Citroën Visa II 1000 Pistes : une Groupe B de la première heure
Visa Chrono, Trophée, 1000 Pistes, GT puis GTI, que d’efforts déployés par Citroën pour relancer celle qui remplaçait l’Ami 8. Fruit de la collaboration Peugeot/Citroën ayant relégué le projet Y (Oltcit / Citroën Axel) en low-cost roumaine d’entrée de gamme, la Visa se basait sur la plateforme de la Peugeot 104 version berline (alors que la LN dérivait de la 104 3 portes). On pourrait croire qu’il s’agissait d’un crime de lèse-majesté mais en réalité, la mévente de la Visa entre 1978 et 1981 n’avait qu’une seule raison : son physique ingrat. Habilement restylée en même temps que Mitterrand arrivait à l’Elysée, il fallait donc relancer la compacte au chevron. Quel meilleur moyen que le sport pour y arriver ? Parmi la pléthore de modèles (la plupart en série limitée) on trouve une pépite, la Citroën Visa 1000 Pistes, collector dès son lancement.
1978 : la Visa est présentée au public. Si elle possède bien en entrée de gamme un bicylindre issu de la 2CV, elle propose aussi (et surtout ?) un 4 cylindres d’origine Peugeot, le moteur X. Sa base de 104 enfonce le clou d’une Peugeot déguisée. Pourtant, le problème avec ce modèle ne vient pas de là. Certes, la Visa perdait, par rapport à l’Ami8 à laquelle elle succédait, les qualités de la 2CV, mais il s’agissait enfin d’une voiture moderne, s’intercalant entre le duo 2CV-Dyane, la LN et la plus grande GS. Grâce à Peugeot, quoi qu’on en dise, Citroën disposait enfin d’une gamme complète. Mieux, Peugeot avait aussi laissé le champs libre aux élucubrations citroënesques, pour preuve ce dessin disgracieux doté d’un groin qui lui donnera son surnom. Le “satellite” de commande était lui aussi dans la tradition Citroën. Dire que Peugeot a tué l’âme de Citroën n’est pas tout à fait vrai, du moins à l’époque.
La Visa Trophée à transmission intégraleUne Visa II à promouvoir par le sport
Las, il faut bien l’admettre à l’orée des années 80 : alors que la LN puis la LNA s’en sortent plutôt bien sur le marché, la Visa est en dessous des espérances. Sans doute a-t-on justement, chez Peugeot, laissé trop de liberté. Xavier Karcher, devenu président de Citroën en 1979, l’a bien compris. C’est un homme du sérail Peugeot, mais c’est un ingénieur, passionné par la marque qu’il dirigera jusqu’à sa retraite en 1997. Les finances ne sont pas au mieux, et il dispose de très peu de moyens pour inverser la tendance. Il va alors faire confiance à Heuliez pour “restyler” la Visa à moindre frais. Le résultat dépasse toutes les espérances : avec quelques habiles modifications, la Visa II change de visage, et il faut le faire savoir.
La Visa GT Tonic, série limitée à 2 000 exemplaires, qui sert de base à la 1 000 pistesPremière pierre de la stratégie : le Trophée Visa, ouvert aux pilotes amateurs, au volant de la Visa Trophée (évidemment, construite chez Heuliez). Une voiture dédiée à la course avec un X (4 cylindres donc) porté à 100 chevaux à double carburateurs Weber (200 exemplaires). Dans le même temps, on pense à profiter avant tout le monde du nouveau Groupe B (et notamment avant Peugeot dont la 205 est encore en gestation). Pour cela, on fera plancher plusieurs équipes (dont Lotus, qui développera un étrange modèle à moteur central dérivé de l’Esprit, mais avec une carrosserie de Visa, à lire ici : Citroën Visa Lotus) pour déterminer quel serait la meilleure solution technique pour promouvoir la Visa en rallye.
La Visa 1000 Pistes ne fait pas dans la discrétionUne Visa à transmission intégrale
Citroën n’hésite pas à engager plusieurs modèles de Visa “Rallye” destinés au Groupe B afin de choisir la meilleure solution. Finalement, c’est la version de Denis Matthiot qui sera choisie… L’idée est simple : se concentrer sur la légèreté et les 4 roues motrices sans aller chercher midi à quatorze heures. D’autant que l’Audi Quattro a déjà révolutionné le rallye en imposant la transmission intégrale. En gagnant sa catégorie (expérimentale) au rallye des 1000 lacs, la Visa obtient son sésame : une série “200” pour l’homologation sous le nom plus commun de “1000 pistes”.
A partir de 1984, Heuliez va donc se charger de la production de ces 200 exemplaires destinés au marché civil, mais aussi des 20 exemplaires destinés à la compétition (appelés “série 20” ou “Evolution”). Basée sur une GT Tonic (dont elle garde les bas de caisse), elle n’est disponible qu’en blanc, et récupère les jantes de la 104 ZS2 (peintes en blanc). Sur la grille de calandre (elle aussi blanche), un logo 4X4 rouge (dont le X se forme de chevrons inversés). Sous le capot, on retrouve le 1.4 des ZS et ZS2 porté à 112 chevaux grâce, entre autres, à ses deux carbus Weber. La version “Evolution”, elle, récupère le même moteur mais avec 145 canassons.
Remplacée en rallye par la 205
Légère, habile, à transmission intégrale, la Visa II 1000 pistes n’a rien à voir avec la Visa II GTi qui, avec l’arrivée de l’injection et ses ambitions plus commerciales, n’est pas du tout la même bête à dompter. Avec la 1000 pistes, il s’agit de piloter, pas de voyager. Cependant, malgré toute la (bonne) volonté de Citroën et de Karcher, la priorité ne va absolument pas à la Visa, en milieu (voire fin) de carrière : place à la 205 Turbo 16 qui s’offrira succès sur succès en Groupe B, puis sur les routes de France avec la GTI. De toute façon, déjà, l’AX est sur la rampe de lancement et les jours de la Visa sont comptés.
En attendant, la Visa II 1000 Pistes peut se targuer d’être la première voiture française de (petite) série à s’offrir cette transmission intégrale devenue à la mode dans les années 80. C’est aussi la preuve que Citroën n’était pas aux ordres de Peugeot et disposait d’une marge de manoeuvre appréciable (même si la 205 emmena tout sur son passage). Cette 1000 pistes préfigure aussi la BX 4TC et les ZX Rallye-Raid qui elles aussi prouvèrent que ni Calvet ni Karcher ne privilégiaient une marque à l’autre.
Le problème aujourd’hui ? En trouver une, d’une part, en bon état, d’autre part. Comme toutes les séries 200 (Peugeot 205 Turbo 16, Ford RS200, MG Metro 6R4, Citroën BX 4TC et tant d’autres), elles s’arrachent à des prix fous, bien que la Visa soit dans le bas du panier. N’empêche qu’obtenir autant de sensation avec à peine 112 chevaux, c’était une gageure. Alors vaut-il mieux crever son PEL pour une 200 plus huppée, ou jouer l’original et s’offrir une 1000 Pistes ? A vous de voir !