Venturi 400 Trophy/GT : va y avoir du sport !!!
Philippe est un vrai amateur de voitures en général, au point d’abandonner la finance Suisse pour les autos de collection. Il est surtout un authentique amateur de GT françaises, et de Venturi en particulier, au point d’avoir un temps abrité dans son garage 3 spécimens de la marque simultanément ! Et s’il en est une qui a ses faveurs, c’est bien sa Venturi 400 Trophy, l’une des dix reconditionnées par la marque pour un usage routier. C’est donc sa bête devenue belle qui illustre aujourd’hui ce papier, celle que certains surnommèrent la « F40 française » (y’a pire comme comparaison).
Il faut dire que la 400 Trophy et sa sœur routière la 400 GT (à ne pas confondre avec une Trophy reconditionnée) furent les voitures françaises de série les plus puissantes jamais produites. Sur la base d’un V6 PRV de 3 litres, le spécialiste moteur EIA, qui travaillait déjà sur les moteurs Venturi (et aussi sur ceux de Saab, lire aussi: Saab 900i 16 – 158 HP), réussira à tirer 408 chevaux grâce à l’adjonction de deux Turbos ! Elles étrennaient aussi (une première mondiale) des freins en carbone réalisés par Carbone Industrie. Autant dire qu’il s’agit d’une voiture marquante, qui encore aujourd’hui n’accuse pas ses 23 ans !
C’est en 1992 qu’est née la Trophy. Alors que la marque s’engage de façon inconsidérée en Formule 1 en rachetant l’écurie Larrousse (lire aussi : Venturi en Formule 1), Stéphane Ratel propose aux dirigeants de la marque de développer une version de compétition de la 260, et d’organiser un challenge monotype afin de promouvoir la marque auprès des Gentleman drivers de tous poils ! Banco ! Ce choix s’avérera bien plus payant que la Formule 1, et assurera une bonne partie du chiffre d’affaire (et des pertes aussi!). Surtout, cette stratégie s’avérera bénéfique en terme d’image, et conduira la marque à s’engager aux 24 heures du Mans (lire aussi : Venturi 600 SLM).
C’est donc la Venturi 260 qui sert de base à cette formidable machine. Châssis et trains roulants sont revus sous la houlette de Claude Poiraud (qui quittera l’entreprise peu de temps après, en total désaccord avec l’engagement en Formule 1) et Jean-Philippe Vittecocq. Se pencheront sur la voiture les entreprises Automotive, Méca Système, Synergie Automobile et Godfroy Design. Gérard Godfroy se charge de remodeler la carrosserie. Ratel veut quelque chose d’impressionnant. Ce sera chose faite : ailes élargies et body buildées, rétroviseurs de CX et aileron impressionnant transfigurent la gracile GT en monstre de l’asphalte.
L’idée de Stéphane Ratel va réussir au delà de toute espérance : 73 Venturi Trophy seront produites, au point de devoir créer plusieurs groupes dans le Gentleman Trophy ! Vendues 705 000 francs, il faut rajouter 100 000 francs pour participer au Trophée. L’usine s’occupe de tout, de l’entretien au transport : le succès sera au rendez-vous, mais les tarifs bien bas au regard des prestations. Venturi perdra de l’argent dans cette affaire, mais bien moins qu’en Formule 1, et la Trophy sera un formidable vecteur d’image.
Seule dix exemplaires seront reconditionnées pour la route par l’usine, comme celle illustrant cet article, à la demande des clients et contre un gros supplément ! Mais cela donne des idées au nouveau propriétaire de la marque au Gerfaut, Hubert O’Neil : proposer une version civile de la 400 Trohpy, ou comment élargir la gamme à moindre frais. En 1994 apparaît donc la 400 GT, vendue 818 000 francs. Malheureusement, les ennuis financiers de la marque ne permettront pas à la 400 GT de se vendre plus qu’à 15 exemplaires.
La 400 Trophy qui illustre cette page est donc une version route, et non une 400 GT. Pour l’homologuer sur route, elle a perdu ses phares sous plexi pour des phares escamotables, reçu un nouveau capot arrière ainsi qu’un nouvel échappement catalysé répondant aux normes, des ceintures à enrouleur, les vitres électriques et la fermeture centralisée. Si les 400 GT recevaient un intérieur « à la carte », les Trophy reconditionnées n’avaient toujours pas d’éléments de confort : pas de clim, et des sièges baquets, un point c’est tout !
Aujourd’hui, seules 25 exemplaires (10 Trophy et 15 GT) peuvent prétendre rouler sur route ouverte, à moins d’immatriculer une Trophy sommairement modifiée chez nos amis britanniques plus enclins à laisser rouler toutes sortes d’ovnis automobiles. De toute façon, comptez entre 50 000 et 100 000 euros pour rouler avec une telle bête, et gardez en tête qu’il s’agit de véhicules faits pour la course qui nécessiteront un entretien rigoureux et onéreux ! Mais quel plaisir de se savoir privilégié, et de rouler dans une auto extra-ordinaire, dernière représentante d’une époque révolue où des marques françaises osaient sortir de tels monstres !
Photos: collection privée de Philippe Kessler