Renault Supercinq : à la poursuite du Lion
Les citadines des années 80 auront marqué les esprits, que ce soit la 205 chez Peugeot ou la Supercinq chez Renault, au point qu’elles restent encore nombreuses dans la circulation d’aujourd’hui, et pas seulement à des fins de collection. Non, elles rendent encore bien des services, preuve que ces deux petites françaises étaient bien conçues. Pour autant, la Supercinq semble moins charismatique que la 205. La faute sans doute à un design ressemblant (à tort) à un simple restylage de Renault 5, mais aussi à une carrière bien plus courte que celle de la Peugeot. On l’oublie, mais en son temps, la Supercinq faisait jeu égal avec la nouveauté de Sochaux, raflant le titre de voiture la plus vendue de France de 1986 à 1989 avant d’être remplacée par la Clio.
Revenons à notre comparaison : les chiffres bruts plaident en faveur de la 205 (avec 5 278 300 exemplaires vendus contre 3 436 450 Supercinq. Mais cette dernière n’aura été vendue que pendant 12 ans contre 17 pour la lionne. Et encore ne compte-t-on pas les 1,7 million de Renault Express là quand les chiffres de Peugeot incluent les maigres ventes de 205 utilitaires (les Multi et F). À l’époque, les deux françaises faisaient jeu égal, mais l’imaginaire collectif retiendra la 205 comme le sacré numéro de la décennie. L’explication est simple et plurielle : les victoires en Rallye puis Rallye-Raid de la 205 Turbo 16 firent beaucoup pour l’image de la Peugeot, tout comme le succès de la version 205 GTI (plus du double des ventes de la Supercinq GT Turbo) ; sa longévité commerciale ; son statut de sauveur (exagéré) du groupe PSA après le rachat de Chrysler Europe.
Le changement dans la continuité
Ceci étant posé, parlons un peu de cette Supercinq. Malgré le succès de la Renault 5 lancée en 1972, on songe à sa remplaçante dès 1978 (remarquez comme les délais se sont raccourcis depuis, tout comme les durées de vie des modèles). Pour la Régie, ce segment est stratégique tant en terme de volumes qu’en terme d’image : contrairement au groupe PSA nouvellement créé suite au rachat de Citroën par Peugeot en 1974, Renault est une société nationalisée qui tient à son image sociale et populaire. La descendante de la 5 est donc cruciale à tous points de vue.
De nombreuses propositions de style vont être faites pour ce projet 140, mais aucune ne satisfait la direction de Renault. Il faut dire que la 5 est un vrai succès et qu’il est difficile de repartir d’une feuille blanche. Petit à petit, on se fait à l’idée que le projet 140 devra posséder un lien très fort avec sa devancière. Renault va alors faire appel à un designer extérieur en vogue à l’époque, Marcello Gandini. S’il a dessiné des voitures de rêve comme la Lamborghini Countach ou l’Alfa Romeo Montreal, il s’avère très bon aussi pour les voitures plus populaires : dans les mêmes époques, on lui doit la Citroën BX ou la Fiat Uno, symboles de modernité stylistique en ce début des années 80.
La GT Turbo amène du peps dans la gammeGandini va faire du Audi avant l’heure : le dessin de la Supercinq sera une évolution moderne de celui de la 5. Le résultat est surprenant : on reconnaît tout de suite les gènes de la petite Renault tandis qu’elle semble particulièrement moderne malgré tout. Un tour de force qui peut être un défaut : on a longtemps considéré la Supercinq comme un simple restylage de la 5 alors qu’elle était entièrement nouvelle. Ainsi, la plate-forme utilisée change, passant de celle de la Renault 4 (pour la R5) à celle raccourcie des Renault 9 et 11, tandis que les moteurs sont montés transversalement. En revanche (mais sans doute pour des questions de coûts), ses suspensions sont moins sophistiquées (pseudo McPherson au lieu des doubles triangles et barre de torsion).
L’avenir de la régie se joue en 1984
Renault joue gros en cette année 1984 avec pas moins de 3 lancements cruciaux : la Renault 25 en haut de gamme, l’Espace (un coup de poker) et la Supercinq. Autant dire que cette dernière a une lourde responsabilité en cas d’échec des deux autres. Surtout face à une 205 qui cartonne sur tous les marchés et dont la gamme se développe. Présentée en septembre à la presse, conduite par François Mitterrand puis exposée au Salon de Paris, elle est commercialisée dans la foulée, uniquement en version 3 portes et dotée du fameux Cléon-fonte né Sierra en plusieurs niveaux de puissance (1.1 de 47 chevaux, 1.4 de 60 et 72 chevaux).
La Supercinq propose un empattement rallongé pour sa 5 portes, qui sera adoptée par la Police NationaleDébut 85, la gamme s’élargit vers le bas avec un 1 litre de 42 chevaux, un 1.4 “Automatic” de 68 chevaux, mais surtout avec la petite sportive capable de rivaliser avec la 205 GTI, la fameuse GT Turbo de 115 chevaux, réponse du berger à la bergère. Enfin en mai, la version 5 portes fait son apparition et en novembre, c’est au tour du diesel (1.6 de 55 chevaux) : la famille Supercinq est enfin au complet. Le million d’exemplaires est atteint dès 1986, année où la petite Renault rafle le titre envié de n°1 du marché français. Pari réussi pour Renault malgré les difficultés financières dues au marché américain et à l’assassinat de Georges Besse en novembre !
La série spéciale Blue Jeans, une parmi tant !Des séries spéciales jusqu’en 1996
La Supercinq ne quittera plus la première place jusqu’en 1989, avant de céder sa place en 1990 à la Clio. Entre-temps, elle aura connu d’innombrables séries spéciales : NRJ (du nom de la radio éponyme, très en vogue à l’époque auprès de la jeunesse), Tonic, Tiga (la planche à voile était “le” sport du moment et Tiga une marque renommée), Campus, Carte Jeune (une innovation de l’époque), Saga, et finalement Bye Bye en 1996. Car la petite Renault restera au catalogue longtemps après l’apparition de la Clio et même de la Twingo, devenant l’offre low cost dédiée aux jeunes.
La GTX (en haut) et la Baccara (en bas) : le haut de gamme selon Supercinq. Première de cordée, la Supercinq BaccaraAu chapitre des versions collectionnables, il y a bien entendu l’explosive GT Turbo dont la cote s’envole au rythme de celle de la 205 GTI, et notamment la rare version Alain Oreille, mais aussi les innovantes Supercinq Baccara (voire GTX) qui amenaient le luxe au niveau de la citadine. Pour ceux qui préfèrent rouler décapoté, deux propositions s’offrent à eux : la version belge d’EBS sans arceau (qui aurait dû être intégrée officiellement au catalogue) et la version française de Car System (puis Gruau) appelée Belle-Ile. Les autres versions sont intéressantes mais relèvent plus de la nostalgie que d’une réelle valeur en collection. Faites votre choix !