Seat Marbella : la Panda ibérique
Au début des années 1950, alors qu’une Espagne laborieuse et rurale a furieusement besoin d’être motorisée, est créée la Sociedad Española de Automóviles de Turismo, plus largement connue sous le nom de Seat. Des accords sont conclus avec Fiat pour assembler ses modèles sous licence, rebadgés à l’effigie de la nouvelle marque espagnole. De ces accords naîtra la Seat Panda, qui deviendra par la suite la Marbella.
Enfant de divorcés.
Le choix du constructeur italien n’a rien de hasardeux puisque déjà, dans les années 1930, certains de ses modèles étaient assemblés en Espagne sous la marque Hispano-Suiza. La société s’installe dans la Zona Franca de Barcelone et démarre la production de la Seat 1400, copié-collé de la Fiat 1400, en 1953. Le véritable boom arrive en 1957 lors de l’apparition de la Seat 600. Fiat 600 rebaptisée, c’est elle qui aura le privilège d’assumer le rôle de voiture populaire nationale motorisant les masses et jouissant d’une place bien à part dans le cœur des Espagnols. Sa production s’arrête en 1973 et la 600 se voit maladroitement remplacée par la Seat 133, sorte de grosse Fiat 126 reprenant la mécanique de la 850.
En parallèle, l’Espagne se transforme radicalement, passant de la dictature à la démocratie et s’urbanisant à une allure déconcertante. De ces lendemains qui chantent émerge un furieux désir de modernité auquel se confronte un réseau routier quelque peu vétuste. En somme, le contexte est on ne peut plus favorable lorsqu’arrive la nouvelle et économique Seat Panda en 1980. Ce lancement coïncide avec la fin des accords entre Fiat et Seat, établis pour une durée de trente ans. Fiat se retire alors du capital de Seat et ce dernier se retrouve dans l’obligation de remodeler ses modèles d’origine italienne en les pourvoyant d’un minimum de 25% d’éléments spécifiques. Ainsi, la Seat Ritmo se transforme en Seat Ronda et la Seat 127 devient Seat Fura. La Seat Panda échappe quelques temps à la règle car l’usine Seat de Pampelune assure la production de la basique Fiat Panda 34 réservée à l’exportation. Malgré cela, lors du renouveau de la Fiat Panda en 1986, Seat est obligé de réagir.
Une Panda travestie !
La remplaçante de la Seat Panda apparaît fin 1986 sous le nom de Seat Marbella. Le choix de ce patronyme reste fidèle à la tradition lancée quelques temps plus tôt par la marque en baptisant ses modèles du nom d’une ville espagnole. Le nom de Marbella était précédemment employé pour désigner la finition la plus cossue de la Seat Panda. Il est donc repris pour la nouvelle venue, bien que la station balnéaire andalouse éponyme, repère d’une jet-set bling-bling, soit à l’opposé de sa philosophie.
Pour marquer une rupture esthétique avec sa devancière, la Seat Marbella reçoit un habile replâtrage : la proue est inclinée, reçoit deux optiques et un pare-choc redessinés. Les feux arrière et le dessin du hayon sont également retouchés et de larges bandes latérales en plastique recouvrent les bas de caisse et le haut des passages de roue. Toutefois, à l’intérieur de l’habitacle et sous le capot, tout ou presque est repris de sa devancière. Seule une retouche du dessin des sièges permet de faire la différence et le son émis lors du démarrage reste celui des bons vieux 843 et 903 cm3 des Seat 133 et 127. Malgré cela, la Seat Marbella reste une excellente option. Ultra-amortie, elle s’affiche à un tarif en deçà de celui d’une Fiat Panda déjà très bon marché. Seat vient également d’intégrer le groupe Volkswagen, ce qui permet de faciliter la diffusion de ses modèles dans toute l’Europe.
En Espagne, Fiat est officiellement implanté depuis peu et l’idée d’imposer la Panda face à une Marbella moins chère et issue du fabricant national est loin de faire l’unanimité. En Italie, c’est presque le comble ! La Panda obtient certes tous les suffrages, mais la Marbella parvient à y faire son trou grâce à sa mécanique d’origine Fiat et des réparations ultra-faciles du fait d’une abondance de pièces détachées et d’une main-d’œuvre plus que qualifiée.
Sous toutes les coutures.
Dès sa présentation, la Seat Marbella est proposée en trois finitions. La catégorie des petites cylindrées reste tout de même en perpétuel mouvement et il devient vite nécessaire de proposer de la nouveauté à tout va pour pouvoir perdurer. En suivant l’exemple de nombreux constructeurs, Seat décide de rendre sa Marbella plus attrayante en la déclinant sous une multitude de séries spéciales. La série Sprint, permanente au catalogue, est la première à débarquer à l’été 1988. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une Marbella de base munie d’un adhésif latéral sur la ceinture de caisse, d’une inscription Sprint sur les flancs arrière et seulement disponible en blanc, rouge ou noir.
La série spéciale la plus marquante sort en novembre 1988 sous le nom de Marbella Le Jouet. Disponible en trois coloris et en deux motorisations, elle se veut franchement joviale en s’équipant de deux toits entrebâillants et d’un autoradio de série. Elle se distingue par son liseré coloré faisant le tour de la caisse intégrant, dans les parties arrière, un adhésif représentant la silhouette de l’auto. Le nom de cette série figure un peu partout, jusque sur l’avant du capot. Une campagne publicitaire simple et efficace dans la presse papier de l’époque, la présentant comme un jouet grandeur nature pour adulte, fit même son petit effet.
Ces séries spéciales fonctionnent à merveille et permettent de donner un côté fun à une auto certes récente, mais de plus en plus archaïque techniquement. Ainsi, la Sprint devient Spécial un an après son lancement, elle-même suivie des séries Yellow (seulement quelques mois au catalogue) Black et Red qui seront même disponibles quelques temps plus tard avec une option cuir alors qu’une basique série Dim Dam Dom fait son apparition. La Seat Marbella succomba également à la mode de la sellerie en jean avec la série Fresh. Pour 1993 la Spécial et la Le Jouet deviennent une amicale série Friends, reprenant la dotation respective de chacune. La GLX, finition cossue des débuts, perdure jusqu’à l’apparition d’une série limitée Jiem pour commémorer les Jeux Méditerranéens dont l’édition 1993 se déroule en France. Pour 1994, un grand coup de ménage est effectué et seule la Spécial est maintenue avec la possibilité de l’équiper d’un toit ouvrant en toile hérité de la Jiem.
Enfin, une ultime série Marbella Del Sol apparaîtra à deux reprises avant de disparaître début 1998. La gamme ne se résume plus qu’à la Spécial qui disparaît pendant l’été. Mécaniquement, peu d’évolutions sont intervenues si ce n’est la disparition du moteur 843 cm3 en 1990 où la mise aux normes antipollution européennes en réduisant la cylindrée du 903 cm3 à 899 cm3 et en l’équipant d’une injection multipoint.
En tenue de travail.
À partir de l’été 1988, la Marbella était disponible dans une version dépourvue de banquette arrière pouvant prétendre à une exonération de la TVA. Baptisée Marbella Shop, elle fut proposée dans presque toutes les finitions de la berline de série jusqu’à la fin de la fabrication.
Du côté de chez Fiat, la présence du Fiorino justifiait l’absence d’une version fourgonnette de la Panda. Cet utilitaire basé sur la Fiat 127 n’existant pas sur le marché espagnol, Seat y lança donc en exclusivité le Seat Trans, faisant changer de genre à sa Panda en la transformant en utilitaire à l’empattement rallongé. À sa disparition, il adopta les modifications de la Seat Marbella pour se transformer en Seat Terra. Celui-ci put franchir les Pyrénées et s’établir sur de nombreux marchés européens. Arrivant en 1987, à l’heure où sonna la retraite des Citroën Acadiane et Renault 4 fourgonnettes, le Terra prit en quelque sorte le relais en se montrant plus spartiate face à la concurrence. Equipé du 903 cm3 essence, il est épaulé en 1990 par le moteur diesel de la Volkswagen Polo de 1272 cm3 avant qu’il ne soit ensuite porté à 1398 cm3. Le Seat Terra s’éclipse ensuite discrètement en 1995 à l’arrivée du Seat Inca, basé sur l’Ibiza.
C’est à bout de souffle et affichant un total de presque 600 000 exemplaires produits que la Marbella termine sa carrière. Sa mécanique, bien que fiable et robuste, était une véritable relique et son esthétique accusait bien plus le poids des ans que l’intemporelle Fiat Panda. Elle ne reste cependant pas dénuée d’intérêt car, sur de nombreux points, elle est encore plus proche de la Panda originale que sa seconde génération. Ajoutons à cela des séries limitées adaptées à tous les goûts, et cette Panda à la « salsa » ibérique devient un amusant youngtimer à l’épreuve du quotidien.