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SAAB
SUÉDOISE

Saab, c’est bien !

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 31/08/2020

Pendant cette petite pause estivale, perdu dans mes pensées en surveillant d’un oeil mes enfants et neveux jouant dans les vagues ou construisant un château de sable, je me suis posé une question existentielle : pourquoi j’aime Saab et pourquoi cette marque, malheureusement disparue, s’est avérée différente ? Était-ce dû à la technologie, au design, à la neutralité de son pays d’origine ? Autant de questions que je ne m’étais pas posées jusqu’alors et qui méritaient que je m’y attarde.

Je suis né en 1975 et, je dois l’avouer, jusqu’aux années 1990, Saab n’était rien pour moi. Pour citer Jacques Chirac, cette marque “m’en touchait une sans faire bouger l’autre” comme quoi ! Baigné dans une ambiance automobile franchouillarde (j’exagère, bien sûr), j’oscillais entre les Peugeot de mon père et les Citroën de mon oncle… Parfois, l’exotisme venait frapper à ma porte par l’intermédiaire de la Rover SD1 du père d’un de mes copains, éditeur à Paris, ou de la Simca 1100 de mon grand-oncle qu’on ne voyait déjà plus trop sur les routes à l’époque.

Décalage parfait

Dans les années 1980, dans mon petit univers, seules les Citroën venaient rompre la monotonie automobile (je n’y connaissais pas grand-chose, je jugeais à l’aune de ce que je voyais). Étrangement, au fil des années, mon oeil s’exerça. Et c’est la rencontre avec la 9000 du père d’un autre ami que je rencontrai Saab. Depuis longtemps, je croisais dans les rues de Paris (oui, je suis un titi parisien) des Béhème, des Mercos, des Jag’ mais si peu de Saab que je décidai tout de go que c’était la classe absolu, la distinction ultime, le décalage parfait, le nec plus ultra.

Il faut bien l’avouer, mon amour pour Saab grandit avec mon amour pour l’automobile. J’avais trouvé ma voie : celle de la différence. Contrairement à beaucoup, ce n’est pas tant le moteur Turbo cher à la marque depuis la fin des années 1970 (et la Saab 99) qui me séduisait que ce design atypique, à mes yeux très réussi car différent, mais capable de rester un tant soit peu dans les normes, contrairement à certains paris de Citroën (je pense à l’Ami 6 en particulier). Le but de Saab ne semblait pas être de heurter le bourgeois, mais au contraire de le séduire avec un léger décalage, comme à l’époque d’une Voisin garée devant une maison signée Le Corbusier ou Mallet-Stevens.

Un style particulier

Avec la 99, puis la 900, et dans une moindre mesure la 9000, Saab se démarquait : les quelques coups de crayon de Sixten Sason avaient réussi à capter ce besoin d’être différent sans pour autant faire la révolution. Avant la 99 (les 92, 93 ou 96), les Saab jouaient sur une autre partition : une volonté farouche de faire différent (et de faire durer un modèle jusqu’à la corde). À partir de la 99 (et encore plus de la 900, voire la low cost 90), le dessin s’affinait pour devenir non seulement acceptable mais en plus signe d’une différence convenue. Rouler en Saab, c’était en quelque sorte se différencier des arrivistes (en BMW, en Mercedes ou Jaguar XJ) tout en montrant une certaine réussite (architectes, médecins, notaires, éditeurs ou ce genre de métier).

Sans le savoir, j’adoptais Saab pour les bonnes raisons : pas assez révolutionnaire pour imaginer (à l’époque, donc dans mes rêves d’adolescent sans permis) rouler en Lada, Skoda ou Yugo, pas assez conformiste pour rouler en Peugeot ou Renault, considérant (à tort, je le sais aujourd’hui) Citroën comme un peu dépassée, et pas assez “show off” pour me croire capable de rouler en allemande. Saab c’était l’excellent compromis en fait : arriver en 900, c’était afficher quelque chose de particulier en cette fin des années 1980 et début 1990.

L’image plus que la performance

En réalité, je pense que peu de saabistes de l’époque s’inquiétaient du Turbo et des performances de sa Saab. L’important était ailleurs, même si une 900 Turbo (particulièrement en boîtier noir 175 ch ou boîtier rouge 185) avait forcément plus d’allure. L’important, c’était de dire (à cette époque où le choix d’une voiture pouvait dire beaucoup, y compris sur son orientation politique) : je suis différent. En outre, la nationalité (suédoise) de la marque permettait de montrer une certaine neutralité entre les chauvins bloqués sur les marques françaises ou les “arrivistes” (j’exagère exprès) en italiennes, anglaises ou allemandes. Choisir Saab, c’était d’entrée de jeu choisir le “non alignement” (seuls ceux qui ont vécu cette période de fin de guerre froide peuvent comprendre).

Supérieure aux autres bagnoles

Saab, “Supérieure Aux Autres Bagnoles”, n’était évidemment pas la meilleure marque du monde, mais celle qui offrait cette différence “tranquille” (référence à la “force tranquille” pour ceux qui ont connu les élections présidentielles de 1988) qui plaisait tant à ces professions libérales d’Europe comme d’Amérique du Nord. C’est d’ailleurs là-bas que la marque connaîtra ses plus grands succès, suivant en cela son compatriote Volvo (qui surfait aussi sur sa propre image, plus “carrée” mais elle aussi savamment dosée).

La fuite en avant

Malheureusement, les 900 NG puis 9-3 “classic”, sans compter l’excellente 9-5, ne permirent jamais à Saab d’aller plus loin et de convaincre une clientèle plus large… La 9-3 NG tenta bien d’aller ratisser plus large, sans succès, tandis que la 9-5 NG mit trop de temps à remplacer la 9-5 tout court qui, à force de replâtrage, finit par ressembler à une vieille botoxée et trop maquillée. L’espoir était là avec la 9-5 NG et, dans les tuyaux, la 9-4X aurait pu changer la donne. La crise de 2008 fragilisa GM qui, propriétaire de Saab depuis 1999 (depuis 1989, le groupe ne possédait que 50 %), n’avait jamais su trop quoi faire de sa filiale.

La marque, vendue dans des conditions rocambolesques, n’eut pas la chance de s’en sortir. Avec elle sombraient les envies de différence tandis que les SUV, tous de plus en plus semblables, inondaient le marché. Pour être décalé, il faut désormais rouler en Tesla qui, avec l’électrique (et sa stratégie de conquête par le haut avec la Model S), récupère un peu de ce que véhiculait Saab avant. La marque suédoise est morte, vive Saab.

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