Quand Venturi s'enfonce en F1 et tente de se relancer (L'aventure Venturi 4ème partie)
Malgré les nuages qui s’amoncellent, avec une Guerre du Golfe qui laisse présager une crise économique difficile pour un constructeur automobile, l’heure est à l’optimisme. Pourtant, les ventes s’étiolent. En 1990, Venturi a produit 110 voitures, pour un chiffre d’affaire de 40 millions de francs et un déficit de 10 millions de francs. L’objectif fixé pour 1992 : vendre 150 voitures, et 300 en 1993. Pour y arriver, l’idée majeure retenue par l’état major de la marque de Couëron c’est de se faire un nom en Formule 1, rien que cela.
Cela tombe bien, l’écurie de l’ex directeur sportif de Renault, Gérard Larrousse, est en redressement judiciaire. L’investissement de Venturi sera providentiel, sauvant, l’écurie de la faillite (du moins provisoirement). La nouvelle structure prend le nom de Venturi-Larrousse, détenue à 65 % par la petite marque française. Les F1 portent désormais le sigle au Gerfaut, mais les châssis sont toujours réalisés en Angleterre, et les moteurs sont toujours des V12 Lamborghini. Venturi n’apporte rien d’autres que de l’argent, ce qui n’est pas forcément très bénéfique pour promouvoir ses propres voitures. En outre, la saison s’avère catastrophique puisque l’écurie ne marquera qu’un seul point au Grand Prix de Monaco. Pendant ce temps là, les ventes ne décollent pas, avec un chiffre d’affaire de 45 millions de francs mais un déficit de 30 millions !!!
A Couëron, tous ne sont pas d’accord avec la politique de la maison, particulièrement Claude Poiraud qui travaille à une version bodybuildée de la 260, avec une idée géniale apportée par Stéphane Ratel : développer une voiture de course, la vendre à de fortunés gentlemen drivers, et organiser un championnat avec le soutien de l’usine et l’entretien idoine. C’est ainsi que naîtra la 400 Trophy, avec son V6 PRV de 3 litres porté à 408 ch. Le succès de la formule permet à Venturi de maintenir la tête hors de l’eau. Entre temps, les héritiers Schlumberger ont décidé de remettre de l’ordre dans la maison Venturi, et dépêche Yan Dalziel à Couëron pour reprendre tout ce petit monde en main. Avec lui, l’objectif est clair : se débarrasser de cette coûteuse danseuse.
Pour l’exercice 92-93, c’est le grand nettoyage : licenciement (les effectifs passent de 98 à 55 personnes), déstockage massif, tout ça pour arriver à rendre la mariée plus belle. Début 1994, la société est vendue à la Compagnie Maritime de Participations, détenue à 51 % par le vannetais Hubert O’Neil (ancien cadre de chez Bénéteau) et à 49 % par l’industriel brestois Louis Bopp, et un investissement de 5 millions de francs. Avec Hubert O’Neil, les pendules sont remises à l’heure. Gestion serrée, participations aux courses d’endurances sur la lancée du Gentleman Drivers Trophy (notamment au Mans), lancement de la version routière de la 400 Trophy, la 400 GT, voiture française de série la plus puissante jamais produite, et dotée de freins en carbone, et mise en chantier de la relève des vieillissantes Cup 221 et 521. Les derniers exemplaires de la 260 sont vendus comme une série limitée entre 1993 et 1994 à 33 exemplaires, la 260 LM, dotée de jantes OZ blanches et aux couleurs chatoyantes, tandis que le Transcup ne reste plus disponible qu’en version 210 ch. Lorsque la dernière 210 Transcup sortira des chaînes en 1995, les 221/521 auront été fabriquées en tout et pour tout à 478 exemplaires.
A la fin de l’exercice 93-94, c’est le miracle. Certes le chiffres d’affaire est tombé à 24 millions de francs, la production se monte à 35 voitures seulement, mais pour la première fois Venturi réalise un bénéfice d’exploitation de 1 millions de francs. Dans la foulée, la Venturi Atlantique 300 est présentée au public en 1994, mais ne sera pas commercialisée avant mai 1995. Pas de doute, la voiture est sublime, une évolution en douceur de sa devancière la 260, gagnant en rondeur, et en performance puisqu’elle reçoit un V6 PRV turbocompressé de 3 litres développant cette fois-ci 281 ch. L’avenir semble radieux pour la marque. Enfin presque !
Alors que Venturi tablait sur 45 millions de chiffre d’affaire, la petite société est lâchée par son banquier qui ne veut pas financer les 5,2 millions de dette fournisseurs par une ligne de crédit. Il est vrai que le développement de la 300 Atlantique a coûté plus cher que prévu, et que les effectifs restent encore trop importants. C’est la tuile alors que la marque commence à se faire un nom et une réputation sportive en endurance, que ses modèles se renouvellent (400 GT, à 818 000 F et 300 Atlantique à 520 000 F), que la santé financière n’est pas si catastrophique et que les clients reviennent peu à peu. Mais Hubert O’Neil n’a pas les rein assez solides, et les banquiers restent frileux désormais qu’il n’y a plus un richissime héritier comme Primat pour éponger les dettes. Et puis Renault ne vient-elle pas d’arrêter les frais avec Alpine ? (lire aussi: Alpine A610). Venturi doit à nouveau déposer le bilan fin 1995. Après avoir tenté un rapprochement avec des grands constructeurs, notamment français (sans succès), Hubert O’Neil n’a pas pu trouver de solutions, et la marque est placée en liquidation judiciaire début 1996.
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Enfin n’oubliez pas l’excellent site des amateurs de Venturi http://www.communaute-venturi.fr/