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Glas 2600 V8 et BMW-Glass 3000 V8 : bavaroise à l’italienne

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 18/10/2019

Les fameux haricots symptomatiques des BMW depuis les années 30 et la 303 (puis immortalisés par la 328) n’ont plus jamais quitté les calandres munichoises. Plus jamais ? Ce n’est pas tout à fait exact puisque dans les années 60, certaines “béhèmes” y ont échappé. Normal, puisqu’elles étaient issues de la gamme Glas, un petit constructeur racheté en 1966. Parmi celles-ci, on trouve un drôle de coupé aux faux airs italiens, la BMW-Glas 3000 V8, évolution de la Glas 2600 V8.

Glas n’est pas une marque très connue des collectionneurs et déclenche même parfois l’hilarité à cause de l’étrange nom de son modèle phare, la Goggomobil. Installée à Dingolfing en Bavière, la petite marque est venue à l’automobile sur le tard. D’abord constructeur de machines agricoles, Glas s’est ensuite diversifiée au début des années 50 dans la production de scooters, puis de cette étrange petite voiture, la fameuse Goggomobil, concurrente des Messerschmitt KR175 ou BMW Isetta. Le relatif succès de ce premier modèle poussera l’entreprise à proposer une gamme plus large de véhicules.

Une place à prendre après la faillite de Borgward

A la fin des années 50, Glas diversifie donc son offre avec des petites berlines comme l’Isard puis de plus grosses comme la 1700. La disparition de la marque Borgward (connue pour son Isabella) en 1961 laisse une place vacante, un peu plus haut de gamme, que Glas va tenter d’occuper avec les 1300 et 1700 GT, jolis coupés dessinés par le styliste italien Pietro Frua. Hans Glas, patron de l’entreprise, imagine qu’une production plus prestigieuse fera rentrer l’argent qui manque cruellement dans les caisses.

Pour cela, il ne faut pas, pense-t-il, se limiter aux 1300 et 1700 GT mais voir plus grand et plus gros. Il imagine qu’un grand coupé Grand Tourisme doté d’un moteur 6 cylindres pourrait permettre de venir sur les plates-bandes des Mercedes SE ou BMW 3200 CS. Malheureusement, il faut vite se rendre à l’évidence : Glas n’a pas les moyen de développer un tout nouveau moteur. Pour proposer tout de même un moteur suffisamment noble, on va recourir au système D. En accouplant deux 4 cylindres de 1 290 cc, les ingénieurs créent donc un V8 de 2 580 cc (le double), avec deux arbres à cames en tête et deux courroies de distribution. Au menu, 150 chevaux qui doivent permettre au futur grand coupé de dépasser les 200 km/h.

Une ligne à l’italienne : la Glaserati

Pour la carrosserie, Hans Glas va renouveler sa confiance à Pietro Frua. Ce dernier venait de dessiner la Quattroporte pour le compte de Maserati, et s’inspirera fortement de celle-ci pour la nouvelle Glas 2600 V8, à tel point qu’elle sera surnommée “Glaserati”. Il faut dire, à sa décharge, que le budget de Glas était riquiqui et que le cahier des charges imposait l’utilisation maximale de pièces existantes (les feux avant proviennent d’un bus SETRA). Le résultat est en tout cas plutôt élégant et moderne. La nouvelle voiture est présentée au salon de Francfort fin 1965 et la production lancée à l’été 1966.

Rapidement, les espoirs placés en cette nouvelle 2600 V8 vont s’envoler : la voiture n’est pas aussi rapide que prévu (elle n’atteint pas les 200 km/h escomptés) mais pire, ne séduit pas la clientèle visée. Glas est marquée au fer rouge par l’image populaire de la Goggomobil et peine à convaincre dans le haut de gamme malgré un tarif compétitif. Le V8 semble un peu bricolé avec ses deux courroies et son réseau de distribution peu adapté pour vendre et entretenir un tel engin. Pourtant, Hans Glas pense que seul le manque de puissance est en cause. Dès février 1966 (avant même le lancement de la voiture), il lance l’étude d’un moteur poussé à 3 litres par l’adjonction de deux 4 cylindres de 1 489 cc.

BMW récupère l’affaire

En août 1966, alors que la production de la 2600 V8 vient à peine d’être lancée, la situation financière n’est plus tenable : avec une gamme pléthorique vendue à peu d’exemplaires par série, la firme perd de l’argent sur tous ses modèles et doit trouver une solution. Elle viendra du voisin bavarois, BMW qui rachète l’entreprise. Grâce au succès de la Neue Klasse, la marque à l’hélice a repris du poil de la bête et peine à fournir ses clients. Les installations de Glas, bien que vétustes, lui offrent un lieu de production pour rien (qu’il faudra pourtant réaménager à grands frais) mais surtout, elle récupère un bureau d’études ingénieux et quelques modèles complétant sa gamme.

Dans un premier temps, BMW va faire perdurer les productions de Glas sans changement mais à partir de 1967, certains modèles vont être arrêtés (les Glas “04”) tandis que les autres reçoivent un badge BMW. Dans le cas du grand coupé GT, BMW décide d’en faire le successeur provisoire de la 3200 CS en lui greffant le V8 de 3 litres étudié par Glas l’année précédente, mais sans restylage notoire (contrairement à la 1600 GT qui recevra, elle, les haricots ainsi qu’un nouveau moteur BMW). C’est en septembre 1967 que la BMW-Glas 3000 V8 entre en concession. Malgré ses 160 chevaux, l’emblème BMW sur le capot et le centre des roues, la “nouveauté” ne se vend pas mieux.

Pour qui sonne le Glas

En mai 1968, BMW décide d’arrêter toute production d’origine Glas, y compris la 3000 V8. De toute façon, la nouvelle BMW 2800 CS (E9) est prête à prendre la relève. L’usine de Dingolfing produira pendant un temps des trains avant pour la maison mère, avant d’être totalement reconstruite pour accueillir la future Série 5 (E12). Au total, entre 277 et 317 exemplaires de la 2600 V8 (selon les sources) seront produits, tandis que 389 BMW-Glas 3000 V8 sortiront des chaînes : une rareté en somme.

Aujourd’hui, les deux modèles conservent un charme typique des années 60. Peu connus, si ce n’est des spécialistes, ils offrent le luxe de l’époque, le style italien et un drôle de V8. Dans le cas de la 3000 V8, elle offre en plus le loisir d’étonner ses voisins avec ces logos BMW sur une voiture inconnue. Revers de la médaille, sa rareté implique une cote assez élevée, tandis que l’entretien du moteur V8 peut rapidement coûter cher.

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