GM Ranger : une marque Suisso-belge pour concurrencer Opel !
Ce qu’il y a de bien avec General Motors, c’est qu’il y a comme une sorte de constance dans les choix et les erreurs, ce qui permet d’avoir, au gré des époques, des petites histoires rigolotes de marques éphémères. Dans les années 90, il y eut en Amérique du Nord des « nouvelles marques » comme Geo, Asüna (lire aussi : Asüna) ou Saturn, mais dès les années 60, GM s’était mise en tête de créer des marques automobile dès qu’un marché ou qu’un positionnement lui en offrait la possibilité (Acadian ou Beaumont au Canada par exemple, lire aussi: Acadian et Beaumont). C’est ainsi qu’est née la marque Ranger, en deux temps : d’abord en Afrique du Sud, puis en Europe.
Si la GM est l’exemple type de l’entreprise mondiale dès cette époque, elle mène pourtant une politique de marques locales, avec Holden en Australie, Vauxhall en Grande Bretagne ou Opel en Allemagne. Peu importe si ces marques partageaient soit leurs modèles, soit nombre de leurs composants, elles permettaient (croyait-on) de flatter l’honneur national ! C’est avec cette idée d’ailleurs qu’est née Ranger en Afrique du Sud en 1968. A l’instar d’Holden en Australie, GM voulait créer une « vraie » marque, histoire de titiller le chauvinisme des afrikaaners !
Fabriquée à Port Elizabeth, la gamme Ranger est basée sur… l’Opel Rekord C, mais avec une calandre de Vauxhall Victor, et disponible en 2, 3, ou 4 portes, et break ! Bien que présentée dans les publicités comme « la voiture sud-africaine », le succès ne sera pas au rendez-vous, et la marque sera abandonnée en 1973, et l’Opel Rekord D badgée Chevrolet, à l’image de marque bien meilleure.
La création de la marque Ranger en Europe relève quant à elle d’une toute autre logique. Allez savoir pourquoi, en Belgique et en Suisse, des réseaux distincts vendaient, en totale concurrence, pour les uns de Opel, et pour les autres des Vauxhall (dont la gamme n’était pas encore totalement identique à celle de sa cousine allemande). GM maintenait cette politique avec l’idée que les deux marques se complétaient plus qu’elle ne se concurrençaient. Soit. Mais la qualité médiocre des Vauxhall à l’époque (ah, l’automobile anglaise des années 70!) poussa GM Suisse à créer leur propre marque destinée à aider les concessionnaires Vauxhall à lutter contre Opel !
Pour cela, une usine va se mettre en février 1970 à produire, à Biel en Suisse, des Opel Rekord C sous le nom de Ranger A. Car GM Suisse ne va pas aller chercher très loin pour créer sa nouvelle marque, lorgnant sur l’expérience sud-africaine. Seuls 15 % des pièces provenaient de Suisse, le reste étant importé d’Allemagne (Opel), Angleterre (Vauxhall) et Afrique du Sud (Ranger). Comme en Afrique, les Rekord étaient camouflées sous une simple calandre différente, issue de la gamme Vauxhall. En Septembre 1970, General Motors Continental va piquer la bonne idée aux Suisse en lançant eux-aussi la marque en Belgique, avec des véhicules produits quant à eux à Anvers. Vous voyez un peu le mic-mac ?
Au salon de Genève 1971, GM Continental et GM Suisse font stand commun et présentent la Ranger B, une Opel Rekord D grimée ! En Europe, la gamme s’offre en 2 portes « Saloon », 2 portes Coupé, ou berline 4 portes, sans possibilité de break 5 portes comme en Afrique. Les moteurs venaient bien entendu tous de chez Opel, allant du 1.7 litres 4 cylindres (uniquement en Belgique) au 2500 à 6 cylindres, voire 2800 pour la Ranger B, en passant par un 1.9 litres 4 cylindres (le cœur de la gamme).
Les Suisses mirent 5 ans pour s’apercevoir du peu de rentabilité de leur usine, étant données les faibles ventes. Les Belges prirent 3 ans de plus. La marque Ranger disparaissait donc en Suisse dès 1975, poussant jusqu’en 1978 chez les Belges. Le lancement de l’Opel Rekord E en 1977 scellait définitivement l’histoire de cette marque Belgo-Suisse. Désormais, sur le vieux Continent, il ne faudrait plus compter que sur Opel. Si Vauxhall gardait son badge en Angleterre, il ne fallait plus compter sur des modèles spécifiques : tout serait conçu à Rüsselsheim ! Quant à la marque Ranger, elle sera rangée aux oubliettes, sans véritablement de regrets.
Etrangement, ces 3 échecs, en Afrique du Sud, en Suisse et en Belgique, n’empêchèrent pas GM de continuer à multiplier les marques, par rachat ou création, dans une folle segmentation marketing qui finira par faire perdre la tête à ses clients ou distributeurs. Les petites marques créées dans les années 80 et 90 pour contrer les japonais finiront toutes par disparaître : Passport, Asüna, Geo, ou Saturn. Certains autres, historiques, finiront aussi à la trappe comme Oldsmobile ou Pontiac… Quant à Saab ou Hummer, on connaît l’histoire ! Même Opel sera à deux doigts d’être vendue, ne devant sa survie qu’au sauvetage in extremis du groupe, et au succès de l’Insignia !
Reste que toutes ces marques créées par GM parfois en dépit du bon sens sont autant d’histoires croustillantes à raconter pour Boîtier Rouge, alors rien que pour cela, merci GM. Sachez qu’on peut trouver (si l’on est vraiment motivé) des Ranger en vente dans les petites annonces (notamment en Belgique et en Hollande où la marque fut aussi distribuée), mais elles se font de plus en plus rares !