Alpina B6 3.5 (E30) : bourgeoise dévergondée
Au salon de Francfort 1985, BMW présentait la M3 (E30) au grand public, une déclinaison sportive de la Série 3 destinée à l’homologation en groupe A. Au menu : une version vitaminée remaniée chez Motorsport, avec un 4 cylindres boosté à 200 chevaux. Du côté de Buchloe, on n’avait pas attendu BMW pour proposer la B6 2.8 dotée d’un 6 en ligne poussé à 210 chevaux. Mais la sortie de la nouvelle M3 obligeait Alpina à offrir à sa clientèle exclusive une toute autre cavalerie avec la B6 3.5, une E30 récupérant le 6 en ligne d’une Série 7 gonflé à 262 chevaux.
La B6 2.8 était déjà une petite bombe quand on sait combien il est difficile de maîtriser une E30 dotée d’une telle cavalerie. Dépasser la barre des 200 chevaux sur une telle voiture pouvait rendre la conduite délicate notamment sur route mouillée. Alors que dire des 262 canassons bien planqués sous le capot de la B6 3.5 ?
Cependant, chez Alpina, on a toujours procédé de façon décalée : il ne s’agit pas de proposer des versions sportives concurrentes des produits BMW, mais bien d’offrir une autre vision du modèle de base, privilégiant le couple à la puissance pure : à Motorsport le sport, à Alpina le Grand Tourisme, ce qui a toujours garanti d’excellentes relations entre le constructeur de Munich et celui de Buchloe. Pour mémoire, la firme Alpina est en effet considérée par le TÜV comme un constructeur à part entière depuis 1983.
Revenons à notre B6 3.5 ! Lancée en novembre 1985, elle devançait de quelques mois la M3, ce qui permettait de chiper quelques clients impatients. Elle récupérait le moteur dit B10 qui sera décliné par la suite (notamment dans une déclinaison catalysée perdant quelques chevaux pour descendre à 254) : un gros 6 en ligne qui n’avait jamais pris place dans la E30 jusqu’alors.
Là où la M3 s’offrait 236 km/h mais plus de bestialité, la B6 atteignait les 249 km/h de façon plus bourgeoise, ce que ne laissait pas présager ses décorations plutôt “m’as-tu-vu” typiques d’Alpina dans les années 80. N’oublions pas qu’à cette époque, le tuning décollait en Allemagne, touchant toutes les franges de la société : il ne s’agissait pas à l’époque de faire ses propres réalisations dans son coin, mais de faire appel à des tuners ténors, ayant pignon sur rue, comme Zender, ou bien Carlsson, Brabus, Hartge ou Irmscher. Alpina restait dans cette tendance, mais avec le label “constructeur”, ce qui faisait toute la différence. Il fallait bien, dans cette RFA décomplexée, montrer de quoi il en retournait.
Bien qu’un peu voyantes, les Alpina restaient relativement sobres : jantes à batons blanches typiques de Buchloe, liserés dorés le long des flancs, spoilers avant et arrière, et gros logo rouge et blanc “B6 3.5” au cul de la voiture. Difficile d’être discret avec une telle livrée, surtout en France où les Alpina étaient importées par le fameux Garage du Bac. Elles étaient en outre disponibles en 2 et 4 portes contrairement aux M3 uniquement disponibles en 2 portes et cabriolet.
Les Alpina B6 3.5 étaient développées sur une base de BMW 325i E30 mais recevaient de nombreuses modifications quand au freinage, suspensions ou trains roulants. Avec la sortie de la M3, Alpina pouvait utiliser directement les M3 comme base de transformation : ainsi fut proposée au marché la B6 3.5 S (uniquement en 2 portes) utilisant le même moteur mais sur un châssis de M3, gagnant un peu de performance supplémentaire (251 km/h de vitesse de pointe).
L’Alpina B6 3.5 S abandonne la base 325i pour prendre celle de la BMW M3. Elle en récupère le look et n’existe qu’en version coupé 2 portesLa première B6 3.5 fut proposée de novembre 1985 à juillet 1987, en version non-catalysée (262 ch) et catalysée (254 ch). Avec le restylage de la série 3, une deuxième B6 3.5 entra au catalogue (avec 254 ch) et ce jusqu’en décembre 1990. La B6 3.5 S fut, elle, produite de novembre 1987 à décembre 1990. Ces B6 sont relativement rares, avec 219 exemplaires produits pour la B6 3.5 (phase 1 et phase 2 confondues) et 69 unités pour la S, pour un total de 288 voitures. On est loin des plus de 17 000 exemplaires de M3 qui passeraient presque pour des automobiles de grande diffusion.
Aujourd’hui, une Alpina B6 3.5 cote aux environs de 40 000 euros selon LVA (2018) tandis qu’une M3 (moins puissante, moins exclusive et avec deux cylindres en moins), varie entre 60 000 (195/200 ch) jusqu’à 125 000 euros (pour une Sport Evolution de 238 chevaux). La difficulté sera surtout d’en trouver une dont le propriétaire voudra bien s’en séparer : ces bestioles sont rares dans les petites annonces. Sinon, vous pouvez toujours vous rabattre sur une version E36 produite par Alpina dans les années 90.