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BMW 750i E32 : à armes égales

Par Nicolas Fourny - 30/07/2024

« Non seulement BMW renforce son prestige et sa réputation mais, par surcroît, elle parvient simultanément à occuper la scène médiatique de longs mois durant tout en assenant un coup particulièrement rude à Mercedes »

On peut considérer que c’est à partir de la fin des années 1960 qu’a véritablement commencé l’un des plus longs duels de l’histoire de l’automobile – et qui dure encore aujourd’hui ; nous voulons bien entendu parler de celui qui oppose BMW à Mercedes-Benz. Et c’est par le haut que cette éternelle confrontation a commencé, puisqu’elle remonte à la présentation de la berline BMW « E3 », censément concurrente de la série W108 qui, dans les catalogues édités à Stuttgart, ne s’appelait pas encore Classe S mais incarnait alors ce qui se faisait de mieux en matière de grandes routières européennes. Depuis lors, les deux firmes se sont continûment rendu coup pour coup dans ce segment de marché comme dans d’autres mais, au vrai, il aura fallu attendre l’été de 1986 pour que Munich se trouve réellement en capacité de rivaliser avec les routières étoilées. C’est en effet cette année-là que fut présentée la série 7 E32, dont la variante à moteur V12 nous intéresse plus particulièrement ici…

Dans « BMW », il y a « moteurs »

Il faut bien l’avouer : la première série 7, présentée en 1977, n’était pas exactement au niveau de sa meilleure ennemie – nous avons nommé la référence absolue de ce temps-là, c’est-à-dire la Mercedes W126 ! Grande routière accomplie, luxueuse et puissante, soigneusement construite et exclusivement animée par les meilleurs six-cylindres de l’époque, la berline E23 apparaît toutefois davantage, avec le recul du temps, comme une étape certes importante, mais non décisive, dans l’édification de la crédibilité de BMW. Quelles que fussent leurs qualités, les six-cylindres bavarois, s’ils avaient établi une grande part de la réputation du constructeur, s’avéraient un peu « tendres » pour pouvoir s’attaquer aux V8 souabes, dont les premiers vagissements remontaient tout de même à 1963… Chez BMW, à partir de 1979 on a donc fait semblant de croire que la 745i et son « petit » 3,2 litres agrémenté d’un turbocompresseur étaient à même d’inquiéter le huit-cylindres d’une impressionnante 500 SE qui, pour sa part, s’approchait très près d’une forme de perfection à tous égards. Pour autant, il n’était pas question de se décourager et, contrairement à des marques françaises qu’il est inutile de nommer, la firme à l’hélice fit preuve d’une admirable ténacité en mettant au point, en toute simplicité, le tout premier V12 allemand de l’après-guerre !

Le prestige ultime

Au milieu des années 1980, dresser la liste des constructeurs proposant encore des moteurs à douze cylindres ne constituait pas une tâche insurmontable, puisqu’ils n’étaient que trois. Seuls Jaguar, Ferrari et Lamborghini s’évertuaient encore à construire ces mécaniques aussi prestigieuses que susceptibles d’effrayer bien des clients potentiels, l’Angleterre comme l’Italie de cette époque n’étant pas particulièrement réputées pour la solidité de leurs réalisations les plus sophistiquées… Chez BMW, l’idée du V12 n’était pourtant pas neuve, puisque les réflexions à ce sujet avaient été engagées dès 1976. Onze ans plus tard, quand les 750i et 750iL (comme chez qui vous savez, cette dernière n’est autre qu’une version à empattement long, pour le bénéfice exclusif des passagers arrière) font irruption sur le marché, il s’agit d’un événement majeur grâce auquel BMW fait, en quelque sorte, d’une pierre trois coups : non seulement la firme bavaroise renforce ainsi considérablement son prestige et sa réputation mais, par surcroît, elle parvient simultanément à occuper la scène médiatique de longs mois durant tout en assenant un coup particulièrement rude à Mercedes, dont la 560 SEL semble avoir brutalement vieilli…

La course aux armements

Un V12 de 300 chevaux et 250 km/h en pointe : à l’époque, cette courte mais frappante énumération des principales caractéristiques de l’engin suffit en effet à défrayer la chronique. Soudain, les six- et huit-cylindres, hier encore célébrés comme le climax des berlines de luxe, en deviennent presque banals, déclassés, surpassés par l’insurpassable rayonnement d’une architecture mécanique réservée à l’élite. De fait, et jusqu’à ce qu’en 1991 la nouvelle 600 SE/SEL remette – avec une certaine virulence – les pendules à l’heure, la 750i va demeurer quasiment seule au monde, étant entendu que la charmante Jaguar XJ12, qui totalise alors quinze ans d’existence et dont le bail va se prolonger encore plusieurs millésimes, s’apparente alors davantage à un objet délicieusement vintage qu’à une rivale véritable, les Anglais étant strictement incapables de riposter au contenu technologique de la série 7 sommitale, laquelle reprend naturellement l’ensemble des innovations des E32 plus courantes. En l’espèce, l’inventaire est copieux, des amortisseurs pilotés au système antipatinage en passant par l’extrême sophistication de la gestion électronique du moteur et de la transmission (le V12 n’est bien sûr disponible qu’avec une boîte automatique ZF à quatre rapports), sans parler des nombreux gadgets destinés à agrémenter le quotidien du conducteur et de ses passagers.

Tout ça pour ça ?

En octobre 1987, la revue Automobiles Classiques publie, sous la plume de Pierre Dieudonné, un long article consacré à la 750iL – en couverture, on découvre ce titre révélateur : il est question de la « BMW V12 », sans autre précision, ce qui en dit long quant à la fascination implicite qu’exerce ce type de moteur sur les plus aguerris des chroniqueurs. Pourtant, à la lecture du compte-rendu d’essai, on ressent comme une forme de déception – toute relative, cela va de soi… – à l’égard des sensations délivrées par l’auto. S’il salue, à l’instar de ses confrères, le travail des designers Ercole Spada et Claus Luthe, la qualité de la finition, le comportement routier, l’ergonomie exemplaire et le luxe de certains équipements, l’auteur s’avoue un peu frustré par la douceur excessive d’une mécanique avant tout conçue pour déplacer, rapidement et dans un silence de cathédrale, des occupants jusqu’alors dévolus aux charmes austères mais rassurants de la S-Klasse. Évidemment, une berline de ce calibre ne peut prétendre au tempérament d’une Lamborghini mais, à la vérité, le problème est ailleurs : la 750i paie cash le choix des motoristes qui, toutes proportions gardées, ont fait preuve d’une certaine pusillanimité en concevant leur douze-cylindres, nanti d’un seul arbre à cames par rangée de cylindres et pensé dès l’abord pour respecter des normes de dépollution déjà fort contraignantes. Techniquement parlant, la réussite est indéniable : contrairement au V8 Mercedes – qui perd beaucoup de sa superbe lorsqu’il est catalysé – le V12 BMW délivre exactement la même puissance et le même couple avec ou sans catalyseur. Il n’en demeure pas moins que la poussée s’avère moins convaincante à partir de 220 km/h et qu’il faut une longue lancée pour atteindre la vitesse maximale, les performances chiffrées ne témoignant pas d’un avantage décisif sur la très coriace 560 SEL…

Quand huit cylindres valent mieux que douze

Quand l’Automobile Magazine procède à un comparatif entre les deux modèles, la conclusion est encore plus cinglante pour le moteur munichois : pour l’auteur de l’article, la meilleure voiture est une 750i… équipée du moteur de la Mercedes ! Pire encore, comme pour donner raison à ces mauvais coucheurs, BMW lancera, en 1992, une 740i animée par un très réussi V8 – le premier de la marque depuis la disparition de la 3200 CS en 1965 – dont les 286 ch concurrenceront dangereusement le V12 de la 750i qui, par-dessus le marché, n’évoluera pas d’un iota jusqu’à la disparition de la série E32, en 1994… À ce stade, une question nous taraude : trente ans après l’arrêt de sa production, que reste-t-il aujourd’hui de la première BMW à moteur V12 ? Ou, pour le formuler autrement, l’intérêt historique de l’auto se circonscrit-il à la valeur symbolique d’une architecture-moteur que le constructeur, au lancement du modèle, décrivait en ces termes : « Le 12-cylindres BMW est un chef-d’œuvre » (c’est bien connu, on n’est jamais mieux servi que par soi-même) ? Dans l’absolu, reprendre de nos jours le volant d’une 750i demeure une expérience intimidante pour tout connaisseur digne de ce nom et cette implacable démonstration d’un savoir-faire mérite tout notre respect. Pour le collectionneur, l’émotion découle de ce que les Allemands nomment Laufkultur et de l’admiration que l’on peut éprouver en constatant l’extraordinaire silence de fonctionnement, l’absence totale de vibrations et la vigueur nonchalante de l’ensemble, les 450 Nm promis sur la fiche technique s’avérant bel et bien présents. Sous cet angle, la 750i s’adresse davantage aux esthètes qu’aux obsédés du millième de seconde. Et puis, si l’auto est devenue rare, sa cote ne décolle pas : sur le marché allemand, les plus beaux exemplaires dépassent rarement les 30 000 euros. Pour un V12 conçu par les meilleurs motoristes de leur temps, c’est donné !

4988 cm3Cylindrée
300 chPuissance
250 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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