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Citroën LNA : comment rouler en RS sans se ruiner

Par Nicolas Fourny - 16/06/2020

Nous sommes en octobre 1972. Au Salon de Paris, Porsche présente une future icône : la 911 Carrera RS 2.7 est née. Ah, la RS ! Sa queue de canard, ses 210 chevaux — puissance sensationnelle pour l’époque, surtout compte tenu du poids de l’engin —, son palmarès et sa rareté l’ont rapidement transformée en mythe. Et comme bien des mythes, elle est devenue inaccessible à la plupart de ceux qui la contemplent comme Kristin Scott Thomas regardait Hugh Grant dans Quatre mariages et un enterrement. La RS, c’est une photographie, un vieux rêve qui refuse de mourir en dépit de certaines réalités décourageantes — parmi lesquelles le fait qu’elle vaille désormais un demi-million, au bas mot. Voilà de bien sombres perspectives, nous direz-vous. Peut-être même un peu déprimantes. Heureusement, grâce au génie français, qui ne dort jamais que d’un œil, il existe une solution pour vous rendre le sourire. Vous n’imaginez pas tout ce que Citroën peut faire pour vous…

La voiture des hellénistes

Dans un monde où les certitudes se font rares, il est réconfortant de pouvoir s’appuyer sur quelques postulats. Comme, par exemple, le fait que les Citroën LN et LNA ne risquent pas d’exciter les spéculateurs de sitôt. Elles n’excitent pas beaucoup non plus les collectionneurs, ne manqueront pas de faire remarquer certains esprits chagrins. Cependant, méfions-nous : dans notre petit monde, ainsi que le faisait volontiers remarquer Edgar Faure, ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c’est le vent. Et nous ne serions guère surpris, un jour prochain, de voir cette étrange automobile séduire les amateurs de propositions décalées et ignorées par le tout-venant.

Rappelons en effet que la LN est née dans la douleur — et ça se voit. Lorsqu’en 1974 Peugeot a pris le contrôle de la firme aux chevrons, le plan produit de l’entrée de gamme était à reconstruire. Les 2 CV et Dyane continuaient de se vendre honorablement mais s’adressaient à une clientèle essentiellement rurale ; comme la plupart des personnes âgées, l’Ami 8 voyait s’approcher le soir de sa vie dans l’indifférence et la solitude ; et le projet TA, qui devait aboutir à la création d’une citadine à cinq portes (la future Visa), nécessitait d’importantes transformations pour en assurer la viabilité industrielle. En attendant, il y avait urgence : les concessionnaires de la marque réclamaient à cor et à cri une réponse crédible aux Renault 5Peugeot 104 et Fiat 127, qui avaient jeté les bases de la petite voiture — moderne, pimpante, compacte, pratique et adaptée aux grands centres urbains.

La LNA, évolution de la Citroën LN

C’est ainsi que la première Citroën de l’ère PSA a été élaborée : sous la contrainte, sans désir et dans le désarroi provoqué par le premier choc pétrolier. Disposant d’un budget à peu près inexistant et astreints à respecter un délai de conception extrêmement court, les responsables du projet se sont livrés à un bricolage plus ou moins ingénieux en partant de composants préexistants. De la sorte, le coupé Peugeot 104 a été prié de léguer sa carrosserie, laquelle s’est vu greffer une proue inédite, nantie des projecteurs de la Dyane, tandis que le groupe mototracteur d’origine cédait la place à un ensemble typiquement Citroën, sous la forme du bicylindre maison, associé à une boîte d’origine GS !

Lors de sa présentation officielle, au cœur du torride été de 1976, on ne peut pas dire que le véhicule ainsi obtenu, baptisé LN — duo de lettres également utilisé par le break Renault 12 durant un bref intermède ! — ait suscité un enthousiasme délirant. Les citroënistes patentés tordirent évidemment le nez devant la dilution identitaire qu’impliquait l’opération, tandis que les propriétaires de 104 ZS, aux performances sans rapport avec celles qu’autorisaient les 32 chevaux de la Citroën, n’apprécièrent que modérément de voir leur auto ainsi dévaluée. Il faut dire que l’équipement de la nouvelle venue se signalait surtout par son indigence, sa seule coquetterie esthétique concernant une sellerie dont le motif pied-de-poule ne parvenait toutefois pas à égayer un habitacle aussi joyeux qu’un poème de Paul Celan. Le public visé, quant à lui, ne se détourna que très partiellement de la Renault 5, référence absolue à l’époque : plus courte d’une quinzaine de centimètres, la LN payait très cher sa compacité en termes d’habitabilité, sans parler d’un coffre au volume misérable (118 litres !).

Es-tu là, Clark ?

Nous prions nos lecteurs de ne pas prêter une attention excessive à cet intertitre sans rapport avec le texte et uniquement destiné à faire sourire ceux qui étaient déjà nés lorsque, un beau jour de juillet 1982, Citroën décida de taper du poing sur la table et de montrer qui était le patron. Il faut dire que, depuis six ans déjà, la malheureuse LN (devenue LNA en novembre 1978) faisait de la figuration sur un marché encore et toujours dominé par la Renault 5. La sous-motorisation chronique de la voiture, l’austérité de sa dotation et le bruit lancinant du bicylindre limitaient sa polyvalence et la cantonnaient aux seconds rôles sur un segment de marché de plus en plus disputé. Dans ces conditions, un surcroît de puissance s’avérait indispensable et la LNA 11 marqua un net progrès sur ce point. Animée par le même moteur que la fringante Visa Super E, l’auto affichait enfin des performances présentables, gagnant par exemple près de dix secondes de 0 à 100 km/h ! Néanmoins, comme on va le voir, l’agrément de conduite demeurait très limité.

La LNA 11 RS se reconnaît notamment à ses jantes spécifiques (qu’elle partage cependant avec la série Spéciale Canelle)

Les jours sans pain 

Ce sont des jours qu’un dicton populaire prétend particulièrement longs. Moins longs cependant, en tout état de cause, que la boîte de la LNA 11, tellement mal étagée que l’auto atteignait sa vitesse de pointe (140 km/h quand même) en troisième ! En l’espèce, la quatrième n’était qu’une vitesse d’autoroute — à condition, bien entendu, que ladite autoroute soit rigoureusement plane. « Helena tire trop long », titra alors finement l’Auto-Journal… Mais, dame ! C’était l’époque où les constructeurs de citadines se battaient comme des chiffonniers autour d’un seul chiffre : la consommation normalisée à 90 km/h. Les marketeurs de PSA et Renault auraient vendu leur grand-mère à un proxénète bulgare si ça leur avait permis de gagner ne serait-ce qu’un dixième de litre sur leurs concurrents. Ne reculant devant aucune perversion, ils avaient même poussé le vice jusqu’à installer un éconoscope (ou économètre selon les marques) dans un grand nombre de modèles. Chez Peugeot et Citroën, il s’agissait d’un stupide bouton lumineux muni d’un témoin jaune et d’un autre orangé, qui s’allumaient successivement dès que le conducteur, candidement désireux de se mouvoir, appuyait franchement sur l’accélérateur. L’inutilité du dispositif ne choqua pas grand-monde, c’était la crise et la démagogie battait son plein : dans ces années-là, nous avons vu bien des gens se rengorger parce qu’ils avaient réussi à parcourir quatre kilomètres sans qu’aucun des voyants fatidiques ne s’éclaire.

Ces gens-là durent être nombreux à faire part de leur ravissement auprès de l’ex-Quai de Javel, qui écoula paisiblement un certain nombre de LNA 11 E et 11 RE (le modèle haut de gamme, avec assistance de freinage, essuie-glace à deux vitesses, enjoliveurs de roues et lunette arrière chauffante — Mazel tov !), jusqu’à l’été 1984. Un peu à la façon d’une Mercedes-Benz SL « Last Edition », la petite Citroën se résolut alors à entamer son chant du cygne avec une version très spéciale, l’un de ces modèles que les passionnés évoquent de nos jours avec fièvre en visitant Rétromobile ou Automédon, le regard humide d’émotion, traquant inlassablement l’introuvable (et peut-être obscur) objet de leur désir : nous avons nommé la LNA 11 RS !


Ce qui est rare n’est pas (toujours) cher

Bien sûr, lorsqu’ils reçurent le dossier de presse de la nouvelle venue, les rédacteurs de Sport Auto ou d’Échappement s’imaginèrent probablement qu’avec un nom pareil, les ingénieurs de Citroën Sport s’étaient penchés sur le compartiment moteur de l’auto — peut-être pour y greffer le 1360 cm3 de la Visa Chrono. Une LNA de 93 chevaux, voilà qui aurait rappelé de bons souvenirs aux anciens propriétaires de 104 ZS 2. Hélas ! En l’espèce, les illusions se perdirent plus rapidement que dans une intrigue balzacienne et la fiche technique de l’engin se chargea de ramener tout le monde sur Terre. Afin de justifier son sigle, la RS s’était en effet contentée de raccourcir ses rapports de boîte. Le moteur n’avait pas changé d’un iota : il s’agissait toujours du sempiternel groupe X, délivrant ses 50 chevaux dans le sifflement caractéristique de la transmission Peugeot. Un peu court pour pouvoir rattraper la Porsche éponyme mais, à tout le moins, les conducteurs de la plus véloce des LNA pouvaient désormais bénéficier d’un étagement correct.

De façon très injuste, il n’existe que très peu d’essais consacrés à la 11 RS. Si l’on n’en trouvait pas trace dans les numéros « Spécial Salon » des revues spécialisées, on pourrait aisément croire qu’elle n’a jamais existé. À notre connaissance, aucune publicité spécifique ne lui a été consacrée, en dehors bien entendu de la brochure commerciale éditée par Citroën et dont l’argumentaire, sous le titre « LNA fusée ! », ne peut que réjouir les sybarites : « C’est une luxueuse petite voiture, utilisant la même motorisation que la LNA 11 E. Elle est équipée d’une boîte courte à quatre rapports et sa vitesse de pointe est de 144 km/h sur circuit fermé. » Au passage, on appréciera la notion de « boîte courte » qui, comme sur les Audi ou BMW contemporaines, correspondait en réalité à une transmission simplement susceptible d’exploiter au mieux les ressources du moteur au lieu de bousiller celles-ci dans le but d’obtenir la puissance fiscale la plus basse possible.

De nos jours, il reste vraisemblablement moins de LNA que de 911 Carrera en circulation. Cela n’empêche pas la valeureuse petite française de demeurer très accessible, une enveloppe de 3000 euros pouvant suffire pour se procurer un exemplaire en bel état de conservation, ou restauré dans les règles de l’art. La réelle difficulté, c’est d’en trouver une à vendre : comme tant d’autres, le modèle s’est littéralement volatilisé. Mais nul doute qu’après la lecture des lignes qui précèdent, vous n’allez pas tarder à vous mettre en chasse…

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