Saab 92: mère de toutes les Saab !
La société par action d’aéroplanes suédois (Svenska Aeroplan AB), plus connue sous le nom de Saab, naît en 1937 de la volonté de l’état suédois de doter le pays d’une industrie aéronautique indépendante lui permettant d’assurer sa défense aérienne tout en maintenant sa neutralité. Cette société, par le biais de fusion, devient rapidement le joyau aéronautique de la famille Wallenberg, présente dans la banque depuis 1856, mais aussi en tant qu’actionnaire de nombreux groupes industriels suédois. Bref, en Suède, les Wallenberg sont un peu un mélange des Rotschild, des Krupp, des Michelin ou des Agnelli, avec un soupçon d’Aquavit.
La Saab va vite prendre son envol, grâce (ou plutôt à cause) de la guerre qui s’annonce. Avec ses avions B17 puis B18, Saab se goinfre avec des commandes de l’Etat suédois jusqu’en 1945. Mais si la fin de la guerre est une bonne chose d’un point de vue moral ou politique, ce le sera beaucoup moins concernant le business, les commandes de l’Etat diminuant drastiquement, sans que l’export ou l’aviation civile ne permette de maintenir les mêmes cadences. C’est dans ce contexte qu’une poignée d’ingénieurs lance le projet 92, qui, contrairement au projet 90 (un bimoteur proche du DC3 sorti en 1944) ou au projet 91 (un monomoteur d’entraînement sorti en 1946), n’est pas un avion mais bel et bien… une voiture.
Voilà la voie choisie par Saab pour se diversifier : l’automobile. Jusqu’alors, le marché automobile suédois ne comptait qu’un constructeur, Volvo, et importait beaucoup de voitures allemandes, notamment des Opel ou des DKW. L’anecdote veut que les ingénieurs en charge du projet 92 (connu aujourd’hui sous le nom de Ursaab, « saab originelle ») n’y connaissaient rien en automobile, ne disposaient d’aucune documentation techniques, voire même n’avaient pas le permis de conduire. Cette « naïveté » leur permit d’une certaine manière de « repenser » l’automobile. Ils achetèrent un certain nombre de voitures courantes à l’époque pour en étudier les solutions techniques pour n’en garder que ce qui semblait le meilleur. Voilà pour la légende.
Gunnar Ljungström dirige la petite équipe, composée d’une vingtaine d’ingénieurs, et du designer Sixten Sason. Il s’agit de proposer aux suédois une voiture robuste, tenant la route, capable d’emporter une petite famille avec une mécanique éprouvée. La traction devient une évidence, tout comme la caisse auto-porteuse (la solution choisie par Citroën avec ses 11 et 15), tandis que le petit bicylindres DKW de 692 cm3 offre ses vaillants 20 chevaux ! Côté design, les suédois vont prendre le parti d’une carrosserie aérodynamique permettant de palier le manque de puissance, avec un Cx de 0,32 (pas mal non?).
Bon, entre l’Ursaab de 1947, et la version de série de la Saab 92, dont la production commencera en 1949, quelques petites modifications seront faites. Le dessin deviendra plus sage, inscrivant pour 20 ans dans le marbre le design Saab avant que la Saab 99 ne vienne rompre cette continuité en 1968. La Saab 92 tire certaines de ses solutions de l’aéronautique, comme ce coffre à bagage uniquement accessible (au début) de l’intérieur du cokpit, heu, pardon, de l’habitacle. Elle a en outre dès le départ été pensée (une spécialitée suédoise qui durera longtemps, et encore en vigueur chez Volvo) pour la protection des passagers, du conducteur, comme des piétons : absorption des chocs, cage indéformable, pas d’arête saillante sur la carrosserie susceptible de blesser etc.
Le moteur est lui aussi revu. Il s’agit toujours d’un DKW, mais cette fois-ci de 764 cm3, développant 25 ch. La classe non ? La Saab 92 évoluera au fil des ans, sur des points de détail (instrumentation, coffre à bagage à ouverture extérieure, lunette arrière d’un seul tenant), mais restera dans le coup tout au long des années 50… Jusqu’à ce que Saab la remplace par la 93, qui, soit dit en passant, n’en est qu’une évolution, mais dont l’esthétisme s’affirme avec une calandre « Saab » plus moderne. Entre 1950 et 1956, la Saab 92 sera produite à 20 128 exemplaires.
Pas de quoi faire de Saab un géant automobile, mais suffisamment pour garantir l’activité, qui se maintiendra jusqu’en 2011, avec la dernière Saab, la 9-5, fabuleux vaisseau né au mauvais moment, et fabriqué à deux fois moins d’exemplaire que cette 92 d’origine (lire aussi : Saab 9-5 NG). Entre temps, la firme aura donné naissance à une icône automobile, la 900 (lire aussi : Saab 900), et bien entendu, à celle qui m’accompagne tous les jours, la 9-5 MkI (lire aussi : Saab 9-5 V6 Griffin). Première d’une saga, devenue rare aujourd’hui (production limitée, exportation quasi nulle, et temps qui passe), elle peut être la pierre angulaire d’une collection originale à tendance scandinave !