Jimenez Novia : la première supercar à moteur W16
Durant les années 90 en France, on aurait pu se croire en Angleterre tant les petites marques et les artisans foisonnaient malgré une législation moins laxiste qu’outre-Manche. Il y avait des projets ambitieux, comme Venturi, ou bien Hobbycar (lire aussi : Hobbycar B612 et Passport), mais aussi des projets plus artisanaux, comme Coste, De La Chapelle), Hommell ou De Clercq. Et puis, en 1995, apparaissait un ORNI dans la production française, la Jimenez Novia.
Ramon Jimenez était un passionné, sans aucun soutien financier ni industriel, mais il s’était mis en tête de construire « sa » supercar, rapide comme un avion : ne cherchez pas plus loin le nom de la voiture, Novia était l’anagrame d’avion justement, tout en mettant l’accent sur l’aspect novateur du projet. Car bien avant le lancement de la Bugatti Veyron, la Jimenez Novia proposait en position centrale un drôle de moteur appelé W16.
Cependant, le W16 de la Novia n’était pas une création ex-nihilo, enfin pas tout à fait. Ancien pilote de moto, Ramon Jimenez, dans son atelier de Monteux (84), avait assemblé quatre moteurs de motos issus de la Yamaha 1100. Ces 4 cylindres à 5 soupapes par cylindres (soit 80 au total), une fois positionnés en W, développaient la bagatelle de 567 chevaux pour un poids et un volume très contenus, et cubaient 4,1 litres, soit un très beau rendement cheval/litre ! Surtout, ce W16 pouvait monter très haut dans les tours, puisqu’il atteignait sa puissance maximale à 10 000 tours/minute.
Le design s’inspirait de loin des protos type Le Mans, certains lui trouvant un air de famille (assez lointain) avec la Porsche 917. Avouons-le, le style n’était pas son point fort même si la Novia respirait la sportivité. Elle proposait au pilote quelques petites gâteries, comme un extracteur d’air permettant de profiter de l’effet de sol, une hauteur de caisse variable en fonction des situations, un antipatinage géré électroniquement, en plus de la fiabilité de son moteur léger et compact. La voiture ne pesait d’ailleurs que 890 kilos, et atteignait une vitesse de pointe de 380 km/h : une concurrente française de la Dauer 962. Enfin l’intérieur était traité luxueusement, avec notamment la climatisation, mais aussi un très beau cuir Connolly.
Le plus exceptionnel dans tout cela, c’est qu’à part un soutien technique de Michelin, toujours prompt à accompagner les futures supercars (encore récemment était présentée au Mans l’Akylone de Frédéric Genty, nous en reparlerons), Ramon Jimenez réalisa sa Novia quasiment tout seul, et sur ses seules économies, un projet fou qui aura duré dix ans ! Dix ans pour concevoir et réaliser une voiture hors-norme qui pourtant ne dépassera pas le stade du prototype unique.
Car malgré la passion animant certains petits artisans, il fallait bien se rendre à l’évidence : la France n’est pas l’Angleterre, et la législation bien plus contraignante. Ainsi, pour pouvoir envisager une petite série, il aurait fallu construire un 2ème prototype destiné au crash-test. Selon certains sites anglais, le prototype aurait déjà côûté 800 000 $ à Jimenez, qui ne pouvait pas se permettre d’en claquer autant une deuxième fois juste pour voir cette voiture s’écraser contre un mur.
Ramon Jimenez était allé jusqu’au bout de son rêve, dépensant toute sa fortune, mais manquait de ressources pour passer à l’étape suivante, la production. Sans investisseurs, ni même de véritable carnet de commande, notre artisan passionné préféra donc jeter l’éponge, conservant sa Novia dans son propre garage. La société Jimenez Motor existe toujours à Monteux, dans le Vaucluse, mais son activité a bien changé depuis : elle s’occupe de découpe laser ou par jet d’eau depuis 1998.
Le site de Jimenez Motor aujourd’hui