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Citroën C15 : le mystère de sa longue genèse

Par CLÉMENT-COLLIN - 28/07/2022

Ne cherchez même pas à contester : la Citroën C15 est sans doute la voiture la plus cool qui existe au monde. Quelle que soit sa version, récente ou ancienne, essence ou diesel, cabossée ou bichonnée, campagnarde ou revendicatrice (si si bientôt on en verra qui pavaneront en ville au volant d’une C15), quoi qu’il arrive increvable et passe partout (4 roues motrices ? Pourquoi faire ?), la C15 est la bagnole ultime, celle qui ne se prend pas au sérieux tout en rendant service, qui transforme sa tronche bizarre en look inimitable, bref, celle qu’on aime autant qu’une sportive avec plein de chevaux dedans. On en avait déjà fait le panégyrique ici (lire aussi : Citroën C15, c’est collector), mais on s’est dit qu’il serait bon de voir à quoi elle ressemblait au berceau, cette bonne à tout faire qui finira par devenir star.


Ce n’est qu’en mars 1984 que le public français (notamment entrepreneurs, commerçants et agriculteurs, tous « cœur de cible comme on dirait aujourd’hui) découvre cet inimitable petit utilitaire léger. Il mettra ensuite plus de vingt ans à s’installer dans le paysage, s’offrant au passage 1 181 471 clients. Et encore aujourd’hui, 12 ans après sa fin de fabrication, la (ou le, c’est à vous de choisir) C15 n’en finit pas de hanter nos départementales, nos chemins vicinaux, et parfois même nos champs quel que soit le temps.


Comme il m’arrive d’être un peu obsessif (et que j’habite un pays de C15), je me suis posé une question existentielle : alors que la Visa est sortie en 1978, pourquoi avoir attendu plus de 6 ans pour lui offrir un dérivé officiel. Chez Citroën, si on a plus la réponse (les responsables d’alors ne sont plus là pour en parler), on a des archives, livrées ici pour vous. Et elles mettent la puce à l’oreille.


Les premiers dessins et les premières maquettes datent de 1977 ! La ligne est due à Jean-Claude Bouvier, qui suivra le projet jusqu’à son aboutissement. D’autres maquettes sont, elles, datées de 1980, comme l’indique l’une des photos prise à la Ferté. C’est la question cruciale que je me suis posée un après midi ! Pourquoi donc la Citroën avait mis autant de temps à accoucher de cette C15 ! Et là, tout à coup, j’ai compris.


Remontons le temps : en 1977, la Visa s’apprête à être lancée (elle paraîtra un an plus tard). Celle qui remplace le projet Y jugé sans doute trop Citroën et balayé d’un revers de la manche par Peugeot (mais recyclé en Roumanie par l’entremise du patron de Citroën de l’époque, Georges Taylor, né à Bucarest, lire aussi : Oltcit Club / Citroën Axel) est une voiture symbolique : elle signifiait la vraie première collaboration entre Peugeot et Citroën (mettons à part l’anecdotique LN / LNA). En tant que nouveau modèle, elle semble idéale pour « porter » la charge de l’utilitaire léger au sein du groupe. Commencent alors les études d’un dérivé de ce type, et c’est Bouvier qui s’y colle.

En rachetant Chrysler Europe, PSA se retrouve avec deux utilitaires légers qui feront le job en attendant mieux, le VF1 et le VF2

Que s’est-il passé entre temps ? Alors que la Visa est lancée, et que les études se poursuivent sur la future C15, se passe un événement imprévu : Peugeot rachète en 1979 la partie européenne de Chrysler, un peu par opportunisme, un peu par gourmandise, et un peu pour se protéger du spectre de la victoire de la gauche et des nationalisations qui pourraient s’en suivre (lire aussi : le rachat de Chrysler Europe).

Sur cette planche, on découvre un intéressant dérivé Peugeot

C’est en y repensant que la lumière m’est venue ! En rachetant Chrysler Europe, Peugeot se retrouve alors avec un utilitaire certes vieillissant, dérivé de la Simca 1100, mais encore fort sur le marché : le duo VF1/VF2 (qui donnera naissance à la Rancho dans sa version « loisir », lire aussi : Matra Rancho). Tout à coup, ces deux utilitaires (le VF1 n’avait pas la partie arrière surélevée, le VF2 si, pour plus de volume utile) me reviennent en mémoire : on en voyait encore beaucoup au début des années 80. Il faut ménager la chèvre et le chou, ne pas déshabiller Paul pour habiller Pierre, et les VF 1 et 2 vont continuer à être fabriqué jusqu’en 1985, sous les marques Simca puis Talbot.

Plus en détail, l’étude d’une version Peugeot du C15

D’autant qu’entre temps, conscients du faciès un peu repoussant de la Visa, les pontes de Citroën emmenés par Xavier Karcher décident de reprendre leur copie pour offrir à leur bagnole une tenue plus décente, en supprimant ce groin qui fait aujourd’hui le bonheur des collectionneurs. Sans être annulé, le projet C15 est repoussé sine die, le temps de laisser « vieillir » la VF et de restyler la Visa. On tente aussi, d’ailleurs, de dessiner un dérivé Peugeot (cf. Photos) qui ne viendra jamais (à quoi bon ?).

Pendant que la Visa reprend des couleurs en 1982, et que la VF rentre dans le 3ème âge, il est enfin temps de lancer le mythe, notre fameuse C15. Après avoir cherché à lui donner un visage différent de sa sœur Visa, elle en reprendra le museau restylé, pour ne quasiment plus bouger pendant 20 ans. Ainsi, la concordance du relatif échec de la Visa I, du rachat de Chrysler Europe et de la présence dans la gamme d’un utilitaire du même type déjà rentabilisé aura retardé le lancement du C15 à cette année 1984.

A question existentielle, article exceptionnel.

Merci 1000 fois à l’Association l’Aventure Peugeot-Citroën-DS pour la fourniture exceptionnelle de ces photos. L’accès aux archives se fait ici : Archives de l’Aventure Peugeot-Citroën-DS

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