Studebaker Typ 542 : la berline Porsche refusée par DeLorean
Aujourd’hui, Porsche est un monstre de rentabilité et produit ses 911, Cayenne, Macan ou Cayman à la pelle. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Au tout début des années 50, le premier modèle de la marque allemande, la 356 (dite pré-A), commence tout juste à se faire une réputation, notamment aux USA, mais ne suffit pas encore à faire de Porsche un constructeur installé. Dès sa création en 1931, l’entreprise de Ferdinand Porsche s’était orientée vers l’ingénierie, et ce n’est que sur le tard (en 1948) que Porsche devient un véritable constructeur. C’est donc sur ses fondamentaux que la firme de Stuttgart va s’appuyer pour faire rentrer du cash.
C’est par l’intermédiaire de Max Hoffman, importateur de Porsche aux USA (mais aussi de Mercedes avant que … Studebaker n’en reprenne la distribution, lire aussi : Quand Mercedes était distribuée par Studebaker) que Porsche va être mis en relation avec la vénérable firme Studebaker qui n’est déjà plus que l’ombre d’elle-même. Les allemands vont se mettre au travail pour proposer aux américains une berline 4 portes destinée à relancer les ventes en alliant le meilleur des deux pays.
En fait de meilleur, les contraintes sont grandes : l’outil industriel de Stubebaker, par manque d’investissement, n’est pas capable de produire de moteurs en aluminium, ni même des monocoques. Malgré cela, Porsche va présenter à Stubaker en juillet 1952 sa Typ 542. Son V6 à 120 ° (oui oui, ce n’est pas un flatsix) était conçu en deux versions distinctes : 542L (Luft, air en allemand) à refroidissement par air, et 542W (Water) à refroissement par eau. Un prototype, connu sous le nom de Z87, sera construit en Allemagne et envoyé à South Bend pour tenter de convaincre Studebacker !
Dans un premier temps, la Typ 542 sera fraîchement accueillie dans l’Indiana. Il faut dire que Studebaker a d’autres chats à fouetter. Les pertes s’accumulent, et pour tenter de survivre, la marque prépare sa fusion avec une autre marque américaine, un peu moins en difficulté, Packard. L’heure n’est pas vraiment au lancement d’un nouveau modèle mais plutôt à sauver les meubles. Une fois la fusion acquise en 1954, un jeune ingénieur va s’intéresser au prototype fournit par Porsche, un certain John Z. DeLorean.
Ce nom vous dit quelque chose ? Oui, il s’agit bien de celui qui lancera la DeLorean Motors Corporation et sa fameuse DMC 12 (lire aussi : DeLorean DMC12). En attendant, il n’est qu’un brillant ingénieur employé par Studebaker-Packard. La fusion effective, et malgré une situation financière toujours dramatique, on peut enfin s’intéresser à de nouveaux modèles, et la Typ 542 revient à la mémoire de DeLorean qui va se charger de tester la voiture. Car si les finances sont exsangues, la vente de l’usine Packard de Détroit, ainsi que l’aide financière et les accords de gestion avec Curtiss-Wright (un fabricant d’avion), donnent de l’air à Studebaker-Packard qui peut envisager un lancement potentiel de la Typ 542.
Porsche proposa aussi le dessin d’une Typ 633 à Studebaker, sans plus de succèsTout dépend donc de l’avis de DeLorean… qui ne va pas être tendre avec la proposition de Porsche. En fait, le principal défaut de la Typ 542, c’est d’avoir été conçue par des européens : sa taille compacte (tout est relatif), sa tenue de route, ses suspensions, rien ne semble trouver grâce à ses yeux et il finit par conclure que ce véhicule ne conviendrait pas au conducteur américain. En cette année 1956, la messe était dite, et Studebaker-Packard ne produira jamais cette Porsche américaine. Pourtant, Porsche proposera quelques temps plus tard le dessin d’une Typ 633, refusé lui aussi. Dix ans plus tard, et malgré le lancement de la Lark ou de l’Avanti dessinée par Raymond Loewy (lire aussi : Studebaker Avanti), Studebaker-Packard fermait définitivement ses portes !