les deux modèles sont prêts à être industrialisés en septembre 1959, et sont présentés au public au salon de Francfort : le succès est immédiat avec 25 000 bons de commande ! Entre ce succès inespéré et le développement de la 1 500, BMW est sauvée in extremis. Dès l’année 1960, la 700 est fabriquée à 155 exemplaires par jour tout en étant rentable : c’est bien mieux que l’Isetta dont l’image populaire écornait celle de Béhème.

La BMW 700 dans sa version Berline 2 portes (ici une LS à empattement rallongé)

Succès commercial et relance de la marque

En 1960, la 700 s’offre une version sport, dont le bicylindre à plat est porté à 40 chevaux grâce à deux carburateurs Solex : une puissance déjà plus acceptable malgré le poids plume de la bête (640 kg pour le coupé, 690 pour la berline 2 portes). Un peu plus tard dans l’année, BMW présente la 700 cabriolet, réalisée par son partenaire historique, la carrosserie Baur. En 1962, la 700 Luxus remplace la berline 2 portes de base avec un peu plus d’équipements de confort tandis que la LS apparaît avec un empattement un peu plus long (pour plus d’espace intérieur). En 1963, les versions “classiques” (et non “sport”) gagnent deux petits chevaux (32) tandis qu’en 1964, le coupé s’offre aussi un châssis long (LS). En 1965, la 700 disparaît du catalogue.

La rare version 700 Cabriolet.

Cet improbable modèle, conçu par hasard, réalisera des scores de production intéressants à une époque où BMW n’avait pas la taille qu’elle a maintenant : 188 211 exemplaires tomberont des chaînes (dont 154 157 berlines, 31 062 coupés et 2 592 cabriolets). C’est plus que l’Isetta vendue moins cher : l’heure était au renouveau de l’Allemagne et le pouvoir d’achat augmentant, la population aspirait à autre chose qu’à un pot de yaourt semble-t-il. Dès lors, BMW rentrait dans une nouvelle ère avec la Neue Klasse et ses descendantes, s’offrant même le luxe de racheter Glas. La suite, on la connaît, mais qui aurait parié, en 1959, que BMW serait propriétaire de Mini et de Rolls-Royce, à la santé aussi insolente ? Pas grand monde à part peut-être Herbert Quandt et Wolfgang Densel.


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