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Touring Sciàdipersia : une Maserati pour amateurs avertis (et fortunés)

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 07/03/2018

Qu’il est loin le temps des châssis séparés et des heures de gloires des carrossiers d’avant guerre. La modernisation de l’industrie automobile a fait disparaître un à un ces artistes de la tôle, et après-guerre, seule une partie d’entre eux réussira à survivre tant bien que mal en travaillant avec les officines de sport (Maserati, Ferrari), s’orientant vers le design et la production en petite série. Aujourd’hui, même les plus grands ont disparu, ou sont passés sous la coupe de grands groupes (Pininfarina appartient désormais à Mahindra & Mahindra). Pourtant, il existe encore un petit « carrossier » qui résiste encore à Milan, Touring Superleggera. Recréée en 2006, la société s’est paradoxalement spécialisée dans ce qui était le cœur de métier des carrossiers d’antan : la réalisation en petite série de versions spécifiques de modèles existant. Et ça marche. Cette semaine à Genève, Touring présentait sa nouvelle œuvre, la Sciàdipersia.

Aux origines était la Maserati 5000 GT Scià di Persia, produite en 3 exemplaires en 1959

Louis de Fabribekers est un excellent designer, et aurait sa place chez n’importe quel grand constructeur, mais ce belge est têtu et préfère rester à Milan chez Touring Superleggera pour s’amuser comme un enfant à dessiner ou re-dessiner des voitures. Ce facétieux designer aura connu une première fois les feux de la rampe en 2006 en réalisant une étonnante version roulante de la Turbotraction de Spirou (lire aussi : Turbot 2 Turbotraction). En 2008, il présentait une superbe étude sur base de Maserati Coupé Gran Sport, l’A8GCS Berlinetta. Sa carrière chez Touring était lancée.

Au sein du carrossier milanais, il va développer une version break de la Maserati Quattroporte V, et produite à 4 exemplaires, la Bellagio (lire aussi : Maserati Bellagio), et bien sûr, la superbe et originale Alfa Romeo Disco Volante lancée en 2012 en petite série (8 exemplaires) et dont la déclinaison spider allait sortir en 2016, pour une nouvelle série de 8 unités (lire aussi : Alfa Romeo Disco Volante). Cette année, c’est un nouveau modèle que s’apprête à produire Touring pour une dizaine de clients fortunés, la Sciàdipersa.

Mais qu’est-ce que c’est que ce nom à dormir debout ? Pas de panique, il s’agit d’italien, et en détachant les mots, vous comprendrez « shah de Perse ». Pour expliquer ce nom, il convient de repartir dans le passé. En 1959, le shah d’Iran « himself », Mohammed Reza Pahlavi, est impressionné par la Maserati 3500 GT mais en veut toujours plus. Comme les rock stars d’aujourd’hui, le puissant héritier de la dynastie perse sort son chéquier, et commande à Maserati une version spécifique : c’est Giulio Alfieri qui va s’en charger, et modifier un V8 5 litres de la 420S pour l’adapter au châssis de la 3500 GT. La carrosserie sera ensuite confiée à Touring (évidemment) qui en produira 3 exemplaires pour le grand chef iranien sous le nom de 5000 GT Scià di Persia ! Maserati ne va pas s’arrêter à cet unique client. La 5000 GT va être produite en tout à 33 exemplaires, dont 22 carrossées par Alemano (avec Michelotti à la baguette), mais aussi Frua (3 ex), Pininfarina (1 ex), Ghia (1 ex), ou Bertone (1 ex), entre autres.


Vous comprenez maintenant le choix du nom Sciàdipersia de notre nouveau modèle 2018. Dans la même idée qu’à l’époque (et suivant le penchant de Touring pour la marque au Trident), c’est une Maserati qui va servir de base à cette nouvelle Sciàdipersia : la Granturismo. Mais comme avec la Disco Volante, lourde évolution de l’Alfa Romeo 8C, le travail effectué pour rendre la voiture unique va être plus important qu’un simple lifting. En fait, c’est toutes les parties avant et arrières qui vont être changées, ne laissant transparaître du modèle original que la cellule centrale.

Mécaniquement en revanche, rien ne change, avec le V8 4.7 litres atmo de 460 chevaux, largement suffisant pour ce type d’engin, tandis qu’à l’intérieur, le mobilier originel est repris mais rehaussé de détails spécifique signés Touring Superleggera, le tout pour un prix… confidentiel, que seuls les 10 acheteurs sauront, sachant qu’en fonction des desiderata de l’un ou l’autre, la facture initiale pourrait bien encore gonfler, rendant unique chacun des 10 modèles produits.

Cette exécution Sciàdipersia offre un design particulier, qui ne plaira pas à tout le monde, mais la réalisation est superbe, dans la lignée de l’A8GCS qui, elle, n’aura jamais connu de déclinaison en petite série. A l’heure de la course à la puissance, il est plaisant de voir que certains amateurs fortunés préféreront mettre leur argent dans une série très limitée signée Touring plutôt qu’une énième série boursouflée d’appendices et gavée de chevaux d’une supercar quelconque.

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