Renault Safrane : "une voiture qu'elle est bien pour la conduire"
Aussi étrange que cela puisse paraître, l’histoire de la Renault Safrane commence en… 1977. Enfin pas tout à fait : si la voiture que nous connaissons n’est même pas encore dans les têtes des designers qui réfléchissent plutôt à la descendante du couple Renault 20 et 30, la fameuse 25, le nom Safrane, lui, fait bien son apparition pour la première fois sur une Renault. Il s’agit d’une série spéciale de la 14 (lire aussi : Renault 14), destinée à l’Europe (mais pas la France), particulièrement l’Angleterre et les Pays-Bas. Plutôt richement dotée, la 14 Safrane porte bien son nom, puisque le Safran, épice tirée du Crocus, est surnommé l’Or Rouge, l’épice la plus chère du monde. Dans les esprits, chez Renault, Safrane désigne donc le luxe.
En 1977, l’heure n’est pas encore aux noms pour les modèles : on reste cantonné à la numérotation classique. C’est avec la Clio (en 1990) que Renault remplacera les chiffres par des noms. Dès lors, quoi de mieux qu’un nom déjà déposé pour exprimer le luxe et le raffinement de la remplaçante de la Renault 25 : la nouvelle venue reprendra donc l’appellation Safrane !
Un proto de la future Safrane, avant que le style ne soit figéSi les designers de chez Renault ont commencé à plancher sur une hypothétique descendance à la 25 dès 1983, le projet X54 ne sera officiellement lancé qu’en 1986. Avec celle qui deviendra la Safrane, Renault va rester fidèle à sa tradition des berlines à hayon, tout en tentant de la rendre plus statutaire, plus solide d’aspect. Dans le même temps, Renault a le regard tourné vers l’Allemagne et sa légendaire qualité. Avec la Safrane, la marque au losange souhaite offrir une alternative crédible aux berlines allemandes.
Le dessin est quasiment figé en 1987. A cette époque, Patrick Le Quément vient d’intégrer le Desgin de Renault, avant d’en prendre la tête en 1988 : il n’effectuera que quelques modifications mineures sur le dessin initialement validé. Si la Safrane est un nouveau modèle, elle reste dans la continuité de la Renault 25 : difficile pour Renault de changer radicalement un modèle qui gagne ! Le succès de cette dernière explique la relative sagesse de son héritière. Il faudra attendre la Vel Satis en 2002 pour voir la patte de Le Quément sur le haut de gamme Renault, une vraie rupture stylistique qui n’aura pas le succès escompté (lire aussi : Renault Vel Satis).
A son lancement en 1992, la Safrane reste dans la tradition des grandes berlines de l’époque, qui devaient couvrir un large spectre de clientèle : des familles aux VRP, en passant par les grands patrons. Les finitions iront donc du très dépouillé RN à la très luxueuse Baccara (en passant par tous les intermédiaires classiques chez Renault : RT, RTE, RXE, ou RXT. Mais la nouveauté par rapport à la 25, c’est la disponibilité d’une transmission intégrale appelée Quadra, disponible aussi sur l’Espace ou la 21.
Côté moteur, la Phase 1 propose une large palette de moteurs. En essence, l’entrée de gamme se compose du 2 litres « Douvrin » de 107 ch, suivi du 2.2 Douvrin également de 140 ch. En haut de gamme, on trouve le 3 litres PRV 12 soupapes de 170 ch. En 1994, la Safrane Biturbo ira même jusqu’à proposer un 3 litres PRV gavé par deux turbos par Hartge pour offrir 268 ch (lire aussi : Safrane Biturbo). En diesel, l’offre commence avec un 2.1 de 90 ch pour finir par un 2.5 de 115 ch.
La Safrane Biturbo, tentative vaine d’aller titiller les allemandes sur leur terrain !Fin 1996, la Safrane est restylée (un restylage qui, à mon sens, lui fait perdre beaucoup de charme). La Baccara disparaît au profit de l’Initiale (Renault ayant perdu le droit d’utiliser le nom suite à un procès avec les Cristalleries de Baccarat). La Biturbo n’est pas reconduite, après seulement 808 exemplaires vendus (l’échec est cuisant). Pour ce qui est des motorisations, la Safrane Phase 2 hérite d’une palette de moteurs essence Volvo, malgré l’échec de la fusion (lire aussi : L’échec de la fusion Renault-Volvo). Outre un 2 litres 16 soupapes suédois de 138 ch, elle reçoit un 5 cylindres Volvo de 2.5 litres et 168 ch (20 soupapes) : sans doute l’une des motorisations les plus intéressantes sur la Safrane, à rechercher absolument. Fin 98, la Safrane troquera son antique PRV pour le nouveau V6 PSA/Renault (L7X) 3 litres 24 soupapes de 194 ch. En diesel, l’offre se limitera à l’unique moteur G de 2.2 litres et 113 ch !
La Safrane n’est pas l’échec que l’on croit. Certes, elle ne se vendra, entre 1992 et 2000 (fin de production en 1999), qu’à 310 000 exemplaires, contre 780 000 pour la Renault 25, mais il faut remettre la voiture dans son contexte : une concurrence plus forte, notamment des marques allemandes, et surtout une baisse des ventes de ce segment, notamment avec une offre monospace encore élargie (et de plus en plus prisée par les familles qui délaissent les grandes berlines). Sans compter l’émergence des 4×4 en haut de gamme. La Peugeot 605 (254 000 ex) et la Citroën XM (333 000 ex) sont dans les mêmes eaux en terme de volume. Les modèles suivant seront encore plus touchés par ce rétrécissement du marché de la grande berline au profit des MPV, puis des SUV : la 607 s’en tirera le mieux (169 000 ex) tandis que la Vel Satis ratera le coche (62 000) et la Citroën C6 se crashera (23 000). Notez aussi qu’une Safrane II sortira quelques années plus tard au Moyen Orient et au Mexique (lire aussi: Renault Safrane II).
Aujourd’hui, la Safrane (hormis la Biturbo) végète encore sur le marché de l’occasion. Malgré son âge vénérable, elle n’arrive pas à vraiment devenir « collector » malgré des versions intéressantes (Baccara et Initiale, versions Quadra et V6, et surtout le rare 5 cylindres Volvo). C’est peut-être l’occasion de se pencher sur son cas pendant que les prix restent bas. Et si vous voulez une version vraiment originale, tout en faisant un clin d’oeil aux amateurs de cinéma, pourquoi ne pas se mettre en quête d’une Safrane Palme d’Or, « une voiture qu’elle est bien pour la conduire » ?