Saab 9-2X : la Saabaru
J’avais déjà évoqué la Saab 9-2X (lire aussi : les Saab américaines) mais il était temps d’en parler de façon un peu plus précise. Vous connaissez mon penchant pour la marque scandinave mais aussi pour toute marque un peu originale, ce qui fait que je me retrouve perplexe devant cet éphémère modèle. Oui en effet, j’aime aussi Subaru, et particulièrement l’Impreza dont la 9-2X dérive étroitement, mais j’ai toujours été dubitatif sur la politique de « badging » de GM. Résultat, j’hésite à dire si j’adore ou si je déteste cette Saabaru !
L’idée d’une Saab compacte s’explique par un constat implacable : depuis des lustres (et pour être franc, depuis la Saab-Lancia 600, lire aussi : Saab 600), la gamme se limite à deux modèles, la 900 (puis 9-3) et la 9000 (puis 9-5). Et honnêtement, l’idée d’une « petite » Saab n’est pas idiote du tout. Mais concevoir un modèle spécifique, fusse-t-il issu d’une plate forme GM (comme les 9-3 et 9-5), aurait été sûrement plus judicieux pour séduire des saabistes ou conquérir une nouvelle clientèle.
Au lieu de cela, GM décide de la jouer à l’économie, reprenant d’une certaine manière la tradition de l’A112 (lire aussi : La Lancia A112 de Saab) et de la Saab 600. Mais au lieu de grimer une Astra en Saab, les génies de chez General Motors vont chercher à offrir un produit décalé, comme il se doit chez le suédois. Possédant 20 % de Subaru (propriété de Fuji Heavy Industries), GM propose à son partenaire japonais un deal a priori intéressant : construire sur une base d’Impreza une Saab destinée au marché nord-américain.
Cet accord a plusieurs avantages : augmenter les volumes de production de l’Impreza, tout en offrantà bon compte à Saab une compacte décalée, efficace et performante. Le problème, c’est que GM va faire des économies de bouts de chandelles en restylant au minimum l’Impreza, qui malgré une face avant et des feux arrières spécifiques, rappelle bien trop le véhicule de départ. La 9-2X transpire l’Impreza par tous les pores !
Pourtant, Saab va singulièrement rehausser la qualité de fabrication (utilisation de matériaux plus valorisants, de moquettes et tapis « Saab », nouveau dessin des compteurs, console centrale au look métalisé, sellerie cuir, sièges chauffants, appuis-têtes SHAR, acoustique améliorée grâce à de meilleurs jointures et garnissages). La 9-2X, c’est un peu une Impreza de luxe, la première Saab à transmission integrale et moteurs boxers.
Car sous le capot, on retrouve le 2.5 à plat de 165 ch (puis 173 ch) et le 2 litres turbo à plat lui aussi de 227 ch, qui sera remplacé par le 2.5 turbo porté à 230 ch (mais surtout plus de couple). C’est pas mal pour une voiture de cette taille (même si le sport reste l’apanage de la Subaru), bien née et efficace. Sur le papier, les conditions sont réunies pour que la 9-2X fasse un carton.
Oui mais, voilà, la 9-2X, présentée en décembre 2003 au salon de Los Angeles, et entrée en production en 2004, ne rencontrera pas le succès escomptée : seuls 410 exemplaires seront vendus les 2 premiers mois, obligeant Saab à rentrer dans une politique de promotion dès mai 2004. Or la 9-2X, fabriquée au Japon aux côtés des Impreza, coûte assez cher à fabriquer et à transporter jusqu’aux USA. La rentabilité est d’ores et déjà mise à mal. Fin 2004, 1788 exemplaires auront été vendus sur le sol américain.
Persistant dans l’idée de ne vendre la 9-2X qu’aux Etats-Unis, alors qu’un modèle compact aurait pu séduire une clientèle marginale mais réelle en Europe, GM ratera peut-être l’occasion d’amortir un peu son modèle : sans doute qu’en Scandinavie une Saab à transmission intégrale aurait pu séduire une part non négligeable d’amateurs, on ne le saura jamais. Le regain des ventes en 2005 a sans doute paru suffisant pour ne pas tenter l’aventure européenne (5940 ex), mais plus sûrement le refroidissement des relations entre Subaru et GM a-t-il rendu caduque la suite de l’aventure : en octobre 2005, 8.4 % des actions sont vendues à Toyota, tandis que le solde (11.4 %) étant revendues à Fuji Heavy Industries.
De toute façon, les ventes retombent à 1435 unités en 2006, dernière année de production. En tout, 10 346 Saab 9-2X seront produites, donnant à cette Saabaru un statut direct de collector. L’idée n’était pourtant pas mauvaise, et la base plutôt bien vue, mais il aurait sans doute fallu donner au modèle une vraie personnalité Saab, et pas juste un simple grimage ! Pourquoi se limiter à une version hatchback, alors que la version 4 portes, plus élancée, aurait sans doute trouvé une clientèle plus large. Pourquoi limiter aussi sa diffusion aux USA et au Canada, alors que le marché européen aurait pu absorber une part de la production ? Autant de petites erreurs stratégiques qui ont sans doute coûter la carrière de la 9-2X.
Aujourd’hui, si cette petite Saab n’est pas une vraie Saab, elle me fait régulièrement envie. Bien sûr, il faudrait aller en dénicher une outre-atlantique, et son immatriculation pourrait être compliquée, mais c’est le prix de l’originalité 10 ans après la fin de cette éphémère compacte. Et puis, 227 à 230 ch, une transmission intégrale, l’efficacité de la Sub’ et la face de la Saab, avouez que c’est tout de même tentant !