Citroën Visa II GTI : sportive low-cost, pépite oubliée
La Visa est en soi un monument qu’il convient de préserver ! Malgré son statut de « bâtarde » (mi-Peugeot, mi-Citroën), elle offrait à l’époque un physique particulier (c’est le moins que le puisse dire) tout à fait à même de succéder à l’Ami8… Malgré sa plate-forme de Peugeot 104 (dans sa version 5 portes lire aussi : Peugeot 104), elle offrait le choix à son lancement, en 1978, entre un bicylindre très chevronné, ou un 4 cylindres « X » très sochalien. Mais avec le temps, la Visa allait rentrer dans le rang, perdant son « groin » en mars 1981, puis s’offrant – comme les autres – des versions sportives : la Visa Chrono tout d’abord, en série limitée, la 1000 pistes, la GT en enfin la fameuse Visa GTI qui nous intéresse, alternative à la 205 du même nom !
Lors de sa (brève) première partie de carrière, la Visa était affublée d’un drôle de look. Il fallait être sacrément habitué aux Ami 6 ou 8 pour se satisfaire d’une telle calandre qui, aujourd’hui, fait le bonheur des nostalgiques. Les décideurs de chez Citroën, Xavier Karcher en tête, en était parfaitement conscient au point de se remettre à l’ouvrage deux millésimes plus tard afin de rendre une copie plus acceptable : tout le monde n’est pas militant, et sur ce créneau, il faut faire du volume. On opta donc pour une face avant (entre autres) plus consensuelle, et pour tout dire assez réussie. Est-ce parce qu’encore aujourd’hui tournicotent des C15 sur toutes nos routes de campagne, ou parce que ce restylage n’était pas si mauvais, mais aujourd’hui, la Visa II semble tout à fait normale dans la circulation malgré l’évolution du design ?
En tout cas, la Visa était un peu la voiture par défaut. Elle était-là, elle se vendait tant bien que mal, et en attendant mieux, il fallait s’en satisfaire. Elle luttait en interne avec sa petite sœur Axel qui venait lui bouffer les mollets . En externe, la toute nouvelle Peugeot 205 était une concurrence presque déloyale tant la petite lionne était réussie. Pour se différencier, la petite Visa s’imagina décalée, avec une version « décapotable » improbable (lire aussi : Citroën Visa 11 RE Décapotable) et une version sportive dédiée aux familles car exclusivement 5 portes : la GTI.
En effet, la mode était bel et bien à la petite survitaminée. La Volkswagen Golf avait ouvert le chemin, la 104 ZS avait tenté de suivre le chemin, et la 205 GTI avait enfoncé le clou. Pour Citroën, hors de question de ne pas jouer dans la même cours, mais avec d’autres arguments. Afin de ne pas concurrencer sa cousine sochalienne, la Visa devenue GTI allait proposer autre chose : une sorte de sportive low-cost à destination des pères de famille désireux d’un peu d’espace et de sportivité.
Sortie en mars 1984, la 205 GTI était une petite bombe, la sportive dont tout constructeur rêve (il s’en vendra plus de 300 000 exemplaires). Pour Citroën, il s’agira plus de répondre à sa cousine et d’exister sur le marché que de révolutionner le genre. D’ailleurs, en manque de moyen (toutes les forces vives de PSA étaient alors concentrées sur les deux lancements majeurs qu’étaient la BX et la 205), Citroën préférera jouer sur le décalage et sur le bricolage. Un bricolage pas si nul que cela puisque la Visa GTI, sans être aussi moderne et performante que la 205 dotée du même moteur, réussissait à ne pas être totalement dépassée, offrant même au conducteur une plus grande facilité de conduite ainsi qu’un meilleur confort : idéal pour arsouiller en famille.
On l’a vu, la Visa GTI s’offrait dès le départ le même moteur que la 205 GTI, le fameux 1.6 litres de 105 chevaux. Elle suivra même la première évolution de sa cousine, avec un passage à 115 chevaux au même relais. Mais elle restera bloquée là dans son évolution moteur : jamais la Visa n’aura droit au 1.9 ! En bon bricoleurs contraints par les coûts (mais aussi sans doute pour ne pas trop concurrencer la sainte 205), les ingénieurs de chez Citroën vont greffer le train avant de la 205 GTI, mais conserver à l’arrière celui de la 104 ZS ! La 205 GTI n’existant qu’en 3 portes, tandis que la Visa n’avait pas de déclinaison 3 portes, le positionnement des deux modèles n’était pas difficile à trouver ! C’est sans doute en raison de cette vocation plus familiale que la Visa fut « réglée » confort. Une tradition très citroëniste de toute façon.
En revanche, du côté du look, Citroën n’y était pas allé de main morte pour transfigurer sa modeste Visa en GTI endiablée : grâce à d’astucieux « trucs » de designer, la face avant était remaniée à peu de frais. Deux double-phares suffisaient à transformer la paisible berline en dévergondée. Rajoutez à cela un « kit sport » (élargisseurs d’ailes, jupes latérales, spoiler, becquet) et des autocollants en veux-tu en voilà (particulièrement sur la version 115 chevaux où la puissance était ostensiblement décalcomaniée sur la carrosserie). Pas très discret pour un père de famille. Comme à son habitude, Citroën laissa le champs libre à Jacques Séguéla pour faire une pub démesurée pour une voiture somme toute en retrait par rapport à la concurrence. Il me confiait récemment que c’était la recette d’alors : marteler à la publicité pour compenser le manque de sex-appeal des modèles. « J’aime, j’aime, j’aime » !
Bon, soyons honnête, même en l’absence de chiffres de production, la Visa GTI n’aura pas le même succès que la 205 GTI, et si l’on croise encore pas mal de Visa « de base », les GTI répondent aux abonnés absents. Mais malgré leur rareté, les Visa II GTI restent encore dans les bas-fonds de la collection, avec des tarifs très doux par rapport à la 205 dont les cours se sont envolés, tout en conservant des caractéristiques et des performances assez proches (enfin, si l’on n’a pas peur des quolibets). Malgré son look de mauvais tuning des 80’s, elle reste un parfait « sleeper » tout à fait dans l’esprit BR, celle que l’on attend pas vraiment, et qui nous plombe au premier virage grâce à son 1.6 rageur et à sa boîte parfaitement étagée. La vraie pépite aujourd’hui : c’est elle !