Alfa Romeo Tipo 33 Stradale : rêve inaccessible ?
Pour ceux qui, comme moi, sont nés au mitan des années 70, une Alfa nommée 33 ressemblait plus à une honnête berline taillée à la serpe lancée en 1983, à l’âge où l’on regarde les compteurs pour imaginer la vitesse de pointe ! Forcément, une Tipo 33 dite “Stradale”, née en 1967, ça courait moins les rues pardi ! Quand un médecin me susurre : “dites 33”, c’est donc à la young banale que je songe plus qu’à la fabuleuse sportive des sixties, honte à moi. Revenons donc sur cette dernière qui, bien que rare, marqua son époque.
Le retour d’Alfa Romeo
Dans les années 60, Alfa Romeo n’est pas encore rentrée dans le giron de la toute puissante Fiat, loin s’en faut. Avec le soutien de l’État italien et de son bras armé industriel, l’IRI, la marque au trèfle possède encore une certaine superbe grâce à ses exploits sportifs dans les années 50 et son positionnement mi-sportif mi-bourgeois des années 60 : la Giulia n’en finit plus d’épater la galerie tandis que le Spider séduit toujours autant. Sa nouvelle filiale depuis 1966, Autodelta, n’en finit plus d’éblouir le monde entier par son savoir-faire tant du côté de la petite série (les Giulia GTA puis GTAm) que du côté course.
Avec la création en 1963 d’Auto Delta puis son absorption par Alfa en 1966 sous le nom d’Autodelta, la marque milanaise détenait aussi un certain atout en la personne de Carlo Chiti, figure emblématique de l’automobile italienne du début des années 50, passé par Ferrari et ATS. C’est avec lui qu’Alfa Romeo va revenir à la compétition avec la Tipo 33 qui, avec son châssis en polyester et son tout nouveau V8 de 2 litres et 270 chevaux, s’avère une redoutable concurrente.
Carlo Chiti à la baguette
Dès le départ, Chiti pense à dériver de cette sportive (produite à 30 exemplaires) une version route, “stradale” en italien, pour contenter quelques richissimes amateurs, forcément avertis : il s’agit tout bonnement de mettre en conformité à la route une véritable machine de course, nécessitant compte en banque bien garni et sérieux coup de volant. La ligne signée Scaglione épate encore aujourd’hui, faite de rondeur et d’agressivité contenue : on sent les muscles derrière le galbe féminin de la Tipo 33.
Présentée à Monza en 1967 puis à Turin la même année, la Tipo 33 Stradale fait sensation : mécanique pointue, design ambitieux, conduite sportive, complexité technique, prix démesuré, il était clair que cette “Stradale” demeurerait confidentielle ! Qui pouvait se payer cela car, comme dit plus haut, il ne suffisait pas d’en avoir les moyens : encore fallait-il pouvoir la conduire. Des 50 exemplaires envisagés, seuls 18 seront construits (plus 1 prototype), dont 13 seulement trouvant preneurs auprès de “vrais clients”, les 5 autres châssis servant à des études de style dont l’étonnante Carabo, dessinée par Marcello Gandini pour le compte de Bertone et qui marqua (elle aussi) son temps !
Chef-d’oeuvre mécanique et artistique
Haute performance, rareté, design à couper le souffle, voilà pourquoi la Tipo 33 Stradale truste les charts depuis des lustres : cette voiture n’est clairement pas donnée à tout le monde, à l’époque comme aujourd’hui. Certes, le moteur V8 est dégonflé par rapport à la version “Corsa”, avec “seulement” 230 chevaux, mais pour un poids de 700 kg seulement. Il s’agit bien d’une voiture de course car, une fois assis dans la bestiole, on est au ras du bitume, et si la puissance reste “modérée” (tout est relatif), le moteur monte dans les tours à la façon d’une Honda S2000, sa puissance maxi s’accrochant à 8 800 tours tandis que le compteur gradué indique les 10 000 tours potentiels. Autant dire qu’il s’agit d’une mécanique d’orfèvre dans un écrin de luxe.
Finalement, le vrai problème de la 33 Stradale, c’est qu’on ne l’aura jamais et que son prix faramineux empêchera même l’idée d’un test de quelques minutes sur un circuit. Il y a deux écoles : ceux qui aiment rêver et ceux qui détestent. Les premiers seront simplement ravis de l’apercevoir le temps d’un concours, d’un rassemblement ou d’une course d’époque tandis que les seconds feront tout pour l’avoir (ou pour l’oublier). Et vous dans quelle catégorie êtes-vous ?