Jeep Wrangler YJ : une légende revue à la sauce eighties
Au début des années 80, Renault était devenu maître chez AMC au fur et à mesure des augmentations de capital, et se retrouvait par ricochet aux commandes de Jeep (lire aussi : Renault, AMC et Jeep). François Castaing, ingénieur de chez Renault, devenait alors directeur de l’ingénierie de l’entreprise américaine, avec la ferme intention de réveiller la belle endormie qu’est Jeep. En lançant en 1984 le Cherokee XJ, le français entamait un renouvellement de gamme bienvenu et surtout réussi. Dès 1982, le programme YJ destiné à remplacer l’antique CJ7 recevait son feu vert et en 1986 apparaissait la Jeep Wrangler.
Lorsque Renault prenait le contrôle d’AMC, le cœur de la gamme, Wagoneer et autres Cherokee (SJ), commençait sérieusement à dater (le premier SJ sortit en 1961), tout comme l’iconique CJ (la CJ7 dérivait très étroitement de la CJ5 de 1954). Pour Castaing, conscient du potentiel de la marque, il était urgent de relancer la machine avec des versions modernes, confortables et désirables conservant pourtant les qualités essentielles de Jeep. En 1984, la Cherokee XJ fut un coup de tonnerre : réalisée en un temps record grâce à l’introduction (par Castaing) de la CAO et de nouvelles procédures de conception et d’industrialisation, la XJ révolutionnait l’entreprise tout en proposant à la clientèle américaine une réponse parfaite à leurs besoins. Grâce au nouveau Cherokee, Jeep prenait la direction d’un redressement spectaculaire dont Renault ne profitera pas, préférant vendre à Chrysler que recueillir les fruits de son investissement.
En 1982, les équipes de Castaing s’attaquaient au mythe CJ, directement issu des Willys MB de la seconde guerre mondial. Certes, le modèle avait évolué, et pris de l’embonpoint mais il restait relativement figé dans sa conception et dans son design. Même si les familiales types Cherokee et Wagoneer représentaient la majorité des ventes, la CJ restait une voiture très appréciée, notamment aux USA, et conservait une clientèle fidèle. Il convenait donc de la renouveler elle-aussi avec un produit plus dans l’air du temps, et surtout capable de conquérir une nouvelle clientèle, moins baroudeuse mais sensible à l’image d’une Jeep.
Il fallait donc, sans révolutionner le genre, donner un coup de jeune à la CJ. Avec l’YJ, la révolution tenait en quelques différences : certes, le châssis séparé et les ressorts à lames à l’arrière perdurait, mais la garde au sol baissait, les suspensions devenaient moins « utilitaires et militaires » mais surtout, le look changeait sans changer. A l’intérieur, les avancées vues sur le Cherokee XJ prenaient toute leur place pour rendre la voiture enfin moderne. A l’extérieur, le parti pris radical de… phares rectangulaires fut vu comme une hérésie par les puristes, à l’instar du regard de la Porsche 996 vs 993.
La gamme AMC-Jeep à l’époque Renault !Pourtant, comme d’habitude, les puristes avaient tort : les phares rectangulaires, la carrosserie plus carrée, et l’ensemble plus viril donnaient à la YJ un physique adapté aux années 80. Il fallait alors se mesurer aux japonais experts en « réponse-client », qui savaient s’adapter. Rappelez-vous les rêves de Marty McFly dans « Retour vers le futur » : un pick-up Toyota plutôt qu’une Jeep CJ7 ! Moins de 10 années plus tard, la Jeep Wrangler de Jurassic Park marquait le retournement de tendance : Jeep était à la mode, à nouveau !
Côté moteurs, la Wrangler offrait un choix relativement restreint, mais adapté aux contraintes américaines : 4 cylindres 2.5 litres AMC 150 de 123 chevaux, 6 en ligne 4.2 litres AMC 258 de 114 chevaux (option) puis à partir de 1991 le 6 en ligne AMC 242 injection de 4 litres et 180 chevaux. Contrairement aux idées reçues, et à son frère Cherokee, le Wrangler ne recevra jamais de moteurs estampillés Renault : ni PRV, ni diesel. Le Wrangler se devait de rester un américain pur et dur !
La production du Wrangler, commencée en mars 1986 pour des livraisons en juin (AM87), s’arrêta en décembre 1995 après 685 071 exemplaires. Si l’essentiel des ventes se fera aux USA, l’YJ connut son petit succès en Europe auprès des afficionados (et distribuée en France par Renault au même titre que la Cherokee, et ce malgré la vente d’AMC-Jeep à Chrysler). Elle est aujourd’hui relativement rare, mais elle aura bercé toute une génération aujourd’hui habituée aux phares carrées, et qui lui trouve un certain charme comme cela. A mi-chemin entre 4×4 à l’ancienne et 4×4 moderne, l’YJ a quelques arguments pour lui : puissance évocatrice de l’enfance, image de l’Amérique des 80’s, moteurs un poil sous-dimensionnés là où le diesel aurait été intéressant (pour sa valeur de couple). Malgré ses inconvénients, l’YJ reste une icône, la première Jeep issue de la Willys à vocation vraiment civile…